La Presse Bisontine 183 - Janvier 2017

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 183 - Janvier 2017

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POLITIQUE

Mireille Péquignot après la disgrâce “J’ai mené un combat qui m’a semblé juste”

L a Presse Bisontine : L’élue munici- pale d’opposition (2008-2014) et ex- conseillère régionale (2010-2015) a- t-elle définitivement tourné la page de la politique ? Mireille Péquignot (ex-Les Républicains) : Dans la vie, il ne faut jamais dire jamais. Je suis attentive à ce qui se passe autour de moi. L’action, je la mène dif- féremment. L.P.B. : Justement, que faites-vous ? M.P. : Je mène une action associative depuis 2007 en tant que présidente de “Halte discriminations” qui accom- pagne les demandeurs d’emploi, les créateurs-repreneurs d’entreprise. L’ob- jectif étant de tendre la main à des personnes qui ont envie de s’en sortir. L.P.B. : Un cas précis pour comprendre ? M.P. : Les personnes que nous accom- pagnons peuvent être victimes de dis- criminations. Elles sont multiples : ne pas avoir un réseau familial pour des personnes arrivant en France, cela se ressent au niveau du réseau profes- sionnel, être handicapé, une femme, un jeune… Pour certaines, les portes ne s’ouvrent pas facilement. J’ai des exemples : celui de Diogène Sebiyege. Il est Rwandais, est arrivé sans par- ler un mot de français. Nous l’avons aidé : aujourd’hui il a créé sa société d’audiovisuel à Besançon-Palente et décroche des marchés (3 salariés) ou encore l’exemple de femmes comme Sylvie Jeannin (Syl’optic). Nous lui Évincée de la vie politique locale, condamnée pour diffamation envers le maire de Besançon, Mireille Péquignot se mobilise dans une association luttant contre les formes de discriminations et qui remet des demandeurs d’emploi sur le marché du travail.

Mireille Péquignot,

présidente de l’association Halte discrimi- nations, met son réseau à disposition des demandeurs d’emploi.

way “low-cost” fabriqué par la société espagnole C.A.F. au détriment du tram- way fabriqué par Alstom, l’un des fleu- rons de l’industrie franc-comtoise qui à l’époque des faits employait près de 4 000 personnes dans notre région (Ornans et Belfort). Je rappelle que la société espagnole C.A.F. qui a vendu le tramway à la C.A.G.B. n’a jamais employé un seul salarié franc-com- tois ! L.P.B. : Était-ce une façon d’exister médiati- quement ? M.P. : Non. Je me suis battue de toutes mes forces pour dénoncer le choix de la société C.A.F. qui à mes yeux était un non-sens économique, écologique et social. Les sous-traitants et les demandeurs d’emploi régionaux res- teront les grands oubliés de ce projet financé entièrement par l’argent public, par nos impôts (budget global : 250 mil- lions d’euros environ). L’absence d’une telle analyse économique et sociale sur le projet du tramway bisontin méri- tait d’être critiquée. L.P.B. : A vous écouter, vous étiez la porte- parole des Bisontins ! M.P. : Je n’ai jamais attaqué les per- sonnes mais les projets et les idées. Je suis fière d’avoir mené ce combat qui me semblait juste. À quoi cela aurait- il servi d’être élue et rester muette de peur de déplaire ? Mon rôle en tant qu’élue n’était-il pas très justement de relayer les inquiétudes et les frus- trations des Bisontins ? L.P.B. : Vous n’avez donc pas digéré le juge- ment… M.P. : Je ne le commenterai pas ! Selon le jugement auquel vous faites allu- sion, je cite : “… C.A.F. a mis à dispo- sition de ladite communauté, à titre gratuit, une maquette représentant une moitié de tramway de Besançon… Il n’est pas discuté que cette maquette avait une valeur de l’ordre de 400 000 euros… en tronquant son

sur votre rôle dans l’association ? M.P. : Je m’interroge. L’emploi et la lut- te contre les discriminations sont pré- sentés par tous comme de véritables priorités des politiques à la fois locales, régionales et nationales. Nous orga- nisons le plus grand forum de la diver- sité de Bourgogne-Franche-Comté sur les thématiques de l’emploi et la créa- tion d’entreprises. Ce forum réunit entre 400 et 500 personnes à Besan- çon à chaque édition. LaVille de Besan- çon ne nous finance pas. Heureuse- ment que l’État (D.R.J.S.C.S., D.I.R.E.C.C.T.E., Préfecture de région) et des partenaires privés comme le Crédit Agricole, la Mutuelle Médico- Chirurgicale M.M.C., Façades bison- tines, et bien d’autres nous aident. L.P.B. : Quand aura lieu le prochain forum ? M.P. : La 8 ème édition du forum de la diversité de Bourgogne-Franche-Com- té aura lieu le 13 avril 2017 à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Doubs à Besançon. C’est une mani- festation qui rapproche le monde de l’entreprise et la population au sens large. On y trouve plusieurs espaces : job-dating, création-reprise d’entre- prises, des conférences, des témoi- gnages d’entreprises qui dévoileront leurs bonnes pratiques en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité en entre- prise. L.P.B. : Politiquement, vous aviez fait 1,6 % aux dernières législatives. Serez-vous candi- date en juin prochain ? M.P. : J’avais obtenu un résultat com- parable à celui de candidats se pré- sentant sous la bannière du MoDem ou de l’U.D.I. Être élu, c’est l’un des moyens pour aider nos concitoyens, les représenter, les tirer vers le haut. Quant à savoir si je serai à nouveau candi- date, je n’y songe pas. Je suis déjà bien occupée par mes différentes activités. n

municipal sur le dossier de la culture avait été raillée, il était inaudible. Quel souve- nir avez-vous gardé de la sortie ce jour-là de l’ensemble du conseil municipal ? M.P. : Je m’y étais pré- parée. Je savais à quoi m’attendre. J’ai aussi été soutenue par celles et ceux qui pensaient comme moi, qu’il fallait mettre un terme à la politique culturelle éli- tiste, très coûteuse et inefficacemenée au sein de la ville à l’époque. Le cas de Sonorama reste- ra le plus emblématique avec à la clé des Bison- tins méprisés et abusés, les acteurs culturels locaux écartés et igno- rés, des commerçants bisontins escroqués !

expression de toute référence à la natu- re exacte du “cadeau”, à savoir la maquette, Élisabeth Péquignot a fait preuve de démesure dans l’expression… De telles imputations… sont diffama- toires…” L.P.B. : Estimez-vous avoir été seule contre tous ? M.P. : J’ai reçu le soutien de quelques élus bisontins et régionaux, attachés à la liberté d’expression, toutes sensi- bilités confondues. De nombreux citoyens de Besançon, Belfort, Mont- béliard, Ornans, quelques salariés d’Al- stom, m’ont également adressé des messages de soutien. J’en garde un souvenir ému. J’ai payé très cher la défense de notre industrie régionale, nos emplois et la liberté d’expression. L.P.B. : Cela vous a coûté votre place et de l’argent. Combien avez-vous déboursé ? M.P. : 20 000 euros environ. L.P.B. : Cela vous incite-t-il à moins démar- rer au quart de tour ? M.P. : Je ne peux m’empêcher de sou- rire car ces mêmes élus qui m’ont cri- tiquée étaient les premiers à s’élever pour soutenir Alstom en septembre dernier lors du plan de licenciements annoncé à Belfort. Les élus de terrain ont le devoir d’anticiper, de dire les choses, de tirer la sonnette d’alarme, au nom du peuple. L.P.B. : Qu’est-ce qui vous a fait le plus de mal ? M.P. : Tout d’abord la souffrance de mes enfants qui ont vu leur mère traînée dans la boue et se retrouver devant un tribunal comme une criminelle. Par ailleurs, être “marginalisée” par cer- taines personnes de ma famille poli- tique, a été une grande déception. Heu- reusement, je n’étais pas accrochée à un siège ou un poste. J’ai simplement défendu mes idées, mes convictions.

“Certaines de mes propositions

raillées à l’époque ont été reprises.”

avons facilité un finan- cement ou encore Nace- ra Kaddare (boulange- rie). L’association sert de caution. Elle est le tiers de confiance. L.P.B. : C’est plus concret que la vie politique… M.P. : Pouvoir aider, c’est une satisfaction mais le combat n’est jamais gagné. Le volet finance- ment est le nerf de la guerre.Tout le monde ne rêve pas de devenir chef d’entreprise mais pour celui qui veut être sou- tenu, nous l’aidons. L.P.B. : En 2013, vous avez été poursuivie pour diffama- tion pour avoir sous-entendu que Jean-Louis Fousseret avait reçu un cadeau à 400 000 euros de la part de C.A.F. (la maquette du tram). Regrettez-vous ? M.P. : Je suis fière d’avoir dénoncé le choix du tram-

“J’ai payé cher la défense de notre industrie.”

L.P.B. : Des motifs de satisfaction ? M.P. : Concernant le dossier transport, je note avec satisfaction que l’entre- prise espagnole C.A.F. n’a pas enre- gistré le succès commercial espéré en France.Avignon et bien d’autres agglo- mérations françaises, à l’instar de Dijon, ont toutes fait le choix d’Alstomau nom des emplois et de la préservation de notre industrie. Pour ce qui concerne le dossier culturel, certaines de mes propositions raillées à l’époque ont été reprises et mises en application. J’avais proposé de redynamiser les visites de la Citadelle grâce à la réalité aug- mentée. Cette proposition avait été raillée. Deux ans plus tard, j’ai eu vent d’un projet de visite de la citadelle repo- sant sur la réalité virtuelle. J’avais éga- lement proposé que les artistes locaux et régionaux soient plus étroitement associés au projet culturel de Besan- çon.

Propos recueillis par E.Ch.

L.P.B. : Votre passé a-t-il des répercussions

L.P.B. : Votre première intervention au conseil

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