La Presse Bisontine 213 - Octobre 2019

La Presse Bisontine n° 213 - Octobre 2019

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l Enquête

Qui sont les cochons ?

Des agriculteurs soucieux

Les vrais pollueurs du Plateau, ce sont les particuliers 314 kg de glyphosate ont été vendus aux particuliers par les grandes surfaces et enseignes spécialisées du secteur de Saône en 2015. À l’inverse, les agriculteurs n’ont utilisé “que” 96 kg. Le résultat de l’étude est surprenant.

agroenvironnementales et climatiques (M.A.E.C.). L’as- pect financier a été un levier important, admet Sébastien Bonnet qui dirige la ferme avec Jean-Michel Vanicat. L’indicateur de fréquence de traitement en herbicides a été divisé par deux pour cette exploitation sur une période 2010-2015, les charges annuelles en achat de phyto sont passées de 6 201 à 4 511 euros (- 30 %) et en parallèle, les rendements n’ont pas diminué sur cette période 2010-2015” évoque le professionnel qui n’est tou- tefois pas passé au bio. L’exploitation a fait évoluer d’autres pratiques : elle pra- tique le labour, technique qui offre l’avantage de diminuer l’apparition des mauvaises herbes. Davantage que la limitation d’herbicides, ce sont les changements clima- tiques qui inquiètent les hommes de la terre. n

Moins de traitements ne veut pas dire moins de rendement. Cas concret. L’ exemple du G.A.E.C. du Frêne au Gratteris est parlant. L’exploita- tion de 55 vaches laitières pour 135 hectares de surface agricole produit de l’orge et de la betterave qui alimentent le bétail, et du blé qui est vendu. Depuis 2016, elle a arrêté le maïs en ensilage et s’est engagée dans la pro- tection de la source d’Arcier en limitant l’utilisation des phytosanitaires. “ On avait conscience de l’impact néga- tif des herbicides sur l’envi- ronnement et la santé humaine, c’est ce qui nous a motivés pour réduire les quantités utilisées via nos engagements en mesures

Les quantités de glyphosate pour les 14 communes du Plateau de Saône. Depuis le 1er janvier, les particuliers ne peuvent plus en acheter.

T oujours balayer devant sa porte. Pointés du doigt par les habitants dès lors qu’ils accrochent un pulvérisa- teur au cul de leur tracteur, les agriculteurs pourront commenter cette étude que nous nous sommes procurée. Elle va dans leur sens. Vengeance. En 2015, 314 kg de glyphosate ont été vendus aux particuliers par les grandes sur- faces et enseignes spécialisées à Saône et environs. Ces données sont issues de la Banque Natio- nale des Ventes de produits phy- topharmaceutiques. En parallèle, les collectivités ont utilisé 4,5 kg

de (enquête F.R.E.D.O.N.) et les agriculteurs 96 kg enquête Chambre d’Agri- culture 25 690. Les particuliers “consomment” 3 fois plus de gly- phosate ! Certes, ils n’ont plus la possibilité d’en acheter depuis le 1er janvier 2019. Un vendeur glyphosate

programme d’action qui s’adresse à tous, collectivités, particuliers et agriculteurs, permettra une reconquête de la qualité de l’eau d’Arcier.” L’augmentation du glyphosate constatée sur le graphique s’ex- plique par une pression foncière toujours plus forte sur le secteur de Mamirolle, Saône, Gennes, Fontain… Qui dit plus de mai- sons, dit potentiellement plus de traitements par les particuliers. Il va falloir apprendre à laisser pousser les mauvaises herbes. n E.Ch.

était parti avec 6 bidons… pour avoir du stock et désherber son jardin” indique ce professionnel. Autant dire que des habitants ne se gênent pas pour pulvériser malgré l’interdiction. “Quand on sait que le taux de transfert par ruissellement est de l’ordre de 1 à 10 % sur les surfaces agricoles, et de 35 à 95 % sur les surfaces non agricoles, on ne doute plus de l’existence d’une pression des particuliers sur la ressource en eau d’Arcier, indique un respon- sable agricole. Les responsabilités sont donc partagées, et seul un

spécialisé sur le Plateau (qui sou- haite ne pas apparaître) se souvient d’un client venu faire le stock de gly- phosate quelques jours avant l’in- terdiction. “Il

Il dévalise le stock de phyto avant l’interdiction.

l Mesure Quel bilan de l’action, 15 ans plus tard ? “Il fallait du gagnant-gagnant” Si des molécules de glyphosate sont toujours présentes dans la source d’Arcier, mais pas dans le robinet, le Grand Besançon compte bien voir leur nombre réduire rapidement.

Q Quel bilan 15 ans après ? Une étude menée en 2015 pour évaluer l’impact des actions sur la qualité de l’eau a démontré que les concentrations “n’ont pas augmenté alors que l’utilisation des produits phyto- sanitaires sur le plan national a augmenté ainsi que la pression foncière sur le secteur de Saône, Mamirolle, Gennes, Fontain… ” répond le Grand Besançon qui a commandé ce suivi. L’impli- cation du monde agricole pour la préservation de l’eau est donc

cité en 2017 l’exemple du Pla- teau qui, il faut l’avouer, a cette chance d’être une zone en poly- culture, qui plus est en zone A.O.P. comté. Ce laboratoire de 102 km 2 , la collectivité aurait eu plus de mal à l’imposer dans une zone céréalière. Du travail, il en reste. La source d’Arcier, déclarée captage prio- ritaire Grenelle, abrite toujours des molécules du glyphosate et l’A.M.P.A. (molécule de dégra- dation du glyphosate).Après les agriculteurs, ce sont les com- munes du secteur qui ont été

réelle… Les discours ont également beaucoup changé, l’état d’esprit avec. Rappelons-le, la protection du captage d’eau de la source d’Arcier, c’était en juin 2004. Alors élu en charge de l’eau, Christophe Lime se souvient bien du contexte : “Les agricul- teurs m’ont vu arriver, moi, élu communiste. On ne parlait pas ou peu des conséquences de ces produits sur la santé. Je n’ai rien voulu imposer mais proposer un programme d’actions volon- taires sur la réduction des phy-

tosanitaires. Il y a eu beaucoup d’échanges. Il fallait ne pas contraindre mais leur expliquer pourquoi nous leur demandions de réduire, c’est-à-dire pour la qualité de l’eau, pour la santé des agriculteurs, et surtout il fallait aller vite avec du gagnant- gagnant” se souvient celui qui n’était pas en terrain conquis. Finalement, la Chambre d’agri- culture et la collectivité ont noué un partenariat unique qui per- dure dans le temps. Alors secrétaire d’État à la bio- diversité, Barbara Pompili avait

Pour le Grand Besançon, Frank Laidié (maire de Pugey), Christophe Lime (Besançon) et Denis Jacquin (maire de Torpes), travaillent sur le sujet eau-assainissement.

que la loi ne l’impose. Lente- ment, les résultats de ce travail de fond devraient couler de source… n

priées de changer leurs méthodes avec l’arrêt de l’utili- sation des phytos par les employésmunicipaux bien avant

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