La Presse Bisontine 189 - Juillet-Août 2017

28 DOSSIER I

La Presse Bisontine n° 189 - Juillet - août 2017

l Belvoir

Un château restauré, habité, à visiter

Le château de Belvoir au petit matin.

Belvoir, l’œuvre d’art C’est l’un des rares monuments médiévaux de Franche-Comté parvenus jusqu’à nous. Ce château doit tout à la famille Jouffroy, dont Pierre, le peintre, n’a pas compté les sacrifices pour rendre sa beauté à l’édifice où vécut Béatrix de Cusance réputée pour être la plus élégante femme de son temps.

Marie- Christine (à gauche), Christian et Anne-Marie Jouffroy

L a commune de Belvoir est une petite cité com- toise de caractère domi- nant le vallon de San- cey connue pour son château dont la premièremention remon- te au XII ème siècle et ses halles couvertes. Du caractère, la famil- le Jouffroy en a montré pour sauver de la déchéance ce lieu historique. C’est Pierre Jouffroy, peintre montbéliardais, qui, en 1956, rachète une partie de l’édifice qui ressemblait davantage à un amas de pierre. C’est avec le financement d’une indemnité liée à un accident de moto qu’il se lance dans l’aventure ! Aujour- d’hui, Anne-Marie, Christine et Christian, ses trois enfants, ont repris le flambeau suite au décès de leur père (2000) et après l’avoir aidé en rabotant par exemple une par une les pou- trelles en chêne des plafonds ou remettant sur pied des murs en

pierre. Un travail de forçat. Désormais, ils ouvrent la “Por- terie”, grandmur d’enceinte per- cé par une porte voiturière et une piétonne afin de guider les touristes. “La rénovation a duré

perpétuent l’immense

travail réalisé par leur père.

45 ans ! Le plus dur a été fait même s’il faut sans cesse procé- der à des travaux d’entretien. Mon père était peintre, ma mère com- merçante : nous n’avions pas les moyens pour tout rénover. Heureu- sement que les visites (jusqu’à 30 000 il y a 30 ans, stabilisées à 9 000 aujour- d’hui) nous ont permis de récolter des fonds. Nous avons bénéficié de

dons comme du mobilier venu de la famille Peugeot car il n’y avait plus rien lorsque mon père a repris le château” témoigne Christian, le fils. Ses deux sœurs vivent dans une partie du site huit mois de l’année et pour- suivent l’œuvre de leur papa en l’ouvrant tous les jours l’été. En 1956, quand Pierre Jouffroy arri- ve ici, le portail d’entrée était mutilé, le corps de logis trans- formé en ferme avait vu la sal- le d’honneur devenir une écu- rie et un grenier à foin. Aujourd’hui, elle a retrouvé son lustre. En 1956, le donjon était utilisé comme une carrière de pierres.

L’incendie a failli ravager le château en 1968.

La salle de justice.

Les abords étaient envahis par la végétation. Le premier tra- vail consista à mettre hors d’eau et hors d’air tout ce qui était encore d’origine. La tour deMad- ge-Fâ fut terminée en 1959, l’ar- senal en 1961. Lorsque les services des Monu- ments Historiques acceptent de protéger et d’inscrire à l’Inven- taire Supplémentaire l’ensemble des bâtiments, le travail à réa- liser est donc immense. “En 1956, mon père a lancé une loterie pour financer la restauration” se sou- vient le fils qui connaît chaque anecdote du château. Il ne peut s’empêcher de nous montrer dans l’oratoire de la chapelle le cœur de Béatrix de Cusance (en plomb) et sa stèle retrouvée à l’hôpital Saint-Jacques de Besan- çon par un historien au XIX ème siècle. Est-ce que le château est encore habité par ces glorieux personnages ? Les deux sœurs répondent de concert : “Il n’y a que de gentils fantômes…” Béatrix de Cusance, femme rayonnante, a défrayé la chro- nique au XVII ème siècle en rai- son d’une idylle amoureuse avec le puissant Duc de Lorraine. Belvoir était terre anti-fran- çaise. Le château mis en pièces par Louis XI lors de la premiè- re tentative de conquête fran- çaise a échappé aux Français. Louis XIV ne l’a pas démoli car Anne de Lorraine en 1674 inter-

L’oratoire de la chapelle.

Une ancienne cuisine et le four à pain.

cède auprès du roi de France. Seules les courtines furent abat- tues, les fossés comblés. Belvoir a pourtant bien failli disparaître le 22 avril 1968 : un terrible incendie détruisit la presque totalité de l’aile est du château. Un terrible coup. Dans cette mésaventure, la famille racheta à un cultivateur, pro- priétaire d’une partie de bâti- ment, les ruines fumantes. C’est le financement assuré par la

vente d’unemaison de campagne au pied des Baux-de-Provence qui finança ce rachat et la recons- truction ! Pour les Jouffroy, ce travail est l’œuvre d’une vie. La salle d’armes est magnifique. Le salon de Béatrix, impeccable. Les pro- priétaires sont heureux de fai- re partager “ce” lieu. Depuis peu, des mariages sont organisés dans la salle d’honneur. n E.Ch.

Château de Belvoir (50 minutes de Besançon), ouvert tous les jours l’été, entrée 6 euros www.chateau-belvoir.com

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