La Presse Bisontine 222 - Octobre 2020

42 ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n°222 - Octobre 2020

INDUSTRIE

Le président de l’U.I.M.M. du Doubs

“L’apprentissage, je n’y vois que des avantages” Président de l’U.I.M.M. du Doubs depuis

novembre dernier, Damien Tournier le directeur de l’entreprise Schrader Pacific à Pontarlier est un fervent défenseur des formations par alter- nance dont l’offre couvre aujourd’hui toute la gamme des métiers de l’industrie, du C.A.P. à l’ingénieur. Une voie royale encore trop négligée.

L a Presse Bisontine : Que fait l’U.I.M.M. ? Damien Tournier : L’Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie est une instance nationale qui comprend 77 orga- nisations régionales ou dépar- tementales. C’est une instance représentative du patronat. On essaie de se fédérer ensemble pour apporter des réponses aux salariés. L’U.I.M.M. de Franche- Comté rassemble 580 entre- prises : 340 ont moins de 50 sala- riés, 160 entre 50 et 250 et on dénombre 80 entreprises de taille intermédiaire avec plus de 250 salariés et un chiffre d’af- faires supérieur à 50 millions d’euros. Le Doubs est scindé en deux : l’U.I.M.M. de Belfort- Montbéliard et la partie au sud, celle dont je suis président et qui compte 215 entreprises pour 11 000 salariés. Nous sommes tous rattachés à l’U.I.M.M. Bour- gogne-Franche-Comté. Cette structuration permet de rester assez proche des réalités de chaque territoire. L.P.B. :À chaque étage ses missions ? D.T. : Les accords de branche sont traités à l’échelle nationale. On travaille actuellement sur une nouvelle convention collective qui se substituera aux 77 en vigueur actuellement dans la métallurgie. Ce chantier est engagé depuis deux ans. Il reprend tous les aspects de la vie de l’entreprise : protection sociale, retraite, conditions de travail. Cette nouvelle conven- tion ouvre bien entendu la porte au dialogue social dans les entre- prises pour donner les bonnes réponses au bon moment. L.P.B. : L’union fait la force ! D.T. : Oui. Cela permet par exem- ple d’avoir un support d’aide juridique avec une équipe

centres de formation, du C.F.A. aux écoles d’ingénieur. On pro- pose aussi de la formation conti- nue à destination des salariés. L’objectif étant toujours d’ac- compagner l’évolution des métiers en sachant qu’on a des profils très différents dans l’en- treprise. L.P.B. : La métallurgie souffre toujours d’un déficit d’image ? D.T. : C’est certain. L’U.I.M.M. a lancé il y a quelques années la campagne de promotion “La fabrique de l’avenir” avec laquelle on commence à com- muniquer.Avec ces spots diffusés sur des chaînes télé, on gagne en visibilité. La nouvelle conven- tion s’inscrit aussi dans cette recherche d’attractivité tout en sachant que rien est facile. Quand on parle de suivre l’évo- lution des métiers, cela ne s’ap- plique pas seulement à la robo- tisation, à l’automatisation. Les métiers traditionnels comme l’usinage, la chaudronnerie, le soudage sont toujours bien pré- sents dans l’outil de production. L.P.B. : Pourquoi choisir de travailler dans l’industrie ? D.T. : À la différence d’autres branches, l’industrie qui repré- sente de gros investissements, s’inscrit dans le temps et a besoin de stabilité en termes de perspective. Cette démarche per- met de proposer une meilleure rémunération aux salariés de l’industrie qui gagnent 10 % à 15 % de plus, à compétences égales qu’ailleurs. L.P.B. : La visibilité rime aussi avec ouverture ? D.T. : Tout à fait. Améliorer l’at- tractivité de l’entreprise implique de s’ouvrir davantage vis-à-vis des écoles, des collèges, des lycées. Il faut casser les cli- chés, établir un vrai dialogue avec les enseignants qui mécon- naissent souvent nos métiers. Assez paradoxalement, les industriels sont compétents en production et commercialisation mais ils ne savent pas vendre leurs métiers. Le déficit d’image est latent. On le constate. Cela va prendre du temps d’inviter à venir voir ce que l’on fait dans nos usines. On propose aussi de l’accompagnement au recrute- ment à Pôle Emploi qui peut accéder à nos installations pour faire découvrir les métiers de la métallurgie.

“L’outil de formation doit rester actif”, estime Damien Tournier, le président de l’U.I.M.M. du Doubs.

l’outil de formation. Il faut tou- jours garder à l’esprit que le point de déclenchement reste et restera le travail. L.P.B. : Le plan de relance prévoit aussi un assouplissement d’accès à l’ap- prentissage. De quoi s’agit-il ? D.T. : Au lieu de trois mois, les apprentis ont maintenant 6mois après le début de leur formation pour signer un contrat d’appren- tissage avec une entreprise. À la rentrée 2019, on comptait 1 000 apprentis dans les centres de formation, soit une hausse de 15 %. Cette rentrée avec le contexte économique, 20 % des candidats à l’apprentissage non pas encore signé de contrats. Cela représente une centaine de jeunes qui vont démarrer en cours théoriques. Ils auront jusqu’au 28 février pour trouver une entreprise. L.P.B. : Et s’ils ne trouvent rien ? D.T. : Ils auront alors la possibilité de rejoindre un cycle de forma- tion classique en établissement. L.P.B. : Crise ou pas, il faut continuer à former des apprentis ? D.T. : Oui. N’oublions pas que l’an dernier on courait après lamain- d’œuvre. L’outil de formation doit rester actif. Les entrepre- neurs doivent prendre conscience de l’intérêt de former des jeunes pour répondre aux besoins de demain. C’est vrai qu’aujourd’hui, on est un peu à la traîne, en proie au doute,mais il faut garder espoir. n Propos recueillis par F.C.

un bénéfice péda- gogique acquis par ceux qui le for- ment. L’entre- prise, c’est là que se fait l’innovation et c’est aux jeunes d’apporter cette vision même si tout n’est pas facile. L.P.B. : Un apprenti trouve-t-il plus faci- lement un emploi ?

jours plus vite, plus haut, plus loin. Il reste encore beaucoup d’a priori sur la féminisation de nos métiers alors qu’il n’y a plus d’obstacle. À mon sens, l’entre- preneur digne de ce nom est d’abord là pour entreprendre et s’assoit sur ces considérations éculées. L.P.B. : Combien avez-vous recruté d’apprentis pour la rentrée dans votre entreprise de Pontarlier ? D.T. : Cela représente 20 contrats d’apprentissage à tous les postes. À Pontarlier, il y a parfois un souci de mobilité sachant que les jeunes doivent se rendre à Besançon pour se rendre dans les pôles de formation. On est les seuls à fabriquer des valves en France. Pour avoir le person- nel adéquat, il faudrait recruter en Allemagne et au Japon. Se pose aussi à Pontarlier l’attrac- tivité de la Suisse voisine. Dans ce contexte, on n’a guère d’autre choix que de se tourner vers l’ap- prentissage. L.P.B. :Le plan de relance de l’économie propose des aides aux entreprises qui prendront des apprentis. C’est une chance ? D.T. : On prend des gens quand on a du travail et non pas car on nous donne des aides, même si dans la période d’incertitude actuelle, on ne peut pas refuser l’aide. Le rôle de formation de l’apprenti revient à l’entreprise avec l’objectif de lui proposer un travail à l’issue de son par- cours. Les aides rassurent et permettent surtout de maintenir

L.P.B. : Quel intérêt de s’engager sur la voie de l’apprentissage ? D.T. : Je n’y vois que des avan- tages pour l’apprenti comme pour l’entreprise. Cela reste un vrai exercice d’échange entre le jeune, le maître d’apprentissage et le centre de formation. L’ap- prentissage offre une formidable proximité avec l’entreprise. Cela crée du lien, cela permet d’en- richir le vivier. Rappelons qu’un apprenti est rémunéré, ce qui permet aussi de soulager le bud- get “études” des familles. L’ap- prentissage est source de flexi- bilité. Depuis deux ans, c’est plus facile de créer des modules de formation adaptés aux condi- tions locales. Les procédures de validation sont beaucoup plus rapides qu’avant. L.P.B. :L’apprentissage n’est plus consi- déré comme une voie de garage ? D.T. : Cette image s’efface peu à peu. Les crises nous ont aidés, comme on a pu le constater en 2008. Le fait d’ouvrir l’appren- tissage aux formations à Bac + 3, Bac + 5 valorise aussi l’al- ternance. Quand on monte à ce niveau, pas besoin alors d’at- tendre cinq ans avant de donner du sens à ce que j’apprends. L.P.B. : Quel bénéfice pour l’entre- prise ? D.T. : Elle y gagne beaucoup par exemple avec cette capacité d’étonnement du jeune qui va forcément nous interpeller un jour ou l’autre. Cela fait bouger les lignes. La prise en charge de l’apprenti se traduit aussi par

“Donner du sens à ce que j’apprends.”

D.T. : Sept apprentis viennent d’arriver au bout de leur cursus chez Schrader Pacific. Quatre sont embauchés, un a décidé de poursuivre ses études et deux seront sur le marché de l’emploi. En général, plus de la moitié ont une proposition d’embauche. L.P.B. : Quelles sont les contraintes pour l’entreprise ? D.T. : L’employeur a besoin de suivre l’apprenti dans son par- cours au centre de formation. Cela crée là aussi un lien avec le métier. On connaît très bien l’apprenti à l’issue de son par- cours. En accueillant des appren- tis, on multiplie les échanges avec les centres de formation : C.F.A., universités. Ce dialogue participe d’une meilleure mise en adéquation entre les besoins de l’industrie et l’enseignement. L.P.B. : Tout est source d’enrichisse- ment ? D.T. : Oui, même s’il y a encore des efforts à faire sur la mixité. En jouant cette carte, on va tou-

“Il faut établir un vrai

dédiée qui nous apporte des élé- ments de réponse sur l’in- terprétation de la loi, dans les accords, dans l’écriture des contrats. L.P.B. : Et la forma- tion ? D.T. : C’est un peu le cœur de notre mission. L’U.I.M.M. est associée à des

dialogue avec les enseignants.”

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