La Presse Bisontine 222 - Octobre 2020

40 DOSSIER ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n°222 - Octobre 2020

BANQUE

Le nouveau patron du Crédit Agricole Franche-Comté “La proximité que l’on entretient avec le territoire est d’autant plus précieuse en ce moment” Arrivé en juillet à la tête du Crédit Agricole Franche-

L a Presse Bisontine : Après le choc de la crise sanitaire, comment sentez- vous cette rentrée économique ? La reprise est-elle au rendez-vous ? Franck Bertrand : Depuis mon arrivée à la tête du Crédit Agricole Franche- Comté, une de mes préoccupations a été d’aller à la rencontre des chefs d’en- treprise de cette région. Ceux que j’ai déjà rencontrés, notamment les res- ponsables d’entreprises d’une certaine taille et représentatives des secteurs d’activité de notre région me disent : “Dans cette année 2020 qui était très mal engagée, on s’attendait à pire et il y aura sans doute des bonnes surprises.” Je confirme que des projets d’investis- sement sont confirmés, des opérations de croissance externe ont eu lieu depuis la reprise et même des projets nés avant le Covid sont relancés. Les entre- prises qui se portaient bien avant la crise sanitaire et qui sont bien gérées ont su prendre les bonnes décisions, avec notre soutien, et la reprise s’est faite pour elles de manière très inté- ressante. Certaines même me disent penser faire une meilleure année que prévu. Une fois que j’ai dit ça et qu’on considère que 80 % environ des entre- prises se portent plutôt bien dans cette période post-Covid, il en reste tout de Comté, Franck Bertrand réafffirme les priorités de la banque régionale dans un moment où plus que jamais les entreprises et les particuliers ont besoin d’un appui. Interview.

Franck Bertrand est arrivé à la tête du C.A.F.C. début juillet. Il a rapidement pris ses marques dans un contexte inédit.

aux nouveaux dossiers sont sur une excellente dynamique. L.P.B. : Vous évoquez la proximité, leitmotiv du C.A.F.C. : serez-vous sur la même ligne que votre prédécesseure concernant le maintien de l’ensemble des 133 agences Crédit Agricole sur le territoire franc-comtois ? F.B. : Nous avons fait un choix straté- gique que je confirme : un modèle basé sur l’humain et le digital. C’est une question qu’on se pose tous les jours : quel est le bon maillage pour réussir ce modèle ? Je confirme qu’il n’y a aucune raison de changer le maillage territorial tel qu’il existe et c’est jus- tement en milieu rural, là où certaines agences sont peut-être moins fréquen- tées, que notre présence se justifie car l’accueil physique y est primordial. Le Covid nous a apporté d’autres éclai- rages avec des clients qui ont pris d’au- tres habitudes. Mais le fait de savoir qu’il y a près de chez soi un conseiller que vous pouvez aller rencontrer reste primordial. La vraie question, c’est de savoir comment on va apporter plus de compétences dans nos agences, quelle est la valeur que l’on crée dans nos agences. Le physique est aussi au service du digital. Alors s’il s’agit de savoir si des agences seront supprimées à court terme, clairement la réponse est non.

F.B. : Notre devoir est d’abord d’envoyer de l’optimisme avec ce constat que beaucoup d’entreprises continuent à aller très bien et que pour elles, et pour celles qui vont moins bien également, le monde de la banque et le C.A.F.C. en l’occurrence, est en capacité d’as- sumer pleinement son rôle. Car nous ne sommes pas dans une crise bancaire comme en 2008. On saura accompagner les filières qui ne vont pas bien. L.P.B. : Certaines branches, certaines petites entreprises qui ont bénéficié d’un Prêt garanti par l’État (P.G.E.), via leur banque, attendent avec appréhension le moment où il faudra commencer à le rembourser, en avril prochain. Quelle sera votre position de banquier ? F.B. : Au moment où les P.G.E. ont été enclenchés, on s’est d’abord mis dans la tête que toute entreprise saine avant la crise avait droit à un P.G.E. Dans la région Franche-Comté, 2 200 entre- prises ont bénéficié d’un P.G.E. par notre intermédiaire, pour un montant global de 250millions d’euros. Certaines entreprises pour lesquelles un P.G.E. a permis de tenir sans creuser dans la trésorerie auront peut-être en effet non pas forcément du mal à les rem- bourser, mais je crains plutôt que le Covid ait une conséquence sur les capa- cités futures de ces entreprises à inves- tir, l’an prochain et peut-être jusqu’en 2022. Il y aura pour nous de vraies

questions et de vrais échanges à avoir avec les entreprises et plus que jamais, les rela- tions entre un chef d’entreprise et son banquier seront pré- cieuses. D’ailleurs, actuellement plus un chef d’entreprise est transparent avec nous sur sa situation, plus nous pourrons être amenés à affiner notre soutien. Nous sommes plus que jamais dans une rela- tion de confiance. La

L.P.B. :Vous communiquez en ce moment sur le fait que vous injectez 1,4 million d’euros directement en soutien de l’économie locale ? D’où vient cet argent ? F.B. : La B.C.E. met en ce moment à la disposition des banques de l’argent à des taux très faibles. Dans le contexte actuel, on a donc pris la décision à l’échelle de la région de sacrifier une partie de notre marge, ce 1,4 million, pour le mettre à la disposition du ter- ritoire à travers plusieurs actions : du crédit à la consommation à taux zéro en direction des jeunes, et de l’aide au financement de véhicules verts. Cette enveloppe doit contribuer elle aussi à alimenter la relance. On flèche aussi une partie de cette enveloppe pour des produits d’assurances avec 6 mois offerts. Il faut que les clients sachent pourquoi ils sont chez nous. J’appelle cela “l’obsession client.” L.P.B. : Le soutien au monde associatif, sportif, culturel, est-il toujours de mise en ces temps compliqués ? F.B. : Nous continuons bien entendu à accompagner ces secteurs-là et le Covid ne remet aucunement en cause ce choix. En 2019, nous avons ainsi consacré 2millions d’euros dans ces partenariats. En 2020, même si des manifestations ont été supprimées, on maintiendra ce niveau de soutien. n Propos recueillis par J.-F.H.

même près de 20 % avec de fortes incertitudes, c’est inévitable. L.P.B. : Les dégâts de la crise sont donc encore à venir ? F.B. : J’ai l’impression qu’il y a moins de situations intermédiaires qu’avant le Covid où des entre- prises allaient très bien, d’autres assez bien, d’au- tres enfin mal ou très mal. Je pense qu’on doit s’attendre à ce que la majorité continue à aller très bien et une petiote minorité, sans doute déjà fragiles, aillent beaucoup moins bien. Dans le domaine de la sous-trai- tance notamment, il faut encore un certain délai avant de voir si en effet certaines entreprises auront de grandes diffi- cultés ou pas. L.P.B. : Comment appréhen- dez-vous votre rôle de banquier dans ce contexte ?

“Notre devoir est d’abord d’envoyer de l’opti- misme.”

“On saura accompagner les filières qui ne vont pas bien.”

proximité que l’on entretient avec le territoire est d’autant plus précieuse en ce moment. L.P.B. : Les particuliers dont on dit qu’ils n’ont jamais autant épargné que depuis le Covid, ont-ils recommencé à consommer, à inves- tir ? F.B. : Sur le plan des crédits habitat, je pense qu’on fera une année 2020 aussi bonne que 2019. Les gens ont profité du confinement pour affiner leurs pro- jets, ceux qui vivent en appartement se sont intéressés aux maisons, etc. Nous sommes même en augmentation en cette rentrée.À fin août en tout cas, les réalisations de prêts par rapport

Made with FlippingBook Ebook Creator