La Presse Bisontine 211 - Juillet-Aout 2019

12 BESANÇON

La Presse Bisontine n°211 - Juillet-août 2019

LOGEMENT D’ici le 1 er janvier 2020 Fusion des organismes H.L.M. : la contestation ne faiblit pas Le dossier épineux de la fusion entre Grand Besançon Habitat (G.B.H.) et S.A.I.E.M.B. Logement crispe les représentants du personnel. Le maire en personne a encore tenté de rassurer les équipes.

“C urie, si tu savais, ta réforme où on se la met… !” Toujours dans la finesse, les slogans syn- dicaux scandés dans les haut-parleurs n’ont sans doute pas manqué d’écorcher les oreilles de Pascal Curie, le président de Grand Besançon Habitat qui tenait, à quelques mètres de ce rassemblement syndical, l’assemblée générale de cet organisme logeur qui gère 6 000 loge- ments dans le Grand Besançon. Motif du mécontentement : le projet de fusion entre G.B.H. et un autre orga- nisme, la S.A.I.E.M.B. Logement et son parc de 2 400 logements sur Besan- çon. S’il dit “comprendre tout à fait la colère et l’inquiétude des salariés” , Pas- cal Curie s’emploie depuis des semaines à dégoupiller leurs craintes en multi- pliant les rencontres. Car dans ce projet de fusion où le petit absorberait le gros pour créer une société d’économie mixte (S.E.M.), un troisième partenaire, ban- caire, doit intégrer la nouvelle société :

la Caisse des dépôts et consignations (C.D.C.). Ce qui fait bondir les syndicats qui craignent que le grand capital vienne régner en maître dans ce futur géant du logement bisontin. La C.D.C., en apportant 10 millions d’euros dans l’opération, intégrerait le capital de la S.E.M. à hauteur de 15 %. L’organisme bancaire para-public est d’ailleurs déjà présent dans la S.A.I.E.M.B. à hauteur de 45 %. “Notre seule préoccupation

cela pour renforcer l’outil. Derrière cette fusion, l’idée est bien de pouvoir dégager des ressources pour les réinjecter dans la construction et la réhabilitation de logements sociaux” plaide Pascal Curie. Les arguments ne convainquent tou- jours pas les 130 salariés de G.B.H. et les 40 de la S.A.I.E.M.B. qui reprochent également aux instances dirigeantes d’avoir tenté de court-circuiter la phase de concertation syndicale. “C’est la rai- son pour laquelle lors de l’A.G. du 5 juin, la fusion n’a pas pu être actée. Nous maintenons la pression” commente Lydie Simao, représentante C.F.D.T. à G.B.H. Pascal Curie de son côté recon- naît “une petite incompréhension sur la consultation des instances.” G.B.H. s’est d’ailleurs attaché les services d’un cabinet d’études extérieures pour sécu- riser l’intégralité du processus de concertation syndicale. Le président de G.B.H., épaulé égale- ment par le maire de Besançon qui a rencontré le personnel le 19 juin der-

Les syndicats ont notamment manifesté leur colère le 5 juin devant le siège de G.B.H. à Planoise.

et ensuite mis à disposition de la future entité. À l’approche de l’été, la confusion règne toujours aux yeux des salariés toujours pas complètement rassurés par la fina- lité du projet imposé par la nouvelle loi E.L.A.N. qui exige une certaine taille critique pour les opérateurs H.L.M. (au moins 40 millions d’euros de chiffre d’affaires). Une confusion renforcée par le départ récent du direc- teur général de G.B.H. Yves Daouze sous d’autres cieux sans doute plus cléments. n

nier, multiplie les contacts avec le per- sonnel pour le convaincre du bien- fondé de ce projet. Ce projet de fusion devrait être voté en septembre et la fusion devrait être effective au 1er juin prochain. Après approbation des comptes des deux structures parte- naires, cette fusion serait rétroactive au 1er janvier 2020. Les syndicats continuent à plaider pour que soient étudiés “d’autres modes de coopération avec les autres bailleurs sociaux” ajoute Lydie Simao. Sur les 130 salariés de G.B.H., une soixantaine est sous statut de fonctionnaire. Avec la fusion, ils devraient être repris par la C.A.G.B.

est de créer un organisme de logement social fort sur le Grand Besançon, d’avoir un bailleur solide qui puisse répondre aux enjeux de demain : la ges- tion efficiente du parc social, l’accession à la propriété, la création de logements intergénéra- tionnels et l’arrivée de nouvelles compétences comme l’assistance à maîtrise d’ouvrage, tout

“Nous maintenons la pression” disent les syndicats.

J.-F.H.

SANTÉ

Témoignage de patiente Elle plaide pour plus d’humanité au C.H.R.U. Hospitalisée depuis le mois d’avril, Emmanuelle Bruard découvre la manière dont fonctionne le C.H.R.U. Elle raconte son vécu de patiente confrontée au manque de moyens matériels et humains.

ver une solution. J’ai su plus tard que ce brancardier était nouveau et qu’il n’était pas formé. Mais il faut se rendre compte à quel point une situation comme celle-ci ajoute du stress au patient qui doit être opéré impé- rativement, ce qui était mon cas.” Elle a ressenti le manque de moyens de l’hôpital jusque dans son intimité, devant supporter la même paire de bas de conten- tion jour et nuit entre le 19 avril et le 20mai. “C’est un peu comme si vous gardiez les mêmes chaus- settes pendant unmois” compare Emmanuelle Bruard qui a force d’insistance a pu obtenir de nou- veaux bas. “Ça coûte cher une paire de bas ?” lance-t-elle avec ironie à la direction de l’hôpi- tal. Forte de son expérience, elle invite les gestionnaires du C.H.R.U. à passer une blouse de malade, pour qu’ils mesurent l’investissement des personnels soignants et les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien. “Tout n’est pas négatif. Nous avons des plateaux techniques très per- formants, des équipes compé- tentes. Tout cela m’a rassuré en tant que patiente, conclut Emma- nuelle Bruard. Mais on ne peut pas gérer un centre hospitalier comme on gère une entreprise de produits finis.” n T.C.

belles personnes, qui exercent leur métier avec passion, dont le travail me paraît ruiné par une politique du chiffre. Si le C.H.R.U. est à l’excédent, alors que l’on donne davantage de moyens aux équipes dans l’in- térêt du patient. Elles méritent plus de reconnaissance de la part de leur hiérarchie.Madame Carroger a l’air d’être une bonne manageuse. Elle est dans son rôle.Mais elle ne doit pas oublier ses équipes sur le terrain” résume Emmanuelle Bruard. Elle a noté toutes les situations auxquelles elle a été confrontée ces dernières semaines et qui illustrent, ici de la souffrance au travail, là un manque de moyens matériels et humains. Elle nous en livre quelques-unes pêle-mêle. “Lors de ma première séance de kiné, ma thérapeute s’est mise à pleurer. Elle a craqué enme disant qu’elle ne parvenait pas à donner assez de temps aux patients comme moi” raconte Madame Bruard qui souffrait alors d’hémiplégie, conséquence de sa maladie. Pour des raisons administratives, elle attendra deux semaines un rendez-vous avec l’un des trois ergothéra- peutes de l’établissement, dont l’intervention était nécessaire pour l’aider à récupérer la fonc- tionnalité de sa main. “Le C.H.R.U. est en excédent, et pour-

tant mon ergothé- rapeute m’a fait travailler en rééducation avec du matériel qu’elle a acheté sur ses propres deniers. Est-ce normal ?” À diverses reprises, en dis- cutant avec les personnels qui la prenaient en charge alors qu’elle était alitée, elle a pu mesurer à quel point cer-

C’ est en lisant l’inter- view de Chantal Car- roger, la directrice du C.H.R.U. de Besançon dans notre édition de mai, qu’Emmanuelle Buard s’est déci- dée à prendre la parole. Traitée pour un mélanome depuis le mois d’avril, elle découvre au fil des semaines la manière dont fonctionne l’établissement de

soins. Elle ne retrouve pas son vécu de patiente dans les propos de Madame Carroger qui sou- lignait dans nos colonnes que le C.H.R.U. de Besançon “fait partie des 15 établissements à l’excédent” sur les 32 centres hospitaliers régionaux Français. Emmanuelle Bruard oppose à cette lecture comptable, la souf- france du personnel soignant

qu’elle ressent chaque jour en tant que malade, autant que le manque de moyens. Alors elle parle pour rendre hommage aux équipes des services qui l’ac- compagnent dans son parcours de soins. “Je vois tous ces gens qui travaillent avec le cœur autour de moi. Il y a de belles âmes à l’hôpital Minjoz, de l’A.S.H. au praticien. Il y a de

“Ça coûte cher une paire de bas ?”

tains sont à bout. “Le week-end, les A.S.H. courent partout pour faire face à la charge de travail car il n’y a pas assez d’effectifs. J’ai le sentiment que le personnel est robotisé. C’est de l’humanité qu’il faut ramener à l’hôpital” estime Emmanuelle Bruard. À l’usage, elle constate que les gens font ce qu’ils peuvent avec les moyens qu’ils ont. Le patient subit parfois la situation comme lorsqu’un brancardier l’a aban- donnée dans un couloir. “C’était un samedi, j’étais attendue au bloc opératoire. Le brancardier qui devait m’y conduire s’est trompé, et m’a déposé devant un bloc fermé. Pris de panique, il m’a laissé seule pendant plus de dix minutes le temps de trou-

Emmanuelle Bruard croise régulièrement du personnel soignant qui est à bout moralement.

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