La Presse Bisontine 213 - Octobre 2019

DOSSIER I

La Presse Bisontine n° 213 - Octobre 2019

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“Le cancer du pancréas est devenu une épidémie” 90 malades vont être concernés par un essai clinique sur le cancer du pancréas piloté par l'équipe d’oncologie médicale du C.H.R.U. de Besançon. l Recherche Face au cancer du pancréas

Le P r Christophe Borg et le D r Angélique Vienot analysent les premiers résultats d’un projet de recherche dédié au

J eunes, seniors, femmes, hommes, le cancer du pancréas n’épargne personne. C’est devenu l’une des maladies les plus préoccupantes des dernières années. Aucun scientifique n’est par- venu - pour le moment - à trouver la cause. Inquiétant d’autant que cette maladie est foudroyante. Espérance de vie moyenne : 12 mois. “De 7 000 décès en 2006, puis 11 000 en 2010, nous sommes passés à 16 000 en France. C’est une vraie épidémie dont peu de monde parle” déplore le Professeur Christophe Borg, du service de cancé- rologie du C.H.R.U. de Besançon. Un constat qui l’incite, avec ses équipes, à ne pas baisser les bras. Le service d’oncologie met en place avec l’institut régional de cancérologie des essais thérapeutiques qui sont pro- posés sur l’ensemble de la Franche-

Comté à tous les malades, “pour l’égalité de la prise en charge des patients” évoque le médecin. Qu’ils soient à Pon- tarlier, Montbéliard,Vesoul, Besançon évidemment, les malades d’un cancer accèdent aux mêmes techniques thé- rapeutiques, aux mêmes médecins spé-

vait s’en contenter” témoigne le Pro- fesseur qui comme ses collègues consulte plusieurs fois par semaine dans les hôpitaux de la région. Le D r Angélique Vienot, coordinateur du projet et l’hôpital se sont vus pour ce dispositif décerner le prix “Excellence Recherche Cancer Territoire” le 22 mai dernier par la Fédération hospitalière de France (F.H.F.). Un prix ! Quel inté- rêt pour les patients ? “Maintenant que nous avons mis en place l’équité sur le territoire, nous sommes labellisés Phase I pour réaliser des essais cli- niques” répond Angélique Vienot. Le projet “ALIX” est né. Il consiste à une évaluation de l’intérêt d’une poly- chimiothérapie chez les patients âgés ou fragiles atteints d’un adénocarci- nome pancréatique métastatique (N.D.L.R. : qui s’étend dans tout le corps). La majorité des patients sont

cancer du pancréas.

cialistes. Cela paraît logique. Pourtant, la Franche-Comté est la première région de France à proposer ce dispositif où ce sont les médecins qui se ren- dent vers leurs patients, non l’inverse. “Il m’est arrivé de rencontrer un patient àVesoul qui n’a pas voulu poursuivre les soins… parce qu’il fallait se rendre à Besançon. On ne pou-

diagnostiqués à un stade avancé et les options thérapeutiques restent limitées. Le médecin a observé que plus de 50 % des patients ne peuvent recevoir un traitement par Folfirinox (protocole de chimiothérapie) parce qu’ils sont trop faibles, justifiant la recherche d’une stratégie thérapeutique spéci- fique pour cette population fragile. Trois patients de Besançon sont inclus dans cette recherche “puis 90 à terme” annonce Angélique Vienot qui sera aidée par le D r Dewi Vernerey, biosta- tisicien. Quelles perspectives ? Amé- liorer la qualité de vie du patient, dimi-

nuer les douleurs avec un traitement de chimio ciblé. Pour les médecins, ce projet permet de structurer au sein de l’Institut régional fédératif du cancer (I.R.F.C.-F.C.) une filière multidisci- plinaire dans cette pathologie, impli- quant oncologues, oncogériatres et dié- téticiens de Franche-Comté et l’intensification de la recherche clinique sur l’ensemble de la région. Ce réseau fait de la Franche-Comté un exemple de collaboration entre des médecins. Mais de là à soigner le cancer du pan- créas… il y a encore du travail. n E.Ch.

Récompense nationale

pour cette technique.

l Technique Une machine permet de multiplier les analyses L’A.D.N. pour combattre certains cancers La méthode dite du séquençage vient au secours des traitements visant à mieux lutter contre le cancer du côlon, du poumon, le mélanome et bientôt le cancer du sein.

l Technique

10 000 euros le traitement

Cancer du foie : une première qui en appelle d’autres Une patiente a reçu un nouveau traitement à base de microsphères mar- quées à l’Yttrium 90, un élément chimique qui est introduit directement dans la tumeur hépatique par voie artérielle. Elle a des chances de survie.

L e procédé radiophar- maceutique utilisé en juillet dernier dans le service de radiologie du Pôle imagerie du Professeur Éric Delabrousse est appelé à révolutionner le traitement du cancer du foie à l’hôpital Min- joz. “Dans les tumeurs non opé- rables du cancer du foie, le pro- nostic n’est pas bon. Les traitements imaginés jusqu’alors étaient considérés comme palliatifs. Avec ce type de traitement, on pense pouvoir être curatif sur ce type de tumeur” indique le Professeur

Calame qui a réalisé en juillet dernier cette première à l’hô- pital Minjoz chez une patiente atteinte d’un cancer du foie à un stade avancé. Il a monté une sonde par voie artérielle dans le corps de la patiente jusque dans le foie et a injecté le produit. Le principe : les microsphères radioactives irradient à courte distance autour d’elles et détruisent les cellules cancéreuses. L’injection terminée, le patient reste un jour sous observation. Un mois après, un premier bilan est réalisé. “C’est un trai- tement personnalisé avec un calcul de la dose pour chaque patient” complète le Docteur Paul Calame, chef de clinique. Cette méthode a peu d’effets indésirables puisqu’il n’y a pas de privation de flux sanguin à l’organe (ischémie). Seuls les patients atteints d’une cirrhose importante peuvent prétendre à cette technique qui doit inclure 10 patients par an, davantage à l’avenir.Une avan- cée de taille pour une région dans la moyenne nationale concernant les personnes atteintes de “cirrhose avancée”. Demeure le prix du traite- ment : 10 000 euros. n

en citant le Thérasphère®, un médicament radiopharmaceu- tique utilisant une technique de radiothérapie interne sélec- tive appelée radioembolisa- tion. La radioembolisation consiste à introduire, par voie artérielle hépatique, des microsphères marquées à l’Yttrium 90 (com- posé chimique radioactif) direc- tement dans le flux artériel de la tumeur hépatique. Cette technique n’est utilisée que si un acte de chirurgie ou de transplantation n’est pas pos- sible. C’est le Docteur Paul

L e séquençage est une technique de biologie moléculaire visant à déterminer l’ordre d’en- chaînement des nucléotides constituant notre code géné- tique. Les premières méthodes ont été mises au point dans les années soixante-dix. Dans les années 2000 sont apparues les techniques de séquençage haut débit qui constituent un saut technologique et permettent aujourd’hui d’accéder assez faci- lement au séquençage pour que les laboratoires de biologiemédi- cale puissent l’inscrire à leur catalogue des examens dispo- nibles à un coût raisonnable. C’est le cas depuis 2017 à Besan- çon où l’arrivée d’une nouvelle machine, le séquenceur Nou- velle génération, révolutionne la lutte contre certains cancers. “Avec une seule analyse, on peut regarder aussi bien les cancers du poumon que des mélanomes et quelques autres. Au lieu de faire 40 analyses à la suite, ce qui demanderait virtuellement 80 jours, on fait 40 analyses en deux jours” présente le Profes- seur Jean-Luc Prétet au sein de la plate-forme génétique

Le P r Jean-Luc Prétet (à gauche) et le P r Jean-Paul Feugeas.

teau de biologie moléculaire. Ces méthodes ciblées allongent l’espérance de vie de 2 à 10 mois pour une personne atteinte d’un mélanome, de 7 à 18 mois pour un cancer du poumon. Le cancer du sein bénéficiera dans les mois à venir de cette nouvelle technologie. Et plus tard le can- cer de l’ovaire et de la prostate. Tous les habitants de la région bénéficient de cette innova- tion. n

moléculaire du cancer. Ces méthodes combinent des approches biologiques et infor- matiques. Dans quel but ? Elles permettent aux médecins onco- logues une caractérisation com- plète des tumeurs mais surtout de mieux prévoir l’efficacité pour chaque patient des trai- tements anticancéreux ciblés. “C’est une médecine personna- lisée” vulgarise le P r Jean-Paul Feugeas, coordinateur du pla-

Le D r Paul Calame (debout) et le P r Éric Delabrousse mesurent les effets de l’Yttrium 90 sur le foie d’une malade.

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