La Presse Bisontine 185 - Mars 2017

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 185 - Mars 2017

4

ÉCONOMIE

Quel avenir pour Alstom Ornans ?

“Les commandes nous

redonnent de la visibilité”

L a Presse Bisontine : L’éventuelle fermeture du site historique de Bel- fort a défrayé la chronique en 2016. Finalement, les activités sont main- tenues. Des craintes ont rejailli sur Alstom Ornans. Qu’en est-il ? Romuald Gicquel : Le site d’Ornans, comme l’ensemble des sites fran- çais d’Alstom, connaît une baisse d’activité. Elle a été de 20 % en 2016. La charge en ingénierie, elle, est maintenue, voire en légère aug- mentation. L.P.B. : En synthèse, vous produisez moins, mais vos ingénieurs cherchent davanta- ge… R.G. : L’augmentation de charge en recherche et développement s’ex- plique parce que nous sommes le centre d’excellence pour la concep- tion, l’industrialisation et la main- tenance. Chaque moteur vendu dans le monde par Alstom a été conçu et validé sur le site d’Ornans. Ce qui confère à Ornans une acti- vité constante en termes de suivi de projet en matière d’innovation et de développement des moteurs. L.P.B. : Certains moteurs ne sont pourtant plus produits ici mais en Chine… R.G. : Nous avons deux autres sites de fabrication en Chine en effet et aux États-Unis, ainsi que deux sites en cours de construction enAfrique du Sud et en Inde. L.P.B. : L’activité et le savoir-faire quittent Ornans. Doit-on s’en inquiéter ? R.G. : On fait un transfert de tech- nologie. On envoie nos experts dans les sites receveurs pour valider les processus de fabrication. Des sala- riés (deux à temps plein et bientôt 10 opérateurs) gèrent la formation des Sud-Africains. Cela se fait en parallèle d’autres activités en Chi- ne ou aux États-Unis. Le directeur Romuald Gicquel coupe court aux rumeurs de licenciements. Le feuilleton Alstom Belfort a fait planer de sérieuses craintes sur le site d’Ornans qui conçoit et produit des moteurs de traction.

Romuald Gicquel, directeur Alstom transports à Ornans, ici dans l’atelier de fabrication.

Nous allons fournir 120 moteurs pour Hanoï (Viet- nam), 132 moteurs pour le métro de Lyon. Nous avons remporté un métro en Chine (Kaosyung) pour 44 moteurs et le tram T9-T10 à Paris (88 bogies), ou enco- re 28 rames pour le T.G.V. aux États-Unis.

Qu’en est-il ? R.G. : Il n’a jamais été question de licencier qui que ce soit ni d’ini- tier le moindre plan social et tout a été mis en œuvre pour éviter l’activité partielle. Jusqu’à aujour- d’hui, nous avons réussi cet objec- tif. L.P.B. : Alors pourquoi cette annonce ? R.G. : On a craint des difficultés sociales suite à l’annonce de déca- lage de deux grands projets en Azerbaïdjan et au Kazakhstan du fait du client. On a engagé un plan de formation, de passerelles pour changer de métier dans notre usi- ne. Pour exemple, quelqu’un qui s’occupait du magasin est monté en puissance sur une fonction d’acheteur. On aide aussi les gens qui ont des projets personnels et qui souhaitent créer leur activi- té. Nous avons surtout favorisé des détachements dans d’autres usines. L.P.B. : Était-ce une mobilité forcée ? R.G. : C’était sur la base du volon- tariat. Si nous n’étions pas par- venus à adapter notre organisa- tion, nous aurions dû engager des actions plus difficiles. On a géré la situation. L.P.B. : Il y avait tout de même 200 sala- riés de plus il y a 7 ans. Cela ressemble à un déshabillage. R.G. : Oui, mais l’usine fabriquait deux fois plus de moteurs.Aujour- d’hui, nous sommes sur un pla- teau : notre niveau de charge sera constant pour les trois prochaines années avec une charge de tra- vail constante. Il y a un an, on avait un doute en raison des déca- lages de projets.

L.P.B. : Vous oubliez la mauvaise nou- velle Belfort. R.G. : Pour nous, ce n’était pas une surprise : la baisse des charges était intégrée à ce que nous avions prévu. La surprise était sur le choix de rapprocher Belfort de Reichshoffen. Le travail mené en gestion des effectifs et dans l’or- ganisation, combiné aux bonnes nouvelles des commandes, redon- ne de la visibilité. On rassure le personnel et la communauté. Alstom est ici depuis 1870. 40 % des salariés habitent Ornans et sa région, les autres sur le Pla- teau ou sur Besançon. L.P.B. : Quel est l’impact économique de l’usine ornanaise ? R.G. : Ce sont 1 000 emplois indi- rects en plus. 118 fournisseurs régionaux travaillent avec nous (N.D.L.R.. : la société n’a pas sou- haité communiquer son chiffre d’affaires). L.P.B. : Pas de plan de licenciement en 2017 donc ? R.G. : Pas de plan licenciement tout court. Et ça n’a jamais été prévu. On a investi 3,2 millions d’euros dans la recherche et développe- ment. On a embauché par exemple un thésard et nous travaillons avec les écoles d’ingénieurs de Besançon et Belfort-Montbéliard. L.P.B. : Parlons de ces “bonnes nou- velles”. Pouvez-vous détailler les com- mandes remportées ? R.G. : Nous avons une commande de 1 136 moteurs pour le R.E.R. d’Ile-de-France, commande annon- cée par Valérie Pécresse. C’est le fruit d’une commande et pas le résultat de bruits médiatiques.

Bio express

L.P.B. : Ne faut-il pas craindre une per- te du savoir-faire ornanais ? R.G. : Non. Nous développons de nouvelles pistes comme la main- tenance. On sait réparer d’anciens moteurs. C’est un service de proxi- mité. Nous sommes capables depuis quelques années de pro- poser une augmentation de 5 % du gain de productivité tous les ans. L.P.B. : Pensez-vous construire d’autres produits que des moteurs à l’avenir pour vous diversifier ? R.G. : Nous avons effectivement des projets notamment dans l’aéro- nautique. Notre cœur de métier reste le moteur de traction. L.P.B. : Comment envisagez-vous l’ave- nir ? R.G. : Sereinement. Nous sommes reconnus comme un site d’excel- lence. Les contrats nous donnent de la visibilité. n Propos recueillis par E.Ch.

l Romuald Gicquel, 41 ans, a commencé sa carrière en 2000 chez Péchiney où il a occupé plusieurs postes de management en France et à l’étranger dans les domaines de la production, de la maintenance et de l’amélioration continue. l Il a intégré Alstom en 2010 sur le site de Belfort pour l’activité Power en tant que Responsable Industriel et Investissements. l En 2012, il prend le poste de Responsable Lean Manufacturing. l Depuis octobre 2015, il est directeur du site Alstom transports à Ornans. l Romuald Gicquel est diplômé de l’École Polytechnique et de l’École des Mines de Paris.

“Nous avons des projets dans l’aéronautique.”

L.P.B. : Tout ne sera pas pourtant construit ici ? R.G. : Tous les projets ont été consul- tés ici, en ingénierie. Après, le choix du site de fabrication est fonction du prix et de la compéti- tivité. Les produits standards sont fabriqués en Chine.

L.P.B. : La France a un défaut de compétitivité ? R.G. : L’objectif est de proposer de la com- pétitivité pour pro- poser des trainsmoins chers.Nous avons des contraintes de locali- sation imposées par nos clients et d’utili- sation de réseaux de fournisseurs locaux. L.P.B. : Cela n’est pas ras- surant pour les 305 sala- riés ornanais. En sep- tembre, le conseil municipal d’Ornans a voté une motion pour soutenir les salariés. Ce dernier évoquait la suppression de 50 postes fin 2016.

“Il n’a jamais été question de licencier qui que ce soit.”

Alstom Ornans, ce sont 305 salariés, mais aussi 1 000 emplois indirects.

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker