La Presse Bisontine 205 - Janvier 2019

BESANÇON

La Presse Bisontine n°205 - Janvier 2019

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Leur vie passée “à Chaillot” SOCIAL En attente de démolition L’immeuble de logements sociaux du quartier Fontaine-Écu sera-t-il bien rasé ? Des locataires se refusent toujours à le quitter et se disent prêts à faire barrage aux pelleteuses.

D epuis son appartement lumi- neux de 64 m 2 , une belle vue s’offre sur la ville. Abdul n’ai- merait pas en changer, appré- ciant le calme qui y règne, tout comme “la proximité avec les transports en com- mun.” Si d’extérieur, le bâtiment res- semble à l’une de ses anciennes barres H.L.M., d’intérieur, “il y a un ascen- seur, de grandes surfaces avec des petits loyers… et on y trouve en prime, une vraie solidarité entre les habitants.” Malheureusement et après six propo- sitions de relogement infructueuses, il

dernier survivant d’un ensemble de quatre immeubles construits entre 1962 et 1965, qui comportaient 318 loge- ments. La requalification du quartier de Fontaine-Écu décidée en 2009 ayant amené à la démolition des trois autres. Sylvette aussi venait de la barre d’en face. “On s’est tous retrouvés ici. On se connaît depuis des années, j’ai même vu les enfants de chacun grandir.” Avec sa chienne Mojita, elle est bien connue des locataires et se sent tellement en confiance qu’elle laisse parfois la por- te ouverte. “Je suis pour ainsi dire née ici.” Depuis sa fenêtre de chambre, elle a vue désormais sur la nouvelle résidence senior privée. Même si le cadre a évo- lué, ses souvenirs restent. Les mai- sonnettes Néolia qui donnent de l’autre côté de son appartement, semblent aujourd’hui la narguer. “Ce serait bien mais c’est beaucoup plus cher” , concè- de Sylvette qui vit en dessous du seuil de pauvreté, comme 16 des 19 loca- taires pour la majorité âgés encore pré- sents dans l’immeuble. Tous espèrent revenir sur l’arrêté pré- fectoral autorisant sa démolition, “d’au- tant qu’il s’agit d’une décision injuste et irresponsable qui devrait coûter 2mil- lions d’euros, alors que l’entretien nor- mal de l’immeuble ne serait que d’1mil- lion” , d’après Alain Genot, le président de la Confédération nationale du loge- ment (C.N.L.) du Doubs.

fait aujourd’hui partie des trois loca- taires concernés par une résiliation de bail dans les six mois. Le temps est donc compté. “Or, je n’ai eu que des pro- positions qui n’étaient pas compatibles”, se défend-il, “des 40 m2 avec des loyers plus élevés ou des appartements au 3ème étage sans ascenseur.” Cette situa- tion est d’autant plus mal vécue qu’on lui avait promis qu’il ne bougerait plus après la démolition de l’immeuble voi- sin de la rue Fontaine-Écu, où il habi- tait avant. Le bâtiment de Chaillot est en fait le

Sylvette, avec sa chienne

Mojita, aime la convivialité qui règne ici. “Il n’est pas rare qu’on discute tous sur un banc le soir.”

engagé. Mais là où l’association de défense des locataires s’émeut, c’est sur l’attitude du bailleur “qui met de plus en plus la pression et agite le spectre de l’évacua- tion par la police. La démolition étant prévue pour 2020, ils perdront leurs subventions s’ils tardent trop.” Grand Besançon Habitat assure, lui, par voie de presse, accompagner chacun dans son relogement, en prenant aussi en charge leur déménagement. n S.G.

Un premier projet de réhabilitation avait d’abord été proposé par Grand Besançon Habitat mais refusé par une majorité de locataires “parce qu’il s’ac- compagnait d’une augmentation de loyer de 35 %”, note Michel Boutonnet, autre membre C.N.L. Les précédentes rénovations (600 000 euros auraient notamment été investis entre 2010 et 2013) ne justifiaient pas, en outre, à leurs yeux de tels frais. L’Office pren- dra alors la décision de démolir l’im- meuble et depuis, un bras de fer est

Les locataires de la rue Chaillot soutenus par la C.N.L. ne désarment pas. 19 logements sont encore occupés sur 48.

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