La Presse Bisontine 195 - Février 2018

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 195 - Février 2018

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POLITIQUE

Réforme de l’enseignement supérieur

“Je reconnais qu’Emmanuel Macron fait preuve de réalisme” Le sénateur bisontin Jacques Grosperrin est

L a Presse Bisontine : Commençons par une question qui fâche et qui a fracturé une nouvelle fois les rela- tions entre Besançon et Dijon : le siè- ge régional du C.R.O.U.S. que reven- diquais le maire de Dijon. Quelle est votre position ? Jacques Grosperrin : En Normandie, le siège du C.R.O.U.S. a été rapatrié dans la capitale Rouen alors qu’au nom de l’équilibre des territoires, il était pré- vu au départ de le mettre à Caen. En Bourgogne-Franche-Comté, c’était la même chose : Besançon a été choisi pour accueillir le siège du C.R.O.U.S., mais le maire de Dijon François Reb- samen voulait profiter de ce qui s’est passé en Normandie récemment pour réclamer lui aussi le siège du C.R.O.U.S. Nous sommes donc montés au créneau, les sénateurs, et de leur côté les dépu- tés francs-comtois, pour redire notre attachement à la parole donnée par le ministère qui s’était engagé à instal- ler le siège du C.R.O.U.S. à Besançon. Notre démarche était préventive, elle a été relayée ici à Besançon par le mai- re qui a fait signer tous ses conseillers municipaux pour réclamer eux aussi le respect de la parole donnée. On s’était déjà fait avoir par Dijon avec le tribu- nal de commerce. On ne voulait pas se faire avoir une deuxième fois. La paro- le de l’État devait être respectée, c’est chose faite et tant mieux. Cétait un nouveau coup bas de François Rebsa- men. La morale de l’histoire, c’est qu’il faut toujours rester prudent par rap- port aux engagements de l’État. Le feuilleton n’estpeut-être pas terminé, et Rebsamen ira sans doute jusqu’au bout. l’enseignement supérieur, il estime que la réforme voulue par le président Macron “va dans le bon sens.” rapporteur du projet de loi du gouvernement relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants. Lui-même professeur dans

Le sénateur Jacques Grosperrin estime aussi que le maire de Besançon sera obligé de finir par accepter d’armer sa police municipale.

à l’école, ça permet non seulement d’évi- ter ce genre de risques, ça permet aus- si à chaque élève et chaque famille de sortir de cette surenchère commerciale des marques. J’estime qu’il est néces- saire de remettre au cœur de l’éduca- tion des rites qui participent plus à mon sens à l’épanouissement des élèves qu’à leur enfermement. Ceux qui disent que c’est une politique conservatrice n’ont rien compris aux évolutions récentes de notre société. La société permissive post-soixante-huitarde a fini par montrer ses limites. L.P.B. : Une dernière question d’actualité bison- tine : suite aux agressions répétées d’agents de la collectivité publique et de policiers à Besançon, quelle est la solution ? J.G. : Je le répète une nouvelle fois, mais je pense que Jean-Louis Fousseret fini- ra par le comprendre : il faut armer notre police municipale. Il a réagi de lamêmemanière par rapport à la vidéo- protection. Au départ, il ne voulait pas en entendre parler. Il s’est résolu à ins- taller des caméras et c’est tant mieux. Là encore, la société dans laquelle nous vivons a changé. Il faudrait qu’il inter- roge son ami sénateur d’Audincourt Martial Bourquin sur le bien-fondé de l’armement de la police municipale. C’est la sécurité et l’intégrité physique des policiers qui sont en jeu. Si leur sécurité n’est pas assurée et que leur vie est menacée, c’est alors la respon- sabilité du maire qui est engagée. J’in- vite Jean-Louis Fousseret à faire com- me son mentor Emmanuel Macron : qu’il sorte de l’idéologie et qu’il fasse preuve de pragmatisme. n Propos recueillis par J.-F.H.

ce projet de loi. Je le soutiendrai dans toutes ses actions qui iront dans l’intérêt des Fran- çais, en discussion serei- ne avec ma famille poli- tique. L.P.B. : Vous êtes toujours L.R. ?! J.G. : Bien sûr. Je suis quelqu’un de légiti- miste. Je soutiens le nouveau président des L.R. LaurentWauquiez car j’estime que quand on appartient à une famille, il faut la res- pecter. Je ne suis pas du genre à aller buti- ner à droite ou à gauche par intérêt ou pour une

mentions doivent pouvoir entrer direc- tement. Enfin, il y a la suppression des mutuelles étudiantes. Les étudiants seront réintégrés au régime général de leurs parents et les salariés des mutuelles étudiantes réintégrés dans le régime de la C.N.A.M. Au final, ce sont de substantielles économies pour les familles. On peut aussi citer la contribution étudiante : les étudiants paieront 90 euros par an au C.R.O.U.S. pour bénéficier d’un accueil et d’un accompagnement social, sanitaire, cul- turel et sportif. Enfin, le projet prévoit aussi une année de césure que les étu- diants auront la possibilité de prendre à n’importe quel moment de leur par- cours. L.P.B. : Quand ce projet de loi sera-t-il vali- dé ? J.G. : Nous devons passer en commis- sion mixte paritaire fin janvier et le projet de loi sera débattu au Sénat le 7 février. Les sénateurs pourront appor- ter quelques ajustements. L.P.B. : Dans sa globalité, vous semblez approu- ver les dispositions de cette future loi ? J.G. : Je pense que c’est une bonne loi, qui fait preuve de pragmatisme. Je pense que la droite aurait pu la faire. Ce n’est d’ailleurs pas une loi de droi- te ou de gauche, je pense que c’est une loi d’intérêt général pour l’avenir du système éducatif. L.P.B. : Vous êtes donc un sénateur “Macron- compatible” ? J.G. : Je reconnais humblement qu’Em- manuel Macron fait preuve de réalis- me et de pragmatisme, en tout cas pour

leur premier choix alors qu’un autre élève qui sortait de Bac Pro a été accep- té en médecine parce que c’était son premier choix. Entre les deux tours de la présidentielle, la ministre de l’Édu- cation d’alors avait pris un décret à la va-vite pour instaurer un tirage au sort. Le système est arrivé à bout de souffle aussi parce que la démogra- phie étudiante a beaucoup augmenté. Il y a eu 28 000 étudiants de plus entre le Bac 2016 et le Bac 2017. Et d’ici 2025, il y aura 300 000 étudiants de plus qu’aujourd’hui. Les problèmes de l’admission post-bac ont été le déclen- cheur de cette réforme. L.P.B. : Au-delà, n’y a-t-il pas aussi un vrai problème d’orientation ? J.G. : Bien sûr, la réforme doit aller du Bac - 3 au Bac + 3. Il faut savoir que 27 % des étudiants seulement valident leur licence en trois ans, et 39 % en quatre ans. À peine deux tiers des étu- diants obtiennent au final une licen- ce. Il y a bien un vrai problème d’orien- tation. D’où ce projet de loi pour lequel je suis le rapporteur au Sénat. Il a déjà été voté à l’Assemblée nationale. L.P.B. : Quels sont les principaux points de ce projet de loi ? J.G. : J’en vois trois. Le premier, c’est que le Bac devra permettre d’accéder à l’Université, mais sous conditions de pré-requis, d’attendus. Des bacheliers au niveau moyen pourront être accep- tés, mais à la condition qu’ils suivent une remise à niveau. Ce premier volet concerne vraiment la lutte contre les échecs. Le deuxième point concerne les bacheliers méritants. Ceux qui ont des

“Il est nécessaire de remettre des rites au cœur de l’éducation.”

raison électoraliste. La droite doit se resserrer et se retrouver autour de ses vraies valeurs. Ce positionnement ne m’empêche pas de reconnaître que des choses vont dans le bon sens avec l’ac- tuel gouvernement. L.P.B. : Toujours sur le thème de l’éducation, la préconisation concernant les uniformes à l’école, le souhait d’instaurer des chorales dans tous les établissements…Tout cela fait un peu retour à la III ème République non ? J.G. : Non, ce sont juste des valeurs républicaines qu’il faut défendre. C’est un sentiment d’appartenance à un éta- blissement et à une collectivité qu’il faut encourager. Il ne faut pas se voi- ler la face : à certains endroits en Fran- ce, il y a des tenues potentiellement prosélytes. Instaurer une tenue unique

L.P.B. : Pourquoi une nou- velle réforme concernant l’enseignement supérieur ? J.G. : Le constat de départ, c’est l’ineffica- cité du système d’ad- mission post-bac. Cet- te année, 87 000 lycéens s’étaient retrouvés sur le carreau en juillet après leur Bac. C’est 15 % des bacheliers qui ne savaient pas ce qu’ils feraient en septembre. J’ai eu des cas ici d’élèves qui avaient eu la mention très bien au Bac et qui n’ont pas été acceptés en médecine parce que ce n’était pas

“C’était un nouveau coup bas de François Rebsamen.”

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