La Presse Bisontine 236 - Février 2022
L’interview du mois 5
La Presse Bisontine n°236 - Février 2022
les choix et de restrictions budgétaires, une façon tardive de prendre en compte les départs en retraite. L.P.B. :Votre charge de travail ne va pas diminuer sachant que de lourds procès sont programmés au tribunal de Besançon. L’année sera passionnante judiciairement, mais fatigante. J.F. : (rires). L’activité correctionnelle du tribunal Besançon est 20 % plus impor- tante que celle de Dijon alors que nous sommes huit magistrats au Parquet (ils sont 10 à Dijon). Cinq postes sont vacants au siège. Ils seront compensés par l’ar- rivée de 3,5 magistrats mais il manque encore trois postes de fonctionnaires. La question se pose d’obtenir plus demoyens au pénal ainsi que des greffiers. Le dossier Zepeda (l’affaire Narumi) nécessitera un important travail de pré- paration et de logistique, tout cela à charge constante. Il faudra absorber - ou pas - le dossier Péchier (N.D.L.R. : l’anesthésiste bisontin mis en examen pour 29 empoisonnements) si une ordon- nance de mise en accusation est procla- mée et enfin le dossier des tirs de Planoise qui est tentaculaire. L.P.B. : Par rapport à ce que vous avez décrit, on peut parler d’une déliquescence du service public. Quels dossiers pourraient en pâtir ? J.F. : Sans doute nous traiterons moins vite des dossiers comme les escroqueries sur Internet ou des contentieux complexes sans trouble à l’ordre public. Pour les justiciables, ce n’est pas entendable. n Propos recueillis par E.Ch.
c’est lorsqu’il faut pallier le remplace- ment d’un collègue, d’une vacance de poste, car on sait que le moindre grain de sable vous donne l’impression de ne pas pouvoir faire face. L.P.B. : Comment tenez-vous ? J.F. : Tout le monde est dévoué. Personne ne compte ses heures ni son adaptabilité. En revanche, il n’existe pas de conflit générationnel entre des jeunes magis- trats qui voudraient moins travailler et les anciens qui auraient pu être cor- véables comme certains ont pu le dire par le passé. Même en y mettant toutes nos forces, nous n’arrivons pas à offrir un service suffisant : voilà ce que dit le mouvement. L.P.B. : À quel moment cela a dérapé ? J.F. : Je ne sais pas. Lorsque j’ai débuté en septembre 2009, nous étions déjà sur ce constat. Le corps de magistrats n’a pas beaucoup bougé en termes d’ef- fectifs mais les missions, elles, ont explosé. L.P.B. : Qui met la pression aux magistrats : la hiérarchie, les justiciables, la police ? J.F. : La Police, c’est notre partenaire de travail, les policiers comprennent nos difficultés. Pour montrer l’indépendance de la justice, il faut qu’elle dispose de moyens afin qu’elle puisse travailler sur des dossiers de fraudes économiques ou d’autres dossiers complexes.
présidentielle, qu’espérez-vous ? J.F. : Les états généraux de la Justice se sont télescopés avec notre motion. Ce télescopage du calendrier politique avec notre action et le décès de notre collègue n’était évidemment pas prévu. On pensait que notre action allait passer sous silence et nous sommes heureux de voir que cela a été largement repris par la presse et les concitoyens.
L.P.B. : Le syndicat de la magistrature est taxé d’être parfois être poli- tisé, à gauche notam- ment. Que répondez- vous ? J.F. : Le mouvement est déconnecté des syndicats et de la politique. Si le syn- dicat prend la parole, c’est parce que nous sommes soumis au droit de réserve. L.P.B. : Que pensez-vous de votre ministre de tutelle Éric Dupond- Moretti ? J.F. : Il ne peut pas être tenu pour seul responsable de tous les problèmes de la justice. Simplement, on pointe un défaut d’anticipation dans
“L’activité est 20 % plus impor- tante qu’à Dijon avec moins de magistrats.”
L.P.B. : À moins de quatre mois de l’élection
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