La Presse Bisontine 205 - Janvier 2019

ÉVÉNEMENT

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La Presse Bisontine n°205 - Janvier 2019

l Besançon Ils tenaient depuis le 24 novembre Les forçats de la borne jaune Ils se sont relayés sans relâche, jour et nuit pendant plus de trois semaines dans leur campement de fortune installé entre Beure et Micropolis. Rencontre avec l’un d’entre eux qui y a passé de nombreuses nuits.

Gaëtan était un des piliers de la borne jaune où il a passé de nombreuses nuits.

L a mine est forcément fatiguée. Gaëtan a 38 ans, un travail stable en C.D.I., il gagne cor- rectement sa vie. Mais il est là. Toutes les semaines jusqu’au démon- tage de la borne jaune dans la deuxiè- me semaine de décembre, il a campé

dans cette habitation de fortune faite de toiles rafistolées, dans laquelle trô- naient un canapé, un lit de camp, quelques réchauds à gaz et des tables sur lesquelles s’amoncelaient des den- rées de toutes sortes que les automo- bilistes de passage leur apportaient.

monté “parce que beaucoup de gens ne savaient pas où aller au début du mou- vement. C’est un peu notre point d’in- formation. J’ai fait toutes les nuits de la semaine dernière. On donne de notre temps, et de notre énergie. C’est sûr qu’on serait mieux à la maison devant notre cheminée avec un bon repas chaud ! Mais on continue à avoir tellement de soutien que ça nous motive à rester” note Gaëtan qui reconnaît qu’après le prétexte des carburants, “les revendi-

n’ait notre mot à dire” plaide le sala- rié. Quelques jours plus tôt, un retrai- té s’est arrêté à la borne pour venir offrir aux gilets jaunes une casserole de soupe, “alors qu’il vit avec une retrai- te de misère.” “Augmenter le S.M.I.C. de 100 euros, c’est bien, mais si on reprend le double derrière avec d’autres taxes ou augmentations, ça ne pourra pas aller ” poursuit ce gilet jaune. Comme ses camarades,Gaëtan se disait toujours prêt à “passer Noël ici ! Et beaucoup plus encore.” Le militant est bien conscient aussi, à l’image des ras- semblements spontanés qui ont fleuri partout en France, qu’au bout de quelques semaines toutefois, “il va fal- loir qu’on se structure un peu mieux pour d’une part tenir dans le temps et d’autre part faire entendre notre voix à plus long terme.” La borne jaune a été démontée. Les frustrations et les espoirs des gilets jaunes demeurent. n

Le café fumant réchauffe un peu l’am- biance, autant que les klaxons des camions et des voitures réchauffent les cœurs. Si Gaëtan passe ses nuits ici et s’il tient bon, c’est que la colère qui couvait en lui a trouvé son meilleur terrain d’ex- pression ici, aumilieu des gilets jaunes de Besançon. “J’ai la chance de pou- voir venir ici en semaine car je suis d’équipe le vendredi, samedi et dimanche dans mon entreprise à Thise. C’est vrai que je gagne assez bien ma vie, mais je sens franchement la différence depuis quelques années avec des prix et des taxes qui n’ont pas arrêté de grimper” dit-il. En cette matinée frisquette, il est seul. Les autres sont allés soutenir les lycéens qui grognaient à Pergaud et à Pasteur. Mais ils étaient une bon- ne quarantaine à se relayer chaque jour dans cet abri provisoire. La borne jaune avait été installée le 24 novembre dernier au bord de la R.N. 57. Ici, c’est un point fixe qui avait été

cations partent dans tous les sens.Mais c’est normal, les gens n’en peuvent plus !” La revendication princi- pale des gilets qui cam- paient à la borne jaune, sans doute plus que les questions de pouvoir d’achat, c’est la frustra- tion de ne pas être enten- dus. “On ne veut plus d’un système où on nous impo- se les choses sans qu’on

Ils se disaient “prêts à rester au-delà de Noël.”

La borne jaune était installée au bord de la Nationale, à l’entrée de Besançon côté Micropolis. Elle a été démontée au bout de trois semaines.

J.-F.H.

l Administration Les mesures pour les entreprises impactées Les entreprises impactées seront aidées Le préfet du Doubs demande à l’U.R.S.S.A.F.

et la Direction des finances publiques d’examiner au cas par cas les demandes d’entreprises touchées par le mouvement des “gilets jaunes”.

L a peur. La peur pour leur commerce, la peur pour leurs salariés. Voilà ce qui est res- sorti de la réunion organisée par le préfet du Doubs qui avait convié 30 commerçants du Doubs mi-décembre pour échanger sur l’impact commer- cial du mouvement social des gilets jaunes. “La situation

moindre mesure Chalezeule, sans parler du centre-ville, “les commerçants ont peur des débor- dements” ajoute le préfet. Une phrase peu comprise par les gilets jaunes d’École Valentin qui s’étaient organisés en créant une cellule de trois personnes, chargée de rencontrer les pro- fessionnels d’École-Valentin pour échanger avec eux afin de limi- ter l’impact du mouvement. “Petits ou gros commerces, la per- te est énorme ! Ce n’est pas avec unweek-end avant Noël que nous allons rattraper ce qui est per- du” commente ChristopheVichot, responsable d’une enseigne de boissons à École-Valentin. Comme lui, les commerçants de Châteaufarine, Chalezeule, Montbéliard, L’Isle-sur-le-Doubs, Pontarlier, du centre-ville bison- tin, ont pu parler “avec leurs tripes” dit l’un d’entre eux face au représentant de l’État. “Nous avons eu le témoignage de cette

Le préfet du Doubs,

Pierre Royer (D.G.F.I.P.) et Anne Barralis (U.R.S.S.A.F.) proposent des délais de paiement aux entreprises.

devient pour eux et leurs salariés préoccupante” signifiait Joël Mathurin au len- demain du 3 ème week-end de contestation. Au-delà de la perte de chiffre d’affaires qui va jusqu’à 80 % pour les enseignes d’Éco- le-Valentin, Châ- teaufarine et en

“Que ces entreprises se manifestent.”

Pierre Royer pour la direction générale des finances publiques duDoubs confirme : “Nous avons une attention particulière pour les entreprises qui ont une bais- se de trésorerie ou de chiffre d’af- faires. Nous leur proposons

dame dont l’enseigne était en procédure de sauvegarde avant les événements. Nous les sou- tiendrons en examinant au cas par cas leur situation. Cela peut se manifester par des délais de paiement” évoque la préfecture.

qu’elles se manifestent afin qu’elles obtiennent des délais de paiement” dit le chef des impôts. Idem pour l’U.R.S.S.A.F., orga- nisme chargé de collecter les cotisations sociales : “Nous pou- vons proposer des mesures d’éta-

lement des cotisations sociales” poursuit Anne Barralis, direc- trice de l’U.R.S.S.A.F. Franche- Comté. Ces mesures, louables, ne permettront pas de rattra- per le chiffre d’affaires perdu. n E.Ch.

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