La Presse Bisontine 214 - Novembre 2019

LE PORTRAIT

43 La Presse Bisontine n°214 - Novembre 2019

BESANÇON

Dejan Baresic, de réfugié à entrepreneur

Ce n’est pas une réussite de façade ! Parcours hors norme que celui de Dejan Baresic. Il atterrit à l’âge de 11 ans à Besançon pour fuir la guerre en ex-Yougoslavie. 23 ans plus tard, son entreprise “Façades bisontines” est citée parmi les 500 françaises les plus dynamiques.

I l avait 11 ans, son frère Boban 4, quand ses parents quittent l’ex-Yougoslavie pour fuir la guerre civile. Dejan, 35 ans aujourd’hui, n’a rien oublié de ce départ en bus, puis en train et enfin cette arrivée à Pontarlier en 1995 chez des amis de son papa. Accueillie dans un centre d’accueil, la famille demande l’asile de réfugiés politique. La France accepte. Les Baresic ne parlent pas un mot de français mais le papa cherche rapi- dement du travail. Une entreprise de façades le recrute, en 1996, lui ancien cordonnier et barman dans son pays. “Avant la guerre en ex- Yougoslavie, c’était une vie rudi- mentaire, avec pas grand-chose, mais nous étions heureux, se sou- vient Dejan. Pendant la guerre, ce sont des dizaines de milliers de per- sonnes décédées, blessées, des cen- taines de milliers déplacées. Cette guerre, je l’ai vécue avec le regard d’un enfant entre mes 6 et 10 ans. Ces événements,même s’ils sont loin,

et relations, en 2008. Cette date marque le tournant de sa vie. Nikica, son père, a toujours voulu créer son entreprise de façades. Les deux hommes en par- lent et fondent en juin 2008 “Façades bisontines”. Le bureau de Dejan, c’est sa chambre. “Il s’avère que nous sommes en pleine crise mondiale, raconte Dejan qui gère la gestion et le commercial, son père la technique. Les promesses de chantier faites à mon papa ne sont plus là. J’en profite pour tra- vailler sur les chantiers pour appren- dre le métier et ainsi mieux le vendre. Surtout, je voulais que l’on se diver- sifie en proposant par exemple l’iso- lation par extérieur.” Dejan voit juste : les carnets de commandes se remplissent, le siège social est transféré dans des bureaux rue du Luxembourg, à Pla- noise. Entre 2012 et 2017, le chiffre d’affaires de la boutique est mul- tiplié par 20, passant de 150 000 euros à 3 millions. Le jour- nal Les Échos la classe parmi les 500 françaises les plus dynamiques : “Quand nous sommes sollicités par Les Échos, on prend du recul, avoue Dejan. On ne se rendait pas compte” explique-t-il modestement. Pour en arriver là, c’est un long combat qu’il a mené en réussissant à se faire accepter des salariés tou- jours plus âgés que lui, dans un secteur, le bâtiment, pas simple à manager. Il était l’invité en octobre dernier de la Région Bourgogne- Franche-Comté pour témoigner de la “responsabilité sociale” de sa société, un thème fourre-tout qui se vit au quotidien à Façades Bison- tines désormais installée dans la zone artisanale de Châtillon-le- Duc. Outre les avantages sociaux,

Bio express 1984 : naissance en ex-Yougoslavie. 1995 : il quitte son pays pour la France et Besançon en 1996. À Besançon, il intègre le collège Diderot où il obtient son brevet des collèges. Il ne savait pas parler français en arrivant. Puis il intègre le lycée Pergaud pour préparer le Bac, et un B.T.S. en négociations- relations. 2008 : il crée avec son papa Façades Bisontines (ravalement de façades) et en devient le directeur Concours et distinctions : Talents des cités (2010). Classement des 500 entreprises les plus dynamiques en France entre 2012 et 2017 (Les Échos) l l l l l

ne s’oublient pas.” Dans son exode, les Baresic se séparent d’une autre partie de leur famille, par- tie aux États-Unis, et c’est à Planoise qu’ils s’installent en 1996. Dejan fait son entrée au collège Diderot. Il parle uniquement le serbo-croate mais “très vite mon inté- gration se fait grâce à la scolarité” avoue celui qui obtiendra son Bac au lycée Pergaud puis son B.T.S. négociations

À son tour d’aider ses salariés qui ont des difficultés.

Dejan Baresic, le fondateur de “Façades Bisontines”, ici sur un chantier de rénovation thermique au C.R.O.U.S., à Besançon.

tratifs. À 62 ans, Nikica Baresic, le papa, peut être fier de ses fistons. Boban, le cadet, a rejoint l’aventure fami- liale comme conducteur de travaux. Le patriarche avait donné un conseil : “Prends le boulot, on le fera.” Il a été retenu au pied de la lettre. Après ce développement rapide, des investissements importants,

la réunion du matin autour d’un café avant le départ sur les chan- tiers, Dejan a développé un mana- gement à l’horizontal. Les 25 sala- riés proposent des pistes d’amélioration et sont associés aux prises de décision. Parce que les Baresic mesurent la difficulté à ne pas bien maîtriser la langue fran- çaise, l’entreprise aide des employés à remplir leurs papiers adminis-

Façades Bisontines présente sur le Doubs et une partie du Jura se consolide. Dejan Baresic n’oublie pas de remercier la France qui l’a mis en sécurité avec sa famille. L’amateur de foot qu’il est n’en veut pas aux Bleus d’avoir battu “son” équipe, la Croatie, lors de la finale du Mondial 2018. Bon joueur ce Dejan… n E.Ch.

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