La Presse Bisontine 210 - Juin 2019

BESANÇON

La Presse Bisontine n°210 - Juin 2019

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SOCIAL

Gilets jaune L’acharné Frédéric Vuillaume, victime d’un acharnement La figure des gilets jaunes bisontins revient sur ses gardes à vue, celle de sa compagne, la privation de ses libertés, sa comparution au tribunal pour outrage au ministre, l’emprisonnement de son beau-fils.

bras. Oui, cela fait peur à cer- tains de manifester. Mais pas moi car je n’ai rien à me repro- cher. J’aurais pu péter un câble suite à l’emprisonnement de mon beau-fils mais au contraire, je reste pacifiste. Je ne tombe pas dans le piège de la violence même si j’ai eu droit à une nou- velle perquisition à mon domi- cile, oùmon téléphone,mon ordi- nateur personnel et celui de ma femme ont été confisqués. Je ne les ai toujours pas récupérés. Je ne comprends pas cette répres- sion : pour moi, le préfet fait du zèle. J’ai fait de nombreuses manifestations en tant que secré- taire syndical F.O. et élu du per- sonnel à la Région Bourgogne- Franche-Comté : jamais je n’ai vu autant de répressions à Besançon. Cette répression a commencé lors de la venue d’Em- manuel Macron pour inaugurer le musée des Beaux-Arts où l’on m’a ceinturé et cassé un doigt. J’envisage de porter plainte, un certificat médical atteste de cela. Pour la venue de Christophe Castaner, j’ai voulu aller à sa rencontre pour expliquer la répression, j’ai été accueilli à Planoise par un mur de forces de l’ordre et j’ai balancé ce slogan “Castaner assassin.” J’ai été menotté et je suis parti 24 heures en garde à vue. C’est la première fois que je ressortais avec une convocation au tribunal pour outrage. Nous faisons appel car le juge n’a pas tenu compte des arguments de notre avocat sur

Frédéric Vuillaume… pour une fois sans son gilet jaune.

F rédéric Vuillaume ou le double visage d’un gilet jaune haranguant la foule lors des manifestations, et Frédéric Vuillaume l’homme posé, animé par des convictions syndicalistes à F.O., et pacifiste. Figure de proue du mouvement social - même s’il s’en défend - le Bisontin (47 ans) a accepté de répondre à notre sollicitation suite à sa convocation sur les bancs du tribunal de Grande instance de Besançon où il était jugé pour outrage à Christophe Castaner, le ministre de l’Inté- rieur. Il écope, avec sa femme, de 1 500 euros d’amende avec sursis avec 5 ans de mise à l’épreuve. Ils ont en revanche été relaxés sur le motif de rébel- lion. Ils font appel. La Presse Bisontine : Pourquoi dites- vous être victime d’un acharnement ? Parce que vous êtes la figure du mou- vement à qui il faut couper la motiva- tion ? Frédéric Vuillaume : Peut-être que

je fédère et cela semble embêter la police. J’ai en tout cas des convictions mais je ne suis pas le leader et je ne veux pas l’être. J’ai été ciblé à mon grand éton- nement dès le début, le 27 décembre, lorsque la Police est venue chez moi - en même temps que chez Kévin, un autre gilet jaune - me déposer une convocation pour me rendre au commissariat de la Gare d’Eau. J’ai eu droit à la première garde à vue de ma vie, pendant 12 heures ! On m’a posé des questions sur mes posts Face- book qui pour moi ne posent aucun problème car je suis paci- fiste. Je ressors sans convocation au tribunal et je décide de conti- nuer les manifestations toujours aussi motivé car je ne peux pas vivre dans une société où des gens meurent la bouche ouverte et d’autres se gavent. L.P.B. : Puis, tout s’enchaîne rapide- ment… F.V. : Le 8 février, je reçois une

convocation du préfet. Pour lui, je suis l’organisateur de l’en- semble des manifestations à Besançon. Ma femme a été en garde à vue 24 heures, le jeudi 9, et le soir on apprend que Jordan, mon beau-fils, est arrêté devant son travail. Le lendemain, il est convoqué pour une comparution immédiate et placé sous mandat de dépôt. Nous n’avons jamais été convoqués à la barre d’un tribunal : on avait pas compris qu’il allait dormir en prison (il est condamné à 1 an de prison, dont 6 mois fermes) alors qu’il a un travail, qu’il a un casier judiciaire vierge. C’est violent. O.K., il a balancé un feu d’artifice au pied des forces de l’ordre au moment où sa mère s’était fait gazer et blesser à Chalezeule. Il a réagi. Il n’y avait pas que lui. L.P.B. : Avez-vous pensé à arrêter ce combat par crainte ? F.V. : Mes convictionsme poussent à continuer et ne pas baisser les

la liberté d’expression et le droit de manifester. L.P.B. :Financièrement,comment couvrir les frais d’avocat ? F.V. : Pour l’instant, je n’avais pas de procès donc je n’ai rien déboursé. Une cagnotte a été mise en place dès le début pour participer aux frais de personnes interpellées abusivement. Cela impacte tout : la vie familiale, les finances. Ce n’est pas facile mais je ne peux être ailleurs qu’à la “manif”. L.P.B. :Pourquoi continuer la lutte alors que le gouvernement a fait des annonces ? F.V. : Elles sont ridicules. Les gilets jaunes ne viennent pas par plaisir dans la rue. Les per- sonnes n’arrivent plus à vivre

avec leur salaire, les retraités sont obligés de retravailler… Ce mouvement ne peut pas s’ar- rêter. Mais jamais je ne pensais pouvoir être la cible de perqui- sitions. L.P.B. :Comprenez-vous aussi que cer- tains, comme les commerçants, en aient marre ? F.V. : Nous sommes là pour un avenir meilleur. Moi aussi, j’ai autre chose à faire que d’être tous les samedis dans la rue. C’est ce que j’ai dit au juge. L.P.B. : Si vous voulez faire bouger les lignes,présentez-vous aux prochaines élections ! F.V. : Je n’en ai pas la moindre intention. n Propos recueillis par E.Ch.

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