La Presse Bisontine 219 - Juillet 2020

26 DOSSIER I

La Presse Bisontine n°219 - Juillet 2020

“30 % des entreprises ont déjà des difficultés de trésorerie” En première ligne pendant la crise sanitaire, la Chambre de commerce et d’industrie s’est fait le relais de toutes les initiatives locales pendant et après le confinement. Aujourd’hui, elle tra- vaille à construire un plan de relance avec les collectivités. Les explications de Dominique Roy,

L a Presse Bisontine : Les entreprises de ce département n’ont paradoxalement jamais autant entendu parler de la C.C.I. du Doubs que depuis le début de la crise sanitaire grâce à une très forte mobilisation de vos équipes. Comment analysez-vous cela ? Dominique Roy : Il est exact que ce temps si particulier a permis de donner à nos 17 000 ressortissants une autre visibilité de ce que la C.C.I. est en capacité de faire. Habituellement, 10 % seulement de ces ressortissants sont régu- lièrement actifs auprès des services de la C.C.I. Les C.C.I. ont deux siècles d’existence mais il est vrai qu’on a perdu au fil du temps cette proximité mentale vis-à-vis de ressor- tissants qui ne se sentent pas toujours concer- nés par nos services. Dès le début de la crise, suite à l’adresse covid19@doubs-cci.fr que nous avions créée dès le 16 mars, nous avons reçu des milliers de demandes et de questions de la part des entreprises du Doubs qui pour la plupart étaient dans le flou total. Dès le mardi 17 mars, nous nous faisions également le relais de l’appel des Docteurs Gayet et Henry de Besançon concernant l’outil qu’ils avaient mis en place pour récupérer dumaté- riel de protection face au Covid. Ce relais que la C.C.I. a fait a entraîné un élan de soli- darité formidable. Puis on a créé cette série de webinaires à destination des entreprises confinées qui ont, eux aussi, connu un grand succès. Pendant ces deux moins et demi de crise, on peut affirmer que la C.C.I. a été

très réactive et que cet événement, le Covid, a été pour nous aussi un accélérateur dans la prise de décision. Je pense pouvoir dire que nous avons fait preuve de réactivité et d’agilité. C’est aussi à nous de transformer l’essai. L.P.B. :Vous êtes donc allés au-delà de vos prérogatives habituelles ? D.R. : Certainement, on peut dire que nous sommes tous sortis de notre zone de confort en créant par exemple cette plate-forme d’ap- provisionnement en matériel de première nécessité, ou en relayant sur les différents territoires du Doubs, via notamment les offices de tourisme, toutes les adresses des restaurants qui faisaient de la vente à empor-

çon toutes activités confondues. 576 ont répondu, ce qui en matière de sondage est un taux assez exceptionnel, preuve que le sujet est évidemment sensible pour eux. 6 entreprises sur 10 avaient totalement stoppé leur activité pendant la crise sanitaire et 83 % ont repris le travail au 15 mai. 30 % affirment avoir des difficultés de trésorerie, 20 % supplémentaires pensent que ces dif- ficultés arriveront fin juin et 30 % encore d’ici la fin de l’année. La bonne moitié des entreprises ont subi un impact sur leur chiffre d’affaires, et 24 % déclarent aussi que cet impact risque même de mettre en péril leur activité… L.P.B. : Que ferez-vous de ces données ? D.R. : Ces constats assez alarmants nous ser- viront à nourrir la réflexion engagée avec les pouvoirs publics, ici Grand Besançon Métropole, pour affiner le plan de relance que l’agglomération prévoit. Au volet com- merce, ces données nous guident aussi pour lancer des opérations de communication en ce mois de juin à destination du grand public pour inciter les consommateurs à continuer à mettre en pratique les bonnes habitudes qu’ils ont prises pendant le confinement de consommer local. Nous diffuserons notam- ment des sacs en septembre à l’occasion des Samedis piétons de Besançon avec cemessage précis.

qu’un feu de paille selon vous ? D.R. : Ce besoin de proximité est plus qu’un simple ressenti, j’en suis persuadé. Il est impératif que cette tendance des consom- mateurs qui ont su trouver cette proximité et cogiter sur la prise en compte du déve- loppement durable se poursuive dans le temps. Il ne s’agit évidemment pas de tomber dans un isolationnisme, mais cette crise a été et doit rester un accélérateur de tendance. Concernant l’industrie, cette crise a remis en question les modes d’approvisionnement. Je ne pense pas que ce soit de l’utopie de dire qu’on doit raisonner sur des achats plus raisonnés, plus raisonnables, plus qualitatifs. On est sans doute au bon moment pour mettre en œuvre cette transition. n Propos recueillis par J.-F.H. Dominique Roy, le président et Anthony Jeanbourquin, le directeur général qui a été sur le pont dès le premier jour de la crise sanitaire.

ter pendant le confinement. Je pense qu’à travers cet épi- sode, de nombreux entrepre- neurs ont perçu la C.C.I. autrement que comme un organisme qui collecte des taxes. L.P.B. : Maintenant que la crise sanitaire est, on l’espère, derrière nous,avez-vous le retour des entre- prises concernant leur état de santé ? D.R. : Nous avons mené une enquête à la sortie du confi- nement auprès de 2 995 éta- blissements duGrand Besan-

“Cette crise doit rester un accélérateur de tendance.”

L.P.B. : Ce retour vertueux à la proximité ne sera pas

ÉCONOMIE

l Bâtiment Le président des promoteurs “La Province devrait retrouver un vrai pouvoir d'attraction suite à cette crise” Les chantiers de construction ont presque tous redémarré, mais le retour à la normale sera lent, avec un écroulement attendu du nombre de dépôts de permis accordés. Le point avec Fabrice Jeannot, président de la Fédération régionale des promoteurs et président de la société bisontine S.M.C.I.

Le groupe Moyse est également en ordre de marche Comme ses confrères du bâtiment ou des T.P., la société bisontine attend des mesures concrètes pour absorber le choc une fois les chantiers en cours éclusés. C hemin des Planches à Besançon, à la lisière de la forêt de Chailluz,

tons après, c’est un trou d'air d’ici la fin de l’année” ajoute M. Moyse qui lance quelques pistes de réflexion aux pou- voirs publics pour gérer au mieux l’après : “Il faut d'abord que toutes les réglementations en préparation soient suspen- dues, comme certaines dis- positions de la loi E.L.A.N. ou la R.E. 2020 par exemple. Il faut également aller plus loin dans la défiscalisation des heures supplémentaires car il va falloir faire de nombreuses heures si on veut combler un peu le retard. Il faut aussi élar- gir le prêt à taux 0, etc. En somme, il faudra un parcours de relance durable, un vrai plan Marshall pour relancer le bâtiment” illustre le respon- sable de cette société employant 140 salariés. n

L a Presse Bisontine : Le secteur de l’immobilier a-t-il repris des couleurs ? Fabrice Jeannot : La plupart des chantiers ont repris. Ils avaient été stoppés pour des raisons de sécurité et parce que les entre- prises du bâtiment n'avaient plus leur effectif complet. Les choses reviennent peu à peu à la normale sauf que nous risquons d'être confrontés bientôt à des pénuries de matière première. L.P.B. : Le retard pris pourra-t-il être rat- trapé ? F.J. : En matière d’immobilier, le temps perdu ne se rattrape jamais. Les livraisons seront for- cément décalées de plusieurs semaines. Un exemple avec notre chantier Le Conservatoire, place de la Révolution à Besançon. Au lieu d’être livrés fin avril comme prévu, les logements le seront fin

ment, l’impact sera fort sur les mises en chantier. L.P.B. : Que va changer cette crise pour les métiers de l’immobilier ? F.J. : Plus largement, c’est sans doute toute la perception de l’amé- nagement du territoire par les pouvoirs publics qui devra être remise en cause avec une concen- tration sans doute excessive autour des grands centres urbains. Je suis persuadé qu’à l'issue de cette crise, la Province va retrouver toute sa noblesse et son pouvoir d’attraction. Des villes moyennes retrouveront certaine- ment de l’attractivité avec des méthodes de travail qui change- ront, la généralisation du télé- travail et la recherche d’un meil- leur équilibre territorial. C’est sans doute une des leçons que l’on tirera de cette crise. n Propos recueillis par J.-F.H.

sont délivrés tous les ans en France. Au moment du confine- ment mi-mars, la quasi-totalité des services urbanisme des mai- ries a fermé et tous les permis non délivrés ont été suspendus. Problème : le process digitalisé de dépôt des permis n’est toujours pas autorisé en France, si bien que dans ces services, le télé-tra- vail est difficile et ces services devront reprendre toutes les pro-

juin. Il a fallu aussi instaurer de nouvelles méthodes de travail, avec un autre rythme. Moins de monde en même temps sur un chantier, mais avec des plannings peut-être encore plus précis qu'avant. L’avenir le dira, mais je pense que cette nouvelle orga- nisation aura aussi du bon en matière d’efficacité de travail. Les délais de réalisation s’allon- geront forcément, mais on sera beaucoup plus dans l’organisation et l’optimisation du temps de tra- vail. Le rôle du maître d’œuvre d’exécution sera encore plus déter- minant qu’avant. L.P.B. : En tant que président de la Fédé- ration régionale des promoteurs, esti- mez-vous que le nombre de logements neufs va forcément s’écrouler en 2020 ? F.J. : Sur le plan national, environ 400 000 permis de construire pour des unités d’habitation neuves

le siège social du groupe Moyse semblait encore un peu endormi en mai et pourtant, à l’intérieur, ça fourmillait déjà dans les bureaux. Sur les chantiers de rénovation ou de construction, même constat : on n’a pas attendu le 11 mai pour relancer l’activité. “Tout est reparti à 100 %. Le risque auquel on peut être confrontés, c’est le manque de matière première” résume Gérard Moyse, le président du groupe de construction. Comme tous ses confrères de la profession du bâtiment, il espère que le redémarrage sera rapide. “Tout notre per- sonnel a été ravi de reprendre le travail. Ce que nous redou-

cédures une par une. Résultat : entre le début de l’année et juillet prochain, très peu de permis auront été vali- dés. Je pense que 2020 sera une année avec deux fois moins de permis que d’ha- bitude et forcé-

“2020 sera une année avec deux fois moins de permis de construire.”

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