La Presse Bisontine 237 - Mars 2022
6 L’ÉVÉNEMENT
La Presse Bisontine n°237 - Mars 2022
À PLANOISE, LA PEUR CHANGE DIFFICILEMENT DE CAMP
Planoise, 19 000 habitants, un quartier gangrené par le trafic de stupéfiants. Depuis 2020 et la flambée de violence qui a coûté la vie à un homme, l’État et la Police mettent des moyens humains pour tenter de saper le travail des dealers. Des renforts de police sont arrivés au commissariat de quartier et d’autres sont annoncés. Les habitants attendent de voir.
l Planoise Pas de quartiers pour le trafic de stup’ Une guerre déclarée au trafic mais des habitants toujours otages Alors que les pouvoirs publics n’ont jamais mis autant d’énergie et de moyens pour gêner les trafiquants, les habitants demeurent dubitatifs.
U n matin de février, à l’aube, une caméra de vidéosurveil lance prend position rue de Fribourg à Planoise pour gêner un point de deal connu de tous. La caméra - qui tourne à 360° - tient quatre heures sur son poteau. Cisaillée à la disqueuse, elle tombe sous le regard médusé de quelques habitants réveillés par le bruit strident de la machine. Prévenue, une patrouille de la police municipale arrive la première sur les lieux. Le mal est fait. Dans son appartement, cet habitant qui tient à garder l’anonymat se dit dépité même si l’appareil a été remis en fonction mi-février par le centre de sûreté opé rationnel piloté par la mairie. Selon ce retraité propriétaire, rien ne change à Planoise.Après le calme apparent depuis deux ans (lire ci-contre), un homme a été blessé par balles à Cassin le 11 février. Deux jours avant, des tirs ont été enten dus rue de Picardie, et une arme, de type carabine avec lunette, a été saisie. La peur demeure. “Dans huit mois, un homme qui a participé aux tirs entre bandes rivales va sortir de prison… Il a déjà prévenu sa famille qu’il se vengerait à son retour bien qu’il sera interdit de présence dans le quartier” nous indique
une source policière. Les habitants ne sont pas dupes. ils savent l’équilibre précaire. La preuve lors de la réunion publique organisée le 1 er février dernier au gymnase Diderot par la Préfecture, la Mairie et la Police. Avant que la réunion ne débute, une dame dépose une lettre manuscrite à Anne Vignot pour l’alerter sur ce qu’elle vit au quotidien après lui avoir adressé par le passé deux missives restées sans réponse. Elle nous confie qu’elle ne pren
sommes déterminés car nous avons une obligation de résultat. Au 1 er mars 2022, il y aura 84 gardiens supplémentaires à Besançon comparé à 2017, soit + 40 % en 5 ans ! Nous menons un travail sur les écoles en dédoublant les classes de C.P., sur l’emploi avec 6 conseillers sup plémentaires Pôle Emploi à l’agence de Planoise, 10 pour laMission locale. Quant à l’aménagement urbain, la puissance publique se donne les moyens avec 180 millions d’euros qui seront investis” égrène Jean-François Colombet. Raser les tours, nombreux sont les habi tants à ne pas le vouloir. “Où va-t-on aller ?” , questionne une jeune femme. “Arrêtez de penser ce qui est bien pour nous, écoutez-nous !” lâche une autre. “Ce que l’on veut, c’est vivre comme nous vivions dans la sérénité il y a 50 ans ! C’était la cohésion entre tous” poursuit une riveraine. “Sachez que notre déter mination est totale” martèle le Préfet qui promet un autre rendez-vous avec la population, le 1 er juillet. Un habitant réclame une police municipale le week end et le soir. Benoît Cypriani (E.E.L.V.), adjoint à la tranquillité publique, ne répond pas à cette demande et déclare que la P.M. n’est pas là pour assurer la
Environ 200 riverains étaient présents à la réunion publique sur le thème de la tranquillité publique à Planoise. Prochain rendez-vous le 1 er juillet.
drogue dans leur appartement) qui tou chent 1 500 euros par mois ! Mais on laisse faire !” s’emporte-t-il. Si la peur n’a pas changé de camp, la pression est forte sur le trafic. Les points de deal du 1 au 20, rue de Fribourg, d’Ile de-France, ou encore de Champagne sont toujours là, ceux de la rue de Picardie, de Cologne, du squareVan-Gogh ont dis paru. Les trafiquants se replient là où ils sont les plus forts, ce qui gêne forte ment les forces de l’ordre. Un “jeu” du chat et de la souris. Des souris réguliè rement attrapées mais vite relâchées ou remplacées… Depuis quelques mois, les dealers font appel à des intérimaires venus d’autres villes comme Strasbourg, voire à des étu diants, des chômeurs, pour remplacer les charbonneurs et guetteurs épinglés. Un éternel recommencement. n E.Ch.
sécurité. C’est - selon lui - une mission de la Police nationale. “Faux, rétorque Laurent Croizier, conseiller municipal L.R.E.M.-MoDemprésent ce jour-là. L’ar ticle 2 212-2 du code des collectivités ter ritoriales qui régit les missions de la P.M. sont claires : la police a pour objet d’as surer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique.Avec cette muni cipalité, c’est comme si la policemunicipale n'existait pas” pointe l’élu. Or, quatre agents municipaux sont constamment présents à Planoise du lundi au vendredi. Ils contrôlent et saisissent même des stupéfiants et renvoient des délinquants au commissariat de Besançon. Selon un retraité qui interpelle vivement le Préfet, ce sont aux parents des dealers qu’il faut s’attaquer. “Les parents ferment les yeux sur ce que font leurs gamins car ils font vivre la famille. Il y a également des nourrices (personnes qui stockent la
dra pas la parole en public. Pourquoi ? “Si je parle, il y aura des représailles, assure t-elle. Je sais qu’il y a une personne dans la salle qui est là pour écouter ce que l’on dit.” Difficile de le vérifier sachant que plus de 200 sont présentes. Deux de ses voi sines confirment ses dires. Ambiance pesante. Pourtant, le climat change à Planoise. “Je ne suis pas là pour dire que nous sommes les champions du monde, concède le Préfet. Il y a encore beaucoup à faire pour amé liorer la situation mais nous
84 policiers supplé mentaires en 5 ans.
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