La Presse Bisontine 235 - Janvier 2022

16 Besançon

La Presse Bisontine n°235 - Janvier 2022

JUSTICE

L’avocat de Jonathann Daval

“Que les hommes disposent un jour des mêmes droits que les femmes” Le livre publié par Randall Schwerdorffer, l’avocat de Jonathann Daval, co-écrit avec le journaliste Frédéric Gilbert, apporte un témoignage sur ce fait divers hors du commun. Il a suscité un tollé du côté des associations féministes. Randall Schwerdorffer le définit comme un livre éducatif. Interview.

L.P.B. : Vous parlez de “dictature féministe.” N’est-ce pas un peu fort ? R.S. : Pendant le procès, pour éviter des polémiques, j’ai dû me taire. J’ai osé écrire que les femmes étaient mieux traitées et moins sévèrement punies pour des crimes équivalents. C’est la vérité.Un rapport de l’Assemblée natio- nale le confirme. Prenez exemple d’un divorce : le traitement des hommes est inégalitaire par rapport aux femmes. L.P.B. : Difficile toutefois de comparer un divorce à un homicide… R.S. : Un homicide n’est pas un droit ! Il n’y a rien de légitime de tuer sa com- pagne. Ce n’est pas parce que je dénonce une société qui devient de plus en plus matriarcale que je cautionne lemoindre féminicide. Loin de là ! C’est un combat d’égalité. J’espère, un jour, que les hommes puissent disposer des mêmes droits que les femmes, ce que le procès de Jacqueline Sauvage a prouvé. Dans ce procès, mais aussi d’autres, on a le droit d’agonir d’injures un homme qui a tué sa femme. Pire, des associations féministes revendiquent la légitime défense anticipée. Aujourd’hui, selon ces mêmes associations féministes, tout homme qui tue sa femme est dans un crime possessionnel, ce qui leur permet d’imposer l’absence d’analyse du cas par cas. L.P.B. :Avez-vous de l’affection pour votre client ? R.S. : De la compassion. L.P.B. : Tout semble avoir été dit dans cette affaire. Quelles “surprises” les lecteurs trou- veront-ils ? R.S. : Nous avons publié des éléments inédits comme la préparation du procès, le procès, nous dévoilons les S.M.S. échangés avant la disparition officielle d’Alexia. Et pour cause, onmet le doigt sur la difficulté du couple.Et la difficulté

L a Presse Bisontine : Paru aux éditions Hugo Doc, votre livre “Je voulais qu’elle se taise” a suscité la réaction de l’as- sociation “Osez le féminisme” qui l’a jugé comme “une insulte à toutes les victimes de féminicides.” Comprenez-vous la critique et l’annulation d’une séance de dédicaces pro- La critique, je peux la comprendre, à condition d’avoir lu le livre ! Je suis convaincu de l’ignorance des personnes de “Osez le féminisme” qui ont critiqué le livre sans l’avoir lu. J’en veux pour preuves les commentaires reçus sur les réseaux alorsmême que l’ouvrage n’était pas paru. Pour le reste, j’ai eu de très bons retours de la part de lecteurs qui m’ont confié avoir appris de nouvelles choses du procès et obtenu un nouvel angle sur cette affaire inédite. J’ai eu Zoom l Avocat à Besançon depuis 2001, Randall Schwerdorffer a plaidé 109 dossiers criminels dont 103 en défense et a obtenu 20 acquittements. Avocat de Jonathann Daval depuis octo- bre 2017, il a assisté à toutes les étapes procédurales de cette affaire jusqu’au procès d’Assises de Vesoul. l Frédéric Gilbert est journaliste spé- cialisé dans les affaires criminelles. Il a réalisé de nombreux documentaires pour les émissions “Affaires crimi- nelles”, “Faites entrer l’accusé”… grammée à Besançon ? Randall Schwerdorffer :

aussi d’autres retours de personnes qui n’étaient pas d’accord avec ce que j’ai écrit mais qui ont eu l’intelligence de lire le livre. L.P.B. : Pourquoi avoir choisi d’éditer cet ouvrage, dans le même temps que les parents d’Alexia ? Pour l’argent ? R.S. : Pas du tout pour l’argent… car je ne vais pas en vendre 200 000 exem- plaires (il sourit). J’ai souhaité témoigner de la difficulté à défendre un homme haï par la France entière et combattre cette censure que j’appelle de cancel culture , la culture de l’effacement ou du politiquement correct. Oser aborder la personnalité dans un procès de la partie civile devient interdit parce qu’il y aurait des choses que l’on peut dire, et d’autres pas. Lorsque je dis qu’Alexia peut se révéler agressive, injurieuse voire violente, je me fais défoncer. N’ou- blions pas que nous sommes en pleine période Meetoo. Si vous inversez les rôles, où Jonathann deviendraitAlexia, vous n’auriez pas une réaction. Au contraire, ce serait des réactions posi- tives comme “elle a eu raison de le tuer, arrêtons de se faire écraser par les hommes.” Savez-vous pourquoi ? Parce que la société fait passer les hommes pour des prédateurs. J’ai notamment dénoncé dans mon livre la position d’Alice Coffin (N.D.L.R. : journaliste et militante néoféministe) qui consiste à dire qu’il faut arrêter les attroupements d’hommes car cela crée un danger pour les femmes. Où va-t-on ? Tous les hommes sont-ils dangereux ? Non.

Randall Schwerdorffer présente son livre “Je voulais qu’elle se taise” paru aux éditions Hugo Doc (18,95 euros en librairie).

d’Alexia disent la même chose : “si on l’avait vu avant, rien ne se serait passé.” Jonathann avait demandé une aide extérieure mais Alexia avait refusé en lui disant : “toi, tu as un problème, règle- le.” Tous les deux ont un gros problème et foncent droit dans lemur sans recou- rir à une aide. Ces familles s’en veulent. Ce livre devrait être lu à l’école car au contraire de proposer des solutions déli- rantes pour lutter contre les violences faites aux femmes, et aux hommes, il propose des réflexions sur le couple, sur la vie commune, sur la séparation. Tout cela s’appelle l’éducation. Consi- dérer celui avec qui l’on vit, ce n’est pas inné, cela s’apprend. Ce rôle d’éducation doit être fait à l’école s’il ne se fait pas à la maison. Il faut des réflexions sur la vie commune, la séparation, car des jeunes d’aujourd’hui pourront être les Jonathann de demain. L.P.B. : Les parents d’Alexia ont-ils alimenté l’effet médiatique ? R.S. : Je ne dénie pas le chagrin qu’ils ont pour leur fille mais je pense qu’ils aiment cette starisation et cette expo- sition. L.P.B. : Comme vous avez pu l’aimer ? R.S. : Je ne m’en suis pas caché. J’ai

beaucoup de confrères qui me critiquent mais à chaque fois qu’ils peuvent passer à la télévision, ils le font. Si on me voit dans les médias, c’est que je l’accepte mais je ne les démarche pas. L.P.B. : Votre cabinet a-t-il été payé pour son travail en défense ? R.S. : Oui. Je ne conçois pas de travailler gratuitement et je trouvais scandaleux que des confrères se proposent de tra- vailler gratuitement pour récupérer le dossier alors que mon but n’était que de faire mon travail. L.P.B. : Une dédicace est-elle prévue à Besan- çon ? R.S. : Je le souhaiterais mais je n’ai pas envie que cela se passe mal. On com- prend que l’on soit d’accord ou pas d’ac- cord. J’ai respecté la décision de l’éditeur et du librairemais je pense que la liberté des années soixante est en train de se perdre. L.P.B. : Un second livre est-il en préparation ? R.S. : Oui. Ce sera une compilation d’af- faires pénales extraordinaires avec à chaque fois une leçon à tirer. À côté de l’affaire Daval, il y en a de nom- breuses… n Propos recueillis par E.Ch.

du couple, ce n’est pas que Jonathann, ce qui est difficile à entendre d’un point de vue médiatique. L.P.B. : Vous parlez de dif- ficulté de couple. Pourquoi les parents n’en parlent pas ? R.S. : Pour eux, tout allait bien alors que tout allait mal. Mar- tine (N.D.L.R. : lamère de Jonathann) et celle

Des points de procédures dévoilés.

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