La Presse Bisontine 182 - Décembre 2016

La Presse Bisontine n° 182 - Décembre 2016

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l Prostitution

“Jolie fille de passage à Besançon” Le nouveau phénomène des “sex tours” À Besançon comme ailleurs, on trouve de plus en plus d’annonces de personnes proposant leurs services via Internet. La prostitution de rue qui ne représente que 30 % de la prosti- tution globale*, n’est ainsi que la face visible de l’iceberg.

I l suffit d’un tour rapide sur la toi- le pour se rendre compte de l’am- pleur du phénomène. Sonia, “nou- velle femme de passage” , propose “ses services complets de relaxa- tion” , Michely, “belle trans brunette bré- silienne de passage” invite à l’appeler quand on veut, Lina, “première fois dans votre ville” est à disposition de “messieurs courtois et respectueux” … Toutes ces annonces sont en accès libre sur le site Vivastreet avec la recherche “Escort girl Besançon” et ce malgré l’in- terdiction explicite dans les conditions générales d’utilisation de publier une annonce “proposant des massages sen- suels, sexuels ou érotiques” , des photos “nues ou à caractère sexuel” ou des “pro- positions de services dénudés, sexy ou autre.” Et il n’est bien sûr pas la seule porte d’entrée sur ce phénomène de prosti- tution via Internet. “Une grande majo- rité des personnes se prostitue désor- mais par le biais d’Internet et dans les bars à hôtesses et salons de massages” ,

toile qui représente 62 % de la prosti- tution globale au niveau national (lais- sant donc 30 % pour la prostitution de rue et 8 % à “l’activité indoor” : salons de massage, bars à hôtesses…) s’ex- plique en partie par une adaptation des réseaux aux nouvelles législations. La loi Sarkozy du 18 mars 2003 qui pénalisait jusqu’ici le racolage passif, obligeait en effet les prostituées à davan- tage se cacher et la nouvelle loi de 2016 irait dans le même sens vis-à-vis des clients. À ceci près qu’un volet de cette der- nière loi prévoit qu’il soit plus compli- qué de mettre en ligne ces annonces. Les fournisseurs d’accès Internet devront désormais empêcher ces sites (souvent implantés à l’étranger) d’accéder à leurs services. Affaire à suivre donc. n S.G.

précise le Mouvement du Nid dans son rapport d’activité 2015 qui a vu se déve- lopper localement le principe des “sex tours”. Il s’agit de jeunes femmes, hommes ou transsexuels, la plupart du temps d’ori- gines étrangères, tenus par des réseaux. Ils sont régulièrement déplacés de vil- le en ville à travers toute la France. “L’annonce paraît avant même qu’ils ou elles arrivent sur place, on leur don- ne un téléphone prépayé. On arrive à unmode de fonctionnement industriel” , explique Marion Beauvois, la déléguée départementale de l’association. Le problème étant qu’il y a peu de moyens d’actions. “On nous a déjà sollicités en sortie de garde à vue, on leur a fourni une nuit d’hôtel et un billet de train.” Ce phénomène serait largement faci- lité par les hôtels où l’on peut payer automatiquement par carte (sans récep- tionniste) et “aussi fortement encoura- gé et favorisé par certains sites Inter- net” , d’après le Mouvement du Nid. Relativement récent, cet accès sur la

* D’après une étude Prostcost, menée en partenariat avec le Mouvement du Nid et Psytel.

Les annonces locales fleurissent sur certains sites Internet.

l Universitaire

L’équivalent d’un salaire à la fin du mois

Elle suit des cours à la faculté de Besançon, tout en étant escort-girl Lise a trouvé ainsi une façon d’assurer son indépendance financière. Très confidentielle, la prostitution étudiante reste taboue et serait largement sous-évaluée.

S i elle a davantage lieu dans les grandes villes, cette forme de prostitu- tion touche aussi la pro- vince. Et bien que les motiva- tions relèvent généralement plus de l’amélioration du niveau de vie que de la vraie précarité, la paupérisation des étudiants joue bien sûr un rôle. Comme le don- ne justement à voir le filmd’Em- manuelle Bercot, “Mes chères études”, tourné en partie au centre-ville de Besançon et tiré d’un vrai témoignage. On y voit une jeune fille aux prises avec son choix, lourd de conséquences, mais devenu nécessaire pour elle durant cet- te période de vie où on ne touche pas de salaires et où les dépenses peuvent être nombreuses (loge- ment, mutuelle santé, frais d’ins-

cription, transport…) d’autant plus si on n’est pas boursier. Selon les chiffres, le passage par la relation sexuelle tarifée concer- nerait entre 20 000 et 40 000 étudiantes. Pour notre étudian- te bisontine, Lise (prénom d’em- prunt), il en va autrement. La jeune femme, qui a accepté de témoigner sous couvert d’ano- nymat, s’est lancée il y a deux

l’heure et 100 euros la demi-heu- re et ne se considère pas pros- tituée, mais “escort.” “Parfois, on ne fait que parler ou je leur fais des massages.” Le premier contact se fait par téléphone, via une annonce sur Internet, puis c’est elle qui fixe le rendez-vous dans un hôtel. “Je les appelle 30 minutes avant pour leur envoyer l’adresse.” Lise avoue faire très attention au préalable à leur voix, leur attitude et s’intéres- ser à leur profil par mesure de sécurité. Mais la réalité ne correspond pas forcément avec ce qu’elle avait craint ou imaginé. “Je pen- sais les gens moins respectueux et ce métier plus dévalorisant et j’ai au contraire l’impression de leur servir dans leur vie.” La plu- part de ses clients sont des chefs

Lise a en moyenne un client par jour, cinq jours sur sept (photo d’illustration).

ans “pour pouvoir louer un appartement et devenir indépen- dante financière- ment.” Âgée aujour- d’hui de 21 ans, elle connaissait une amie à l’époque “qui le fai- sait et qui gagnait beaucoup d’argent.” Elle facture ses pres- tations 150 euros de

Un rendez- vous par jour.

qui y est contraint.” Lise refuse les jeunes. Elle a en moyenne un rendez-vous par jour, cinq jours sur sept. Ce qui lui per- met de se faire un salaire à la fin dumois “de 1 500-2 000 euros voire plus” , et souhaite conti- nuer jusqu’à la fin de ses études, “car ça m’aide beaucoup.” “Mais je ne pourrais pas et je ne

voudrais pas faire ça toute la journée comme d’autres filles” , concède-t-elle. C’est là que com- mence la dérive à son sens. Luci- de, elle reconnaît enfin et anti- cipe déjà sur le fait que sa future profession ne lui apportera pas une rémunération équivalen- te. n S.G.

d’entreprises, des indépendants, propriétaires de restaurants… Il s’agit souvent d’hommes mariés, entre 30 et 50 ans, qui n’ont plus de rapports sexuels avec leur femme. “Certains préfèrent se tourner vers les étudiantes comme moi pour les aider, plutôt que vers quelqu’un qui se fait maquer et

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