La Presse Bisontine 206 - Février 2019

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n°206 - Février 2019

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POLITIQUE

Jacques Grosperrin, le leader de la droite “Je voudrais une ville plus moderne, plus exigeante, plus dynamique” Jacques Grosperrin prend le contre-pied total d’Éric Alauzet, estimant

L a Presse Bisontine : Comment analysez- vous la crise actuelle dans laquelle est plongé le pays ? Jacques Grosperrin : La France donne une triste image d’elle-même, notamment à l’étranger. Cette crise part d’une exas- pération légitime car elle est née d’une souffrance forte de nos concitoyens. Je soutiens et respecte les rassemblements qui se sont multipliés depuis la mi- novembre mais en même temps, on ne peut pas continuer ainsi tous les same- dis dans ces circonstances. Le messa- ge envoyé aux gilets jeunes doit bien sûr alerter le président de la Répu- blique sur son manque d’écoute, ainsi que les ministres dont beaucoup sem- blent bien éloignés des préoccupations des Français, mais aussi nous les poli- tiques, et je me mets bien sûr dedans, même si je n’ai pas fait de la politique un métier depuis des décennies com- me certains. L.P.B. : Qui est responsable de cette situation ? J.G. : Le président de la République en bonne partie car avec cette nouvelle organisation politique de la France qu’il a voulue, en se passant de l’avis des syndicats, en arrivant même à sup- primer le clivage créé par les partis, en évacuant les corps intermédiaires com- me les chambres de commerce, la cou- pure a été profonde. L’exaspération envers cette France d’en haut, de Paris, au détriment de la France des terri- toires, rurale et périphérique, est for- te. Tous les gens que je reçois au quo- tidien en veulent beaucoup à nos forme d’indécence. Mais il n’exclut pas pour autant l’hypothèse… Interview. que déclarer sa candidature maintenant relèverait d’une

anti-V ème République. Dans ces moments, il est nécessaire que tous les élus soient solidaires pour affirmer que la République est plus forte que tout et je suis de ceux qui disent que laV ème République est un système très adap- té à nos institutions. Le problème de fond, c’est que la France n’a toujours pas fait le deuil de la Révolution et on continue à vouloir “couper des têtes”. On a aussi beaucoup de soixante-hui- tards frustrés qui entretiennent le chaos. L.P.B. : Il y a tout juste un an, vous affirmiez qu’Emmanuel Macron faisait une politique pragmatique. Vous avez visiblement changé d’avis ? J.G. : En un an, il a eu maintes fois l’oc- casion de nous montrer son vrai visa- ge d’enfant gâté par la République et par la vie qui n’a jamais vécu la souf- france des Français. En venant du lycée Henri IV et de l’E.N.A., clairement il est difficile de comprendre la France périphérique. On voit clairement son côté hautain, donneur de leçons et condescendant. Je pense aussi qu’il paye aussi son entourage, certains jeunes membres de son gouvernement. Une fois dit cela, je ne souhaiterais qu’une chose, c’est que la France s’apai- se et que la France réussisse. Je ne suis pas de ceux qui attendent son échec. L.P.B. : Dans ce contexte, on aurait pu penser que votre parti Les Républicains rebondisse et soit audible. Ce n’est pas du tout le cas… J.G. : Non, car le parti est encore K.O. debout depuis mai 2017. L’élection pré- sidentielle a entraîné un éclatement de la famille dont on ne s’est pas enco- re remis. Cette expérience confirme que la primaire n’est pas dans notre A.D.N., ce système a laissé beaucoup de séquelles. Et même si personnelle- ment je suis légitimiste, on est aussi confrontés au problème que notre pré- sident Laurent Wauquiez ne fait pas l’unanimité et beaucoup de Républi- cains s’interrogent sur cette question- là. La République En Marche s’affais- se mais elle garde tout de même son étiage de 24 % et tous les autres par- tis traditionnels subissent la crise de confiance des citoyens envers la poli- tique. Nous ne sommes plus audibles. Hélas, au prochain scrutin européen, les partis populistes risquent d’être les seuls gagnants de cette situation. L.P.B. : Qu’attendez-vous du grand débat natio- nal qui s’est ouvert ? J.G. : Je ne fais pas partie de ceux qui en diront du mal. Il faut le voir com- me unmoment de respiration et d’écou- te démocratique. Il n’empêche : on ne peut que constater que le bateau Fran- ce d’Emmanuel Macron est en train de couler et que le président, à travers ce genre d’initiative, ne fait qu’écoper.

Jacques Grosperrin avait réalisé un beau score de 31,64 % au premier tour en 2014, à moins de deux points de la liste Fousseret (33,63 %).

sonnellement, je vais sur le terrain, je rencontre beaucoup de monde, ain- si que des spécialistes de toutes ces questions qui touchent au quotidien des Bisontins, notamment les personnes âgées et des retraités qui sont loin d’ap- partenir à une génération dorée comme il a pu être dit. Je n’oublie pas l’Uni- versité qui est pour cette ville et cette région un enjeu fondamental qu’il faut beaucoup mieux défendre.

culer à droite, mais ce serait de gagner pour véritablement changer cette vil- le qui le mérite, pour faire venir des entreprises, pour faire rester nos forces créatives, pour favoriser la sécurité dans tous les quartiers, pour aider nos anciens, pour faire rayonner notre Uni- versité. Affirmer que 2019 pour Besan- çon est l’année du sport, je veux bien, mais il faut voir de quel sport on par- le à Besançon. Combien d’équipes de haut niveau a-t-on ? Quels événements d’ampleur nationale ou internationa- le y organisera-t-on ? L.P.B. : Jean-Louis Fousseret tirera sa révé- rence de maire après trois mandats. Avec quel bilan à vos yeux ? J.G. : Je ne critiquerai pas l’homme qui a été à la tâche, qui a travaillé pour cette ville qu’il aime, comme nous l’ai- mons, mais je dis juste que j’ai pour cette ville une autre vision que lui pour le XXI ème siècle. Une ville plus moder- ne, plus exigeante, plus dynamique et plus créative pour les Bisontins. Je rends volontiers hommage au travail que Jean-Louis Fousseret a fourni,mais je dis juste que je ne ferais pas les choses de la même manière. À mon sens, il a raté de nombreux trains pour le déve- loppement de cette ville. L.P.B. : À part vous, qui pourrait à nouveau incarner à droite ce futur projet ? J.G. : Nous ne sommes pas dans un pro- blème de personnes. Notre équipe est soudée, elle travaille et quand une lis- te sera prête, croyez-moi, elle repré- sentera tous les Bisontins. Cette liste ne sera pas politisée, ce ne sera pas une liste de membres des Républicains, elle pourra comprendre des gens de tous bords. Ce sera une liste pour les Bisontins. Je ne veux pas pour cette ville une pensée unique. Je souhaite une pensée multiple, faite de la pen- sée de tous les Bisontins. L’idéologie, c’est quand la réponse vient avant la question. Je ne veux surtout pas être dans l’idéologie. n Propos recueillis par J.-F.H.

L.P.B. : Le référendum d’initiative citoyenne (R.I.C.) est-il une des solutions au problème de démocratie ? J.G. : Non. Il est impératif que le temps politique soit plus long que le temps de l’émotion ou le temps médiatique. Il est nécessaire de redonner du temps au débat démocratique au sein de l’Hé- micycle et le R.I.C. ne permettra pas de donner ce temps nécessaire. On s’aperçoit maintenant que le quin- quennat a été une grande erreur poli- tique. Les grandes questions de socié- té, les grandes réformes, demandent du temps. Ceci étant dit, il est néces- saire aussi d’avoir plus d’espaces d’ex- pression de proximité et que l’on don- ne la possibilité à la population de s’exprimer, régulièrement sur de grands sujets. L.P.B. : Venons-en à des questions plus locales. À l’heure où les candidatures fleurissent pour les municipales de l’an prochain, on n’a pas encore entendu la droite ? J.G. : Se positionner maintenant serait indécent.Au moment où la France tra- verse une crise majeure, on ne peut pas être dans ce genre de postures. Les Bisontins méritent mieux que des élus ou des candidats qui sont dans une pos- ture purement politicienne. L.P.B. : Vous ne pourrez faire croire à person- ne que la droite ne prépare pas cette échéan- ce ! J.G. : Il faut évidemment proposer un projet alternatif aux Bisontins mais la question n’est pas de savoir qui doit être tête d’une liste qui n’existe même pas. Les vraies questions, c’est de réflé- chir à la perte d’attractivité de Besan- çon et de la faiblesse du poids politique de cette ville que nous aimons. Les vraies questions, ce sont les transports qu’il est nécessaire d’améliorer, la situa- tion du commerce ou encore les ques- tions de sécurité dont tous les Bison- tins nous parlent. Et surtout que l’on porte plus d’attention à ce que vivent les Bisontins dans leur quotidien. Per-

“Pour être candidat, il faut aussi une attente, une demande.”

dirigeants, et par ricochet à ceux qui soutiennent le président et sa manière de faire. L.P.B. : Les gilets jaunes sem- blent en effet en vouloir aumai- re de Besançon, on l’a récem- ment vu à l’occasion de ses vœux. J.G. : Quand les gilets jaunes se sont manifestés et que Jean-Louis Fous- seret a chanté lui-même laMarseillaise pour mon- trer que cet hymne appar- tient à tout le monde, je l’ai félicité. Parmi les gilets jaunes qui continuent le mouvement, force est de constater que ce sont des personnes anti-système, anti-Macron et surtout

“Je ne dis pas que je ne serai pas candidat.”

L.P.B. : Un projet d’abord…

Puis une candidature ? J.G. : Pour l’instant, nous sommes dans l’écoute. Et bien sûr nous serons dans l’élaboration d’un projet alternatif.Mais nous ne sommes pas encore dans le temps de préparer une candidature. Je ne dis pas non plus que je ne serai pas candidat. Je donnerai ma réponse en septembre. Pour être candidat, il faut aussi une attente, une demande. Il serait malvenu de dire “Je suis candi- dat” alors qu’on ne sait même pas ce que les Bisontins attendent. Il faut donc d’abord rencontrer, écouter, et res- pecter les Bisontins, et après, un pro- gramme en sortira. L.P.B. : En déclarant sa candidature, Éric Alau- zet n’adopte donc pas la même stratégie que vous… J.G. : Je n’ai jamais dit que ce n’était pas légitime qu’il ait envie de se pré- senter à ces municipales. Ce n’est pas immoral, c’est juste indécent en ce moment et ça montre qu’il s’intéresse d’abord à son cas personnel. L.P.B. : Du côté de L.R.E.M. et au sein même de la majorité municipale, ce n’est pas la franche camaraderie. La droite aurait-elle enfin un boulevard pour 2020 ? J.G. : Notre objectif n’est pas de gagner cette ville pour dire qu’on l’a fait bas-

Sénateur pour un second mandat ? C andidat, ou non, aux municipales à Besançon, Jacques Grosperrin est toujours sénateur du Doubs depuis son élection en septembre 2014 pour un mandat de six ans. S’il se présente aux municipales de mars 2020 et qu’il remporte la ville, il laissera donc son mandat de sénateur, loi sur le non- cumul oblige. Mais s’il n’est pas candidat (ou qu’il échoue à Besançon), il se représentera sans nul doute pour un second mandat de sénateur. Avec Chris- tine Bouquin sur la liste ? Un scénario plausible le cas échéant. n

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