La Presse Bisontine 216 - Janvier 2020

La Presse Bisontine n°216 - Janvier 2020

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l Politique Le dernier combat du maire sortant

“Alexandra Cordier est la meilleure candidate pour rassembler” Contrairement à son prédécesseur Robert Schwint qui était resté à l’écart des questions touchant à sa succession, Jean-Louis Fousseret a choisi d’afficher clairement son soutien à la candidate indépendante sorti des rangs d’En Marche. Il l’assume pleinement, et en profite pour tacler certains concurrents. Interview.

L a Presse Bisontine : Vous vous apprêtez àmettre un terme à 37 ans de vie politique à Besançon. Dans quel état d’esprit êtes- vous à quelques semaines de remettre les clés de la ville ? Jean-Louis Fousseret : Je suis serein. Car je m’apprête à rendre les clés d’une ville qui à mon sens a été bien gérée, avec une dette maîtrisée, avec de nom- breux projets réalisés et d’autres projets en cours et pour lesquels je m’impli- querai jusqu’au dernier jour de mon mandat. Je suis également serein car Besançon est aujourd’hui reconnue dans toute la France comme une ville équilibrée et durable, qui a fait de la biodiversité une de ses priorités et qui en même temps a su enclencher une vraie dynamique sur le plan écono- mique. Je souhaite d’ailleurs que cette ville continue à croître, à produire des richesses pour assurer les défis de demain et notamment la transition écologique. En tout cas, je ne soutiens pas l’idée même d’une décroissance. L.P.B. : Serein, et fier également ? J.-L.F. : Je n’oublie pas qui je suis et d’où je viens, je n’oublie pas non plus que c’est Robert Schwint qui m’a donné ma chance quand en 1983 j’étais 35ème sur sa liste, et qu’il m’a confié un poste d’adjoint avec des actions passionnantes engagées dès le départ au profit de la vie associative, avant même de devenir maire. Ensuite, j’ai travaillé dans sa continuité tout en essayant de bâtir des choses qui sont utiles à Besançon et aux Bisontins. Je ne suis pas dans la fierté, mais dans une vraie recon- naissance par rapport à tout ce qu’on a pu accomplir avec et pour les habi- tants de cette ville. Il faut aussi rela- tiviser les choses. Je ne représente finalement qu’une page dans la grande histoire de cette ville. L.P.B. : Quels sont vos principaux regrets ? J.-L.F. : On n’est pas soi-même le meilleur juge pour évaluer ce qu’on a fait de bien ou de moins bien. On aurait tou- jours fait plus ou mieux, mais je reste sur ce sentiment global que cette ville s’est développée, qu’elle est dynamique et qu’il y fait bon vivre. Ce sont des critères essentiels. Les regrets sont peut-être sur certains dossiers comme la gare T.G.V. à Auxon sur laquelle on a sans doute mal communiqué à l’époque et qui de ce fait a cristallisé des incertitudes et provoqué des cris- pations. L.P.B. : Le tram fait partie de vos principales réalisations. Certains ont parlé de ce projet comme le “caprice de M. Fousseret.” Ce serait à refaire ?

J.-L.F. : Je n’ai jamais rien engagé par caprice ou par légèreté. Je ne pense pas rencontrer beaucoup de gens qui aujourd’hui parleraient de caprice. Tout le monde s’accorde à dire que le tram a redessiné et modernisé cette ville. On n’est peut-être pas encore, à quelques centaines d’utilisateurs près, au chiffre prévu pour sa fréquentation, mais il remplit tellement bien sa fonc- tion qu’on parle maintenant (les gens nous le réclament) d’allonger les rames pour répondre aux pics de fréquentation aux heures de pointe. De plus, ce projet de tram aura coûté 10 millions d’euros de moins que prévu. En cinq ans, le tram bisontin aura transporté plus de 60 millions de passagers. C’est comme si chaque Français avait au moins une fois déjà pris le tram de Besançon. Je ne suis pas dans le registre de la fierté, mais je peux affirmer que ce projet a été une réussite. L.P.B. : Un regret, ou alors une frustration peut- être que le Grand Besançon n’ait pas réussi à avoir le statut de métropole, ce qui explique peut-être les lenteurs de certains dossiers de développement ? On pense par exemple à la zone économique autour de la gare d’Auxon. J.-L.F. : Il faut prendre de la hauteur par rapport à ce genre de sujets. J’invite les gens à se souvenir de l’état de la zone Témis à son démarrage. Personne n’y croyait, tout le monde la critiquait et on voit aujourd’hui qu’elle est bientôt remplie et qu’on va manquer de place. Les projets de développement prennent du temps, c’est toujours difficile au démarrage. On le voit aussi avec Témis Santé, mais là encore, les choses avan- cent et Besançon sera également en pointe dans tous les domaines touchant à l’immunothérapie.

l’usine Rhodia notamment. J’ai essayé surtout d’être un maire pragmatique et j’estime, contrairement à d’autres qu’une ville qui ne construit pas est une ville qui meurt. Je précise aussi à ceux qui l’ignorent qu’enmême temps, la superficie des zones agricoles n’a pas bougé ces dix dernières années, avec 474 hectares, et que les zones clas- sées naturelles ont même augmenté de plus de 70 hectares. Entendre dire que je bétonne est tout simplement faux. Même chose pour les logements publics, ou sociaux, au sujet desquels on m’accuse parfois : il y a aujourd’hui 28 % de logements publics à Besançon contre 23 % il y a dix ans. L.P.B. : Le projet des Vaîtes a cristallisé les cri- tiques récentes. Votre position sur ce sujet sensible ? J.-L.F. : C’est un sujet qui a été totalement politisé depuis le déplacement d’une mare de quelquesmètres carrés. Politisé à tort par quelqu’un qui sera sans doute tête de liste aux prochaines municipales et qui raconte des choses fausses sur ce quartier des Vaîtes qui est destiné à des familles, qui ne sera urbanisé qu’à hauteur de 7 hectares sur les 23 hectares du site et que certains ins- trumentalisent à des fins politiciennes. J’espère qu’après mon départ, l’intérêt général et celui des familles sera supé- rieur à certains intérêts politiques. Certains préféreraient sans doute envoyer les familles dans la deuxième ou la troisième couronne bisontine plu- tôt que de leur permettre de s’installer dans ce quartier où on construit une école et qui est desservi par le tram. Depuis son lancement en juillet 2005, ce dossier des Vaîtes est passé 16 fois au conseil municipal et les membres de ma majorité ont toujours voté pour. Certains proposent aujourd’hui qu’un dossier validé par tous les élus en son temps et tous les experts soit laissé entre les mains de 50 Bisontins tirés au sort ? Ce n’est pas sérieux. La grande question qui se pose maintenant : où est l’intérêt des Bisontins dans le blo- cage de ce dossier ? L.P.B. : Les sujets de tension se sont multipliés au sein de votremajorité depuis votre ralliement à L.R.E.M. Certains y ont vu une trahison… J.-L.F. : J’ai toujours pris en compte l’in- térêt des Bisontines et des Bisontins et je continuerai à le faire jusqu’au bout. Quand j’ai rejoint Emmanuel Macron en 2016, personne ne croyait en ce candidat et on ne peut donc pas me taxer d’opportunisme politique. Je n’ai jamais abandonné la ligne sociale- démocrate qui m’a toujours guidée, de Michel Rocard à Emmanuel Macron

Avant de tirer le rideau sur 37 ans de vie municipale, Jean-Louis Fousseret n’a pas encore dit son dernier mot politique…

en passant par Domi- nique Strauss-Kahn. Si on regarde mon pro- gramme électoral et l’application de ce pro- gramme, y a-t-il un seul engagement que j’ai trahi ? Aucun. L.P.B. : Vous êtes toujours de gauche ? J.-L.F. : Je suis toujours d’une gauche construc- tive, ouverte et non sectaire. Sur ce point, je n’ai jamais varié non plus.

et de rassemblement. Je pense que les gens en ont ras le bol des divisions, des directives qui viennent de Paris ou des changements de cap incessants. L.P.B. :Vous visez Éric Alauzet par ces termes ? Qu’Alexandra Cordier a-t-elle de plus qu’Éric Alauzet en termes de programme et d’ambitions pour cette ville ? J.-L.F. : Je ne ressens pas dans les pro- positions deM.Alauzet ce que je ressens dans celles d’Alexandra Cordier pour Besançon, avec une vraie sincérité, une volonté de rassemblement, d’ou- verture. Et il nous faut des gens qui ont la conviction qu’il ne faut pas s’as- seoir sur le passé. Pour Besançon, il faut des personnes capables de ras- sembler.Alexandra Cordier est la meil- leure candidate pour le faire. L.P.B. : Sa liste dont vous faites tout de même partie en 55ème position a déjà rassemblé Philippe Gonon et Catherine Comte-Deleuze, transfuges de la droite. Peut-on envisager qu’elle opère un rapprochement avec la liste de Ludovic Fagaut entre les deux tours ? J.-L.F. : On n’en est évidemment pas à ces considérations-là. La seule question pour Alexandra Cordier, c’est d’arriver en tête au soir du 15 mars. L.P.B. :Vous êtes conscient de prendre le risque de terminer votre mandat sur une défaite pos- sible ? J.-L.F. : Les Bisontines et les Bisontins me jugeront sur toutes les années que j’ai consacrées à cette ville, pas là-des- sus. Et sur ce point, je suis persuadé de faire le bon choix pour l’avenir de Besançon. Alexandra Cordier est une fille pragmatique qui a deux idées en tête : l’intérêt général des habitants de sa ville et que Besançon soit une ville qui compte dans les années à venir. n Propos recueillis par J.-F.H.

“50 Bisontins tirés au sort pour les Vaîtes ? Ce n’est pas sérieux.”

L.P.B. :Avant de “rendre les armes”, vous allez livrer votre dernier combat poli- tique en vous impliquant dans la campagne des prochaines municipales. Pourquoi ? J.-L.F. : D’abord je respecte mes enga- gements de 2014 en ne me présentant pas à un nouveau mandat, malgré les sollicitations que j’ai pu avoir entre- temps. Ensuite, je m’impliquerai en effet en soutenant sans ambiguïté la candidature d’Alexandra Cordier. Dans le contexte actuel, pour cette ville, il faut des visages nouveaux et surtout des personnes qui ont envie que cette ville continue à se développer, tout en maintenant Besançon ancrée dans ses racines de ville ouverte, solidaire, spor- tive, culturelle et inventive. En regar- dant certains programmes, je ne cache pas mon inquiétude pour l’avenir de cette ville…Alexandra Cordier est une fille dynamique, expérimentée de par son parcours professionnel qui lui a fait connaître parfaitement tous les dossiers et le fonctionnement de cette ville. Je lui fais entièrement confiance, elle a de la suite dans les idées, elle est pragmatique et courageuse. De plus, elle construit une liste d’ouverture

L.P.B. : Certains disent que Jean-Louis Fousseret a été unmaire bâtisseur,d’autres un maire bétonneur. Votre avis ? J.-L.F. : Si on évoque le musée de beaux-arts, la Cité des arts, la Rodia, la Maison Vic- tor-Hugo, le quartier Viotte,Vauban, les for- tifications à l’Unesco, etc. Je préfère dire que je suis un maire qui construit plutôt qu’un maire bétonneur comme certains de mes adversaires ont pu le laisser entendre. Je suis aussi un maire qui a réussi à détruire ce qu’il fallait, avec

“Un maire bâtisseur ou un maire bétonneur ?”

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