La Presse Bisontine 182 - Décembre 2016

L’ÉVÉNEMENT La Presse Bisontine n° 182 - Décembre 2016 LES NOUVELLES FORMES DE PROSTITUTION À BESANÇON

Alors que la loi en matière de prostitution s’est récemment durcie, le fléau continue à sévir, à Besançon comme ailleurs. À l’occasion de la journée pour l’élimination des vio- lences faites aux femmes, La Presse Bisontine s’est penchée sur ce phénomène en pleine évolution, avec, ici aussi, une nouvelle forme de prostitution qui touche également le milieu étudiant. Deux pages pour comprendre.

l État des lieux Une nouvelle législation pénalise les clients Pourquoi la prostitution a-t-elle encore cours à Besançon ?

Ce 25 novembre célébrera la journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, avec une soirée spéciale organisée la veille au Kursaal autour de la prostitution.

H arcèlements, manipulations psychologiques, agressions physiques… La violence intègre aussi le champ de la prostitution et on a tendance à trop l’oublier malheureusement comme le rappelle la délégation du Doubs du Mouvement du Nid. “Il y a encore beau- coup de méconnaissance à ce sujet” , constate Marion Beauvois, déléguée départementale. “On entend souvent dire que si elles le voulaient, les pros- tituées pourraient faire autre chose, alors que le système prostituteur est beaucoup plus complexe.” En service civique à l’association, Claire Koenig ajoute : “Elles ne sont que l’intermé- diaire entre proxénète et client. Elles ont souvent subi des violences et des manipulations en étant enfants et sont conditionnées par leur passé. Beaucoup, par nécessité, envoient l’argent à leur

se fait par équipe de deux plusieurs soirs par mois et permet “de créer un lien, une parole, une écoute.” L’associa- tion les accompagne aussi sur rendez- vous dans leurs diverses probléma- tiques (accès aux soins, démarches administratives, conseils juridiques…) après une demande personnelle oumise en relation par les travailleurs sociaux. Un difficile travail de prévention s’opè- re parfois face aux préjugés et aux réti- cences même des prostituées. “Les Bul- gares et les Africaines refusent notamment la contraception, car ce n’est pas naturel à leurs yeux et elles croient qu’elles ne pourront plus avoir d’en- fants ou qu’elles vont grossir.” Reste tout un volet d’actions dédié à la sortie de la prostitution et la réinser- tion professionnelle. Trois anciennes prostituées continuent aujourd’hui d’être accompagnées, même si en la matière “on a l’impression parfois de bricoler” , avoueMarionBeauvois. “L’État se décharge vraiment sur les associa- tions, il serait bien qu’on ait plus de moyens.” L’arrivée de la nouvelle législation contre la prostitution début 2016, après deux ans et demi de débats parlemen- taires, devrait toutefois permettre de faire bouger les lignes. C’est en tout cas ce qu’espère l’association. Outre la pénalisation du client (et non plus de la prostituée pour racolage passif com- me jusqu’ici), les femmes qui s’enga- gent à en sortir pourront obtenir un accompagnement social et un titre de séjour de 6 mois. “Un temps qui nous paraît très court, il ne suffit pas de les retirer du trottoir, il y a tout un pro- cessus de reconstruction” , nuance l’as- sociation. Les clients, jusqu’ici ignorés par le sys- tème législatif, devront, eux, s’acquit-

famille restée au pays.” Reconnu d’utilité publique et comme O.N.G. par l’O.N.U., le Mouvement du Nid compte à ce jour 31 délégations en France. Celle duDoubs, installée aujour- d’hui au 2, rue de la Bibliothèque à Besançon, existe depuis 1988 et est

“Nous avons déjà vu une personne enceinte de 7 mois en activité et probable- ment de jeunes mineures parmi la population roumaine avec des papiers falsifiés” note Claire Koenig, du mouvement Le Nid à Besançon.

animée essentiellement par des bénévoles, qui “sont de plus en plus dif- ficiles à trouver”, nous pré- cise-t-on au passage. L’as- sociation de terrain est toujours à la recherche de bonnes volontés. Elle agit auprès des pros- tituées en allant à leur rencontre dans la rue, sur les lieux de rencontre à Besançon, ou bien en les accueillant directement à sa permanence. Le contact

En cas de récidive, des stages de sensi- bilisation.

85 % de prostituées étrangères et de jeunes clients décomplexés “N ous rencontrons majoritairement des personnes originaires d’Europe de l’Est (surtout Bulgares et Roumaines) ou d’Afrique (Nigérianes, Came- rounaises). À Besançon, il y a aussi quelques Françaises qui n’ont jamais appartenu à des réseaux et qui, pour certaines, ont un âge avancé” , constate Marion Beauvois. Ces dernières années, leurs sorties les ont aussi amenés à rencontrer des trans- sexuels et il existerait des lieux de prostitution masculine, connus comme lieux de rencontres gays. Est-ce à dire que le phénomène prend de l’ampleur ? Diffi- cile à dire, “le problème étant qu’un réseau fait place à un autre, même si cer- tains ont été démantelés en 2015-2016.” Du côté de la clientèle, on retrouve à la fois des pères de famille qui “veulent autre chose et dissocient la sexualité des sentiments” , mais aussi de très jeunes clients “à qui on vend partout le corps objet et la satisfaction du plaisir immédiat” , d’après Claire Koenig. n

ter d’une contravention de 1 500 euros qui pourra être portée à 3 500 euros en cas de récidive, assortie d’un stage de sensibilisation à la façon des délin- quants de la route. “Mais on sait déjà qu’il n’y aura pas de chasses aux clients, il ne faut pas se leurrer.” Les chiffres et statistiques autour des affaires de stupéfiants semblant occuper davan- tage les forces de l’ordre d’après les échos de terrain. n S.G.

Une guerre contre les femmes ? C laudine Legardinier, journalis- te, parlera du tort que la pros- titution fait aux femmes lors de la soirée conférence-débat organisée par le Nid, ce 24 novembre au Grand Kursaal, à 20 heures. n

Mouvement du Nid, 2 rue de la Bibliothèque à Besançon. Tél. : 03 81 83 02 03- E-mail : franchecomte-25@mouvementdunid.org

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