La Presse Bisontine 186 - Avril 2017

La Presse Bisontine n° 186 - Avril 2017

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l Recherche

Polémique autour d’un service Le C.E.R.T. “est en train de mourir” Le Centre d’études et de recherche sur le tégument basé à l’hôpital de Besançon est reconnu mondialement dans la recherche en dermatologie. Mais ses conventions de recherche sont bloquées. Un audit demandé par l’A.R.S. est en cours.

I ls redoutent d’être les “victimes collatérales” d’un dossier qui les dépasse. Les chercheurs et ingé- nieurs du C.E.R.T., pour centre d’études et de recherche sur le tégu- ment, basé au C.H.R.U. de Besançon,

s’interrogent. Les conventions de recherche - obligatoires - ne sont plus signées par le C.H.R.U. à cause d’un audit en cours de réalisation, initié par l’Agence régionale de santé (A.R.S.). C’est une affaire qui pourrit le servi-

ce de dermatologie. L’A.R.S. confirme qu’un audit a lieu. “Nous sommes en train de perdre beaucoup de contrats avec les laboratoires parce que nos conventions de recherche ne sont pas signées. Les laboratoires ne peuvent pas attendre. Le C.E.R.T. est en train de mourir. Imaginez que P.S.A. meurt parce qu’il y a un différend entre deux directeurs” explique l’un des docteurs. 10 personnes travaillent dans cette structure informelle basée au sein de l’unité d’explorations fonctionnelles du C.H.R.U. Il a vu le jour il y a 20 ans et développé à l’international des antennes de très haut niveau (Cheng- du-Shanghai en Chine, Téhéran, Thaï- lande, Maroc…). C’est un véritable centre d’investigations cliniques. Il met à disposition des partenaires indus- triels ou institutionnels un savoir-fai- re dans le domaine des études cliniques. Cette équipe est apte àmettre enœuvre des essais cliniques, de la phase I à la

phase IV, des méthodes biométrolo- giques pour le médicament ou pour les cosmétiques, des analyses pharmaco- logiques, ou des études de biologie cel- lulaire. Il rapporte à l’hôpital. Mais cela n’a échappé à personne : le centre est le bébé du professeur Phi- lippe Humbert qui l’a créé “à titre béné- vole” dit-il, et financé grâce aux par- tenariats noués. Est-ce à ce titre que

démission. Autant d’arguments que le spécialiste réfute au motif qu’aucune plainte n’a été déposée à son encontre plaide-t-il. “Il ne s’agit que de décla- rations d’autres praticiens” avance le P r Humbert. Sur le terrain, l’ambiance est morose. Les panneaux conduisant au C.E.R.T. sont régulièrement déchirés et jetés à la poubelle, les chaises disparaissent. Ambiance… “J’ai demandé à rester. Je ne trouve pas très logique de voir com- ment le professeur Humbert, qui a tout donné à ce centre, est traité” déclare Ferial Fanian, médecin des essais cli- niques. L’équipe de recherche vient de publier le livre “Measuring the skin” considéré comme la bible de la bio- métrologie. L’équipe espère obtenir des réponses dans les semaines à venir avec les résultats de l’audit. Il y va de la sur- vie de cette unité de recherche et des emplois qui y sont attachés. n

certains voudraient le voir disparaître ? Le professeur Hum- bert est accusé de maltraitance envers des internes qu’il aurait enfermés dans son bureau ainsi que pour des raisons de management contes- té de ses ex-équipes, quand il était encore le chef du service der- matologie avant sa

Le professeur Humbert est accusé de maltraitance.

Le C.E.R.T. basé à l’hôpital est la victime collatérale des problèmes du service dermatologie.

l Justice Le praticien nie toujours les faits L’affaire qui secoue le monde de la santé et les patients de la région Les soupçons d’empoisonnement prémédité qui pèsent sur un anesthésiste bisontin de 45 ans ont jeté le trouble dans la région. L’affaire pourrait connaître de nouveaux

La vice- procureure au Parquet de Besançon affirme sans détours qu’il “ne pouvait s’agir que d’actes volontaires, de nature à entraîner la

développements avec l’enquête élargie à une quarantaine de cas suspects !

R arement une affaire liée à la santé publique n’aura secoué autant l’opinion car elle dépas- se largement le microcosme dumonde médical. N’importe qui aurait pu, comme ces deux malheureux patients décédés, faire les frais de ces pratiques qui ont conduit à leur mort. Une chose est certaine : on n’a pas affaire en l’espèce à des erreurs de dosage, ou à des négligences : “Il s’agit sans conteste de malveillance” confir- me Christine De Curraize, vice-pro- cureure au Parquet de Besançon. L’anes- thésiste de 45 ans n’avait pas d’antécédent ni de casier judiciaire. Rappel des faits. En janvier dernier, l’A.R.S. (Agence régionale de la san- té) informait le parquet de Besançon de deux “événements indésirables graves” (E.I.G.) survenus les 11 et 20 janvier 2017 sur deux patients de la clinique Saint-Vincent, patients qui avaient pu être réanimés après avoir présenté des arrêts cardiaques en cours d’opération. “Les analyses toxicolo- giques réalisées sur les poches de solu-

té de réhydratation pour le premier cas et de paracétamol pour le second cas permettaient de retrouver de fortes quantités de potassium ou d’anesthé- siques, à dose létale” réaffirme Chris- tine De Curraize. “Au regard de la natu- re et des doses des substances introduites dans ces poches de perfusion, il ne pou- vait s’agir que d’actes volontaires, de nature à entraîner la mort des patients

mort des patients.”

été décidé avec notamment l’interdic- tion de paraître à la clinique Saint- Vincent et à la Polyclinique de Franche- Comté ainsi qu’une interdiction d’exercer la profession de médecin anes- thésiste. Le parquet a fait appel de ce contrôle judiciaire, il aurait souhaité une détention provisoire immédiate pour l’anesthésiste sur lequel pèsent les plus lourds soupçons. “On n’est pas à l’abri que le dossier s’élargisse et que d’autres faits apparaissent” conclut la magistrate bisontine. Une semaine après ces premières révélations, l’en- quête s’élargir à une quarantaine d’autres cas suspects. S’il est reconnu coupable, le praticien bisontin encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Si tous ces cas sont avérés, on aurait là la plus grave affaire d’empoisonne- ments collectifs que la France ait jamais connue. n J.-F.H.

en cours d’opération, l’ensemble de ces procédures étaient jointes à l’instruc- tion et requalifiées en faits d’empoi- sonnements commis avec prémédita- tion.” Les investigations, menées sous le contrôle de deux magistrats instruc- teurs, ont conduit à l’interpellation samedi 4 mars d’un médecin anes- thésiste ayant exercé au sein des deux cliniques pendant les périodes de temps où les sept événements indésirables graves sont survenus. Ce médecin a immédiatement été mis en examen du chef de sept empoisonnements avec préméditation. Il a été ensuite pré- senté au juge de la liberté et de la détention aux fins de placement en détention provisoire, sur saisine des magistrats instructeurs, conformément aux réquisitions du parquet. À l’issue du débat contradictoire, un placement sous contrôle judiciaire a

dés (un homme de 53 ans en 2008 et une femme de 51 ans en 2016). Ces faits avaient fait l’objet de l’ouvertu- re d’informations judiciaires suite à une plainte des familles. Ces cas éga- lement survenus à la clinique Saint- Vincent avaient permis à chaque fois d’établir un surdosage d’anesthésiques locaux. “De même, trois autres événe- ments indésirables graves survenus en 2009, cette fois-ci à la Polyclinique de Franche-Comté, avaient également fait l’objet d’une enquête préliminaire” com- plète le Parquet. L’enquête avait per- mis de déterminer que, dans un cas au moins, des doses inhabituelles de potassium avaient été retrouvées, là encore, dans une poche de réhydrata- tion. “Au regard du nombre de faits, de la certitude que des substances à doses létales avaient été introduites sciem- ment dans des poches de réhydrata- tion ou de paracétamol de ces patients

à qui ces substances étaient destinées” ajoute la magistrate. Une enquête prélimi- naire était en consé- quence diligentée et confiée à la police judi- ciaire de Besançon conjointement à la Sûre- té départementale de la police de Besançon. Un rapprochement était effectué avec deux autres événements indésirables graves survenus en 2008 et 2016, à l’issue desquels les patients étaient décé-

Des substances à doses létales introduites sciemment.

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