La Presse Bisontine 222 - Octobre 2020

16 BESANÇON

La Presse Bisontine n°222 - Octobre 2019

HISTOIRE

Mammouth n’écrase plus les prix… La C.E.D.I.S., le drame d’une succession ratée

Retour une page de l’histoire commerciale de Besançon avec la disparition de la plus grande entreprise bisontine de l’époque, la C.E.D.I.S. (Centre Est Distribution Succursaliste) en 1985. Le récit impressionnant de l’épopée familiale racontée de l’intérieur, 35 ans après, par le directeur général de l'époque, François-Noël Mathey l’aîné de la troisième génération de la saga Mathey.

L e récit de François-Noël Mathey “Itinéraire d'un Fils de Famille, Rien n’est jamais acquis” vient de paraître aux éditions du Reflet. Il raconte le drame d’un héritier qui était pressenti pendant de nombreuses années à la prési- dence d’une entreprise familiale florissante, la C.E.D.I.S. qui prend fin au moment du rachat par Casino en 1985. Dans cet ouvrage dédié “aux salariés de la C.E.D.I.S. qui ont été trahis par les frères Mathey” , François-Noël expose sa vérité sur des faits méconnus avec à l’appui de nombreux témoi- gnages inédits et exprime sa souffrance et sa rage d’avoir été “traité d’incapable” , de n’avoir pas pu empêcher la vente, d’avoir servi de “bouc émissaire” et

Employant 10 000 personnes, la C.E.D.I.S. était la 1 ère entre- prise de Besançon et la 2 ème de Franche-Comté après Peugeot. Il confie alors le montant payé par Casino : “La transaction a été de 900 millions de francs, soit environ 140 millions d’eu- ros.” Le siège de Casino étant à Saint-Étienne, le rachat impli- quait mutations, suppressions d’emplois et préretraites et bou- leversait toute la vie économique de la région. Une catastrophe pour des milliers de gens. À la question, pourquoi avoir attendu si longtemps pour écrire, il répond : “À l’époque, j'avais

d’avoir été réduit au silence par sa famille. Il révèle surtout sa grave mésen- tente avec Gabriel, Jean (son père) et Henri (les 3 frères Mathey) qui a conduit à sa mise à l’écart car il s’est opposé à la vente et a poussé les décideurs pris de panique, ne sachant pas comment régler la succession,

préféré la discrétion à la polé- mique ce qui ne m’a pas empêché de rompre avec ceux que je consi- dérais comme responsables de ce désastre. La conséquence en a été que peu de gens ont su pour- quoi et comment s’était réelle- ment passée la disparition pro- gressive mais définitive de la première entreprise de Besançon. Je m’étais résigné au silence.” n B.C. François-Noël Mathey présente le livre qu’il consacre à cette saga familiale hors du commun.

à vendre la C.E.D.I.S. alors que d’après lui et les chiffres, l’entreprise était prospère et il n’y avait pas lieu de la vendre “avec 10 milliards de francs de chiffres d’affaires, envi- ron 1,5 milliard d’euros.”

La 2 ème entreprise

de Franche- Comté après Peugeot.

Pour commander itineraire.cedis@icloud.com (prix 20 euros) Librairie “A la Page” 43, rue Mégevand

Les 20 glorieuses de la C.E.D.I.S. de 1965 à 1985 E n 1965, la fusion de qua- tre sociétés concurrentes exploitant au total 800 magasins d’alimentation

Les membres du directoire devant la C.E.D.I.S. De gauche à droite, Jean-Claude Bouret, François-Noël Mathey, Charle Urbain, Pierre Mathey (le cousin), Hector Tonon.

de détail : les Docks Francs- Comtois famille Mathey 60 %, les Économiques bisontins, actionnaires divers 20 %, la Ruche Comtoise à Dijon 10 % et les Comptoirs de la Bour- gogne 10 %. Par la suite, poursuit François- Noël Mathey, “la C.E.D.I.S. ouvrit des supérettes Magéco, puis des supermarchés SUMA et enfin des hypermarchésMam- mouth.” François-Noël Mathey retrace son parcours qui aurait pu faire de lui le digne héritier de la C.E.D.I.S. Après des études secondaires à Saint-Jean, il entre à l’École Supérieure des Sciences Éco- nomiques et Sociales à Lyon.

Mathey sur cette tragédie éco- nomique qui restera dans l’his- toire de Besançon et de sa région est pathétique. On décou- vre au fil des pages que le sort dramatique de milliers de sala- riés s’est décidé simplement à la suite à de dissensions fami- liales… n La C.E.D.I.S. en chiffres l 1912 : Création des Docks comtois et des Économiques par Joseph Mathey l 1965 : création de la C.E.D.I.S. l 1971 : entrée en bourse l 1985 : 130 SUMA, 18 hyper- marchés, 14 % du marché de l’alimentaire en Franche-Comté 10 milliards de francs de chiffre d’affaires

“À ma sortie de l’E.S.S.E.C. en 1965, il était prévu que j’entre à la C.E.D.I.S. au terme d’une série de stages qui devaient me permettre de me familiariser avec la grande distribution, la banque et la bourse.” Il entre à la C.E.D.I.S. le 1 er décembre 1970. L’arrivée des membres exté- rieurs Charles Urbain, Jean- Claude Bouret et Hector Tonon pour créer un directoire en 1982 au moment du départ en retraite de Gabriel (72 ans) accroît les divergences et a pour conséquence la mise à l’écart de François-Noël. En 1985, il aurait pu prendre les rênes de l’entreprise fami- liale. “J’étais conscient que Charles Urbain ne connaissait rien à l’exploitation de l’entre- prise, que moi-même j’étais un peu jeune pour être directeur général à part entière mais que

par contre nous avions deux hommes irremplaçables en la personne de Jean-Claude Bouret et Hector Tonon. Ce fut une grosse erreur de ma part. Je n’imaginais pas au départ que mon patron (Charles Urbain) serait aussi nul et que les deux cadres seraient “petits” au point de monter une opération aussi méprisable contre moi en dictant leurs lois aux anciens. Je pensais encore moins que Gabriel pous- serait la veulerie jusqu’à trahir l’unité familiale contre moi…” juge-t-il avec sévérité. François-Noël Mathey fut embauché par Casino Saint- Étienne pendant 3 ans et demi puis démissionna. En avril 1989, il rachète la société Pierbé (prêt-à-porter féminin) qu’il dirigea pendant 14 ans avant de prendre sa retraite. Ce qui ressort des explications tardives de François-Noël

Les trois frères Mathey.

Bâtiment du siège de la C.E.D.I.S. avenue des Docks actuellement boulevard Diderot.

Made with FlippingBook Ebook Creator