La Presse Bisontine 183 - Janvier 2017

24 DOSSIER I

La Presse Bisontine n° 183 - Janvier 2017

l Justice

La réponse pénale face à la violence “En 2017, le Parquet va traiter le problème à la racine” Procureure de la République de Besançon, Edwige Roux-Morizot veut apporter

rapidement des réponses à la question des violences dites “non crapuleuses”.

L a Presse Bisontine : Quel est votre regard sur les récents faits de violence gratuite enre- gistrés en centre-ville à Besançon ? Edwige Roux-Morizot : Objective- ment, on note une baisse glo- bale de la délinquance entre 2015 et 2016 à Besançon sauf au niveau des violences. Les vio- lences intra-familiales ont un peu baissé parce que c’est le fruit d’une vraie mobilisation de tous. Nous sommes autant mobilisés sur les autres vio- lences et notamment sur les vio- lences non crapuleuses, c’est-à- dire gratuites. L.P.B. : Qu’est-ce qu’une violence non crapuleuse ? E.R.-M. : C’est une violence gra- tuite de sortie de boîte de nuit, après un mauvais regard ou quelque chose qui ne plaît pas. Elles continuent, effectivement,

contre 1 602 (en octobre 2016).

L.P.B. : Les statistiques ont toutefois leurs limites… E.R.-M. : Effectivement, il y a sans doute ce chiffre noir où les per- sonnes ne déposent pas toujours plainte parce qu’elles sont alcoo- lisées et se disent parfois qu’elles ont peut-être cherché, ou ont peur des conséquences. L.P.B. : Est-ce une impression ou le centre-ville de Besançon est de moins en moins fréquentable en fin de nuit ? E.R.-M. : On le retrouve dans beaucoup de juridictions mais c’est vrai que Besançon a une particularité. Il y a ce centre ramassé, avec beaucoup de mon- de, qui paraît jeune et agréable mais qui a le revers de la médaille : il y a plus de poten- tialités de retrouver ces diffi- cultés de ce genre-là. L.P.B. : Une raison à ces violences gratuites ? E.R.-M. : Elles le sont beaucoup sur fond d’alcool. Sinon, on est dans des violences type règle- ment de compte notamment en matière de stupéfiants. L.P.B. : Un profil type de l’individu vio- lent ? E.R.-M. : On est quand même sur des profils de personnalité mal structurés, dans l’incapa- cité de gérer leurs propres pul- sions. L’aspect désinhibiteur de l’alcool fait passer à l’acte. L.P.B. : Parlez-nous d’une affaire et de la réponse pénale ? E.R.-M. : C’était une comparution immédiate. À la sortie du Styl le 16 novembre, Grande rue, une personne s’est fait massacrer par deux autres. Il y a eu un déchaînement de violence sur

Edwige Roux-Morizot, Procureure de la République de Besançon, ici devant la maquette représentant le tribunal.

à augmenter à Besançon. Je ne dis pas que cela aug- mente de façon importante, je dis que ça ne diminue pas. L.P.B. : Des chiffres ? E.R.-M. : Nous étions, sur les atteintes à l’intégrité physique, à plus de faits constatés en 2015 (2 788) qu’en 2016 (2 762) à pareille époque. Les faits élucidés (interpel- lations) ont été plus nombreux, ce qui donne à plus de présentation et de réponse pénale. 1 275 faits ont été élucidés en 2015

“Les témoins ont eu peur qu’il se fasse tuer.”

E.R.-M. : Il y a une vraie réflexion autour de cela de la Ville, des services de Police, de la justice, de la préfecture. Cette réflexion a conduit à encadrer ces fameux jeudis soirs. L.P.B. : Avec des résultats ? E.R.-M. : Nous avons moins ces phénomènes de violences entre groupes mais ça reste quelque chose de prégnant ici. On a réglé la situation en centre-ville sur des petites violences mais des violences importantes de petit matin, malheureusement cela existe toujours. L.P.B. : Y a-t-il des phénomènes de groupe, des personnes qui viennent en centre-ville seulement pour se battre ?

E.R.-M. : Non, il n’y a pas de phé- nomènes de bande à Besançon. L.P.B. : La réponse pénale va-t-elle se durcir ? E.R.-M. : La réponse pénale du tribunal de Besançon reste la même : c’est une réponse rapi- de, efficace et sévère pour tout ce qui concerne ces atteintes à l’intégrité physique, c’est-à-dire les violences gratuites sur fond d’alcool. On ne fait pas que sanc- tionner : le parquet a une réflexion sur les raisons. On essaie d’apporter des réponses personnalisées comme nous l’avons fait sur les violences conjugales. L.P.B. : La sensibilisation est délica- te dans ce domaine…

E.R.-M. : On s’est beaucoup pré- occupé des violences intra-conju- gales. Je voudrais désormais m’attaquer sur la façon de fai- re pour, dès les premières vio- lences, pouvoir prendre en char- ge. Après nos stages de sensibilisation que l’on a mis en place dès la première violence, je souhaiterais mettre en place en 2017 des stages de sensibi- lisation en ce qui concerne l’al- cool. L’État y répond à sa maniè- re, la Ville par ses chartes et une présence peut-être plus importante de la police à cer- tains moments. Nous avons cet- te réflexion : pas simplement sanctionner mais traiter le pro- blème à la racine. n

une personne qui n’avait rien demandé du tout ou qui avait été peut-être été trop insistan- te, car elle avait aussi trop bu ! C’était de la violence gratuite. Cette personne a eu le nez frac- turé et un traumatisme crânien. Il a été massacré à tel point que les témoins, courageux et qui ont témoigné, ont eu peur qu’il se fasse tuer. C’était un dossier lourd (N.D.L.R. : un an de pri- son ferme). Une autre affaire de même type (information judi- ciaire) a eu des conséquences graves juste parce que la per- sonne avait refusé une canette de bière. L.P.B. Ces violences ne sont pas nou- velles. N’y a-t-il pas eu de mesures depuis le temps ?

Propos recueillis par E.Ch.

l Soirées Fête étudiante alternative La fête sans se biturer

La Ville mène l’opération “La fête à Besac, - d’alcool, c’est + cool”. Immersion lors de la dernière de l’année, au Conservatoire.

D evant le bar improvisé où des verres sont soigneusement alignés, Cédric le barman fait virevolter des bouteilles à plus d’un mètre de hauteur pour ensuite verser un cocktail “fumant” grâce à de la glace carbonique… à base de jus de fruits. Il n’y a pas d’alcool mais Gaë- tan, 20 ans, adore. Avec ses amis, cet étudiant est venu assister à la der- nière soirée “La fête à Besac, - d’alcool, c’est + cool” jeudi 8 décembre au Conser- vatoire de Besançon, un concept mis en place dans le cadre du plan de pré- vention et de lutte contre l’alcoolisa- tion massive des jeunes que la Ville conduit depuis 2013. C’est Frédéric Allemann, conseiller municipal délé- gué à la tranquillité publique qui a

mis en place ce rendez-vous après avoir pris exemple sur Rennes. Le rendez- vous est désormais connu des étu- diants. Si une centaine de personnes étaient présentes au Conservatoire en

Des cocktails servis par Cédric… sans alcool.

décembre, elles étaient plus de 700 quelques mois plus tôt au F.R.A.C. “C’est un moyen de faire la pré- vention en lien avec des associations étudiantes mais aussi de faire décou- vrir aux étudiants des lieux dans lesquels ils ne mettraient pas les pieds” relate FrédéricAllemann. Certes, rien ne dit que les fêtards une fois la soirée

700 personnes au Conser- vatoire.

terminée n’iront pas enfiler des vod- kas et mojitos cul sec chez eux ou dans un bar de nuit : “Nous ne sommes pas là pour prohiber l’alcool mais pour montrer que l’on peut faire la fête sans boire de façon massive” évoque Nell Auturugiri, chargée de mission tran- quillité publique à Besançon. Un stand

de prévention avec des intervenants (jeunes) a conseillé et informé sur les pratiques festives : consommation de produits psycho-actifs, sexualité, audi- tion. Gratuitement, des éthylotests, préservatifs, bouchons d’oreille, pla- quettes d’information ont été distri- bués. Besançon multiplie les actions.

“Nous sommes également intervenus sur la vente d’alcool interdite dans les épiceries de nuit mis en place la Char- te de sécurité de publique” rappelle Danièle Poissenot, adjointe à la sécu- rité. Prochaine soirée “sans alcool” en 2017 dans les locaux de l’institut des Beaux-Arts. n

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