La Presse Bisontine 180 - Octobre 2016

ÉCONOMIE 34

La Presse Bisontine n° 180 - Octobre 2016

CRISE HORLOGÈRE Peut-être une opportunité Le franc suisse sauve l’économie du Haut-Doubs L’horlogerie suisse rencontre des difficultés dont les conséquences peuvent déstabiliser le Haut-Doubs. Néanmoins, dans un contexte instable, la C.C.I. du Doubs estime que c’est le moment pour notre territoire de saisir l’oppor- tunité du franc fort pour développer des secteurs comme le tourisme.

L a chambre de commerce et de l’industrie du Doubs (C.C.I.) a mis en place en 2007 un dispositif de sui- vi des effets suisses (D.S.E.S.). Ce service analyse en temps réel la situation duHaut-Doubs fron- talier. Les données ainsi collec- tées permettent d’évaluer les conséquences à court et moyen terme sur l’économie locale, des changements économiques, poli- tiques et juridiques en Suisse voisine. En juin, sur la base des obser- vations fournies par le D.S.E.S., la C.C.I. du Doubs a rendu une étude dont le contenu montre l’évolution de l’économie fron- talière sur les dix années (voir illustrations). Par extrapolation, elle a défini différents scénarios qui anticipent l’impact sur notre territoire des variations pos- sibles de la conjoncture suisse. Premier constat : alors que l’hor- logerie qui emploie un fronta- lier sur deux a connu une crois- sance forte jusqu’en 2014, ses rouages se grippent plus sérieu- sement qu’au moment de la cri- se de 2008-2009. En deux ans, le volume des exportations a reculé de 21,7 % ! Une tendance inquiétante qui met en évidence la fragilité du Haut-Doubs dont la santé dépend en grande partie de l’état de l’industrie horlogère. “On observe que le mécanisme asia-

tique qui tire la croissance de l’horlogerie depuis la dernière crise est rompu. Ce marché montre ses premiers signes de faiblesse. Les Chinois achètent moins et ils sont plus exigeants. 2016 n’est pas une bonne année. Reste à savoir jusqu’à quand cela va durer” remarque la chambre de commerce et de l’in- dustrie du Doubs. Selon la Fédé- ration Patronale Horlogère, la valeur des exportations vers Hong-Kong s’élevait à 375 mil- lions de francs suisses en 2014. Elle est de 175millions en 2016 ! Le marché américain est lui aus- si en recul. Seule l’Europe se maintient. Selon la C.C.I., d’autres ques- tions émergent dans ce contex-

teurs qui pèsent sur ce secteur d’activité, “il y a l’arrivée de la montre connectée, une techno- logie à laquelle les industriels prêtent peu attention pour l’ins- tant. Ajoutons à cela que le port d’une montre n’est pas dans les habitudes des nouvelles géné- rations. Néanmoins, il faut res- ter confiant. À l’évidence, l’hor- logerie est à la fin d’un cycle. Mais elle est en capacité de rebon- dir. Elle l’a déjà prouvé” pour- suit la C.C.I. Au pire, une défaillance notoire de ce secteur aura des conséquences sociales sur notre territoire, consécu- tives à des vagues de licencie- ments dans les usines de l’autre côté de la frontière. Elle aura également des effets sur les mar- chés spécifiques tels que celui de l’immobilier. Le Haut-Doubs n’a donc pas d’autre choix que de s’adapter à une situation dont il ne maî- trise pas les tenants et les abou- tissants. Néanmoins, la chambre de commerce veut tempérer les effets d’une crise horlogère sur notre territoire en s’appuyant sur des éléments objectifs. Tout d’abord si l’horlogerie tous- se, tous les secteurs de l’écono- mie suisse ne connaissent pas les mêmes difficultés que ce fleu- ron industriel cantonné princi- palement aux Montagnes Neu- châteloises. D’ailleurs, le département de l’économie de

Au début de l’été, la C.C.I. a présenté les résultats de son étude “10 ans d’économie frontalière, observer pour agir.”

la Confédération relève dans sa dernière enquête de conjonctu- re que “l’économie suisse amain- tenant réussi, dans une certai- ne mesure, à surmonter les effets inhibiteurs du franc fort et qu’il est désormais possible d’envi- sager les perspectives de crois- sance avec une relative confian- ce.” Ce service précise encore que “le chômage devrait conti- nuer d’augmenter légèrement au cours des mois à venir, tan- dis qu’une reprise conjoncturelle, l’an prochain, devrait gagner peu à peu le marché du travail. Le groupe d’experts s’attend à un taux de chômage annuel moyen de 3,6 % en 2016 et, pour 2017, à son léger recul sur une valeur de 3,5 % en moyenne annuelle.” Bref, la Suisse flirte encore avec

le plein-emploi. Un résultat inat- tendu car on pouvait s’attendre à un déraillement de son éco- nomie tournée vers l’exporta- tion, conséquence justement de son franc fort. L’économie hel- vétique a une capacité de rési- lience que la France n’a pas. Elle repose “sur la souplesse et notre marché de l’emploi et sur notre capacité à innover” résume Mat- thieuAubert, de la chambre neu- châteloise de commerce et de l’industrie. Selon la C.C.I., le Haut-Doubs tire profit de ce contexte moné- taire qui, pour commencer, valo- rise la rémunération des fron- taliers. Ce n’est pas tout. “Il faut être pro-actif dans cette situa- tion. À cause du franc fort, la clientèle suisse a encore plus intérêt à venir consommer en

France. Les commerces de la ban- de frontalière peuvent aller cher- cher plus encore ce potentiel de clients. Les Suisses peuvent com- penser la retenue des consom- mateurs frontaliers qui ont ten- dance à être plus prudents dans leurs achats, conséquence d’un contexte qui les inquiète.” Ce franc fort qui est dévasta- teur pour les commerces hel- vétiques, est une aubaine pour le Haut-Doubs. L’appréciation de la monnaie suisse par rap- port à l’euro serait même, selon la C.C.I., une opportunité pour développer d’autres secteurs qui ont été négligés jusqu’à présent tels que le tourisme. Le poten- tiel de cette économie reste à exploiter sur la bande fronta- lière. n T.C.

te qui oblige l’horlogerie à se remettre en cause. “Il y a eu beaucoup d’investisse- ments dans l’outil de pro- duction ces dernières années. Cet outil est tou- jours là mais il produit trop !” Il serait en sur- capacité de 40 % ! Parmi les autres fac-

“La clientèle suisse a encore plus intérêt à venir consommer.”

SUISSE

302 200 frontaliers L’emploi frontalier au ralenti

A u second trimestre 2016, la Suis- se comptait 308 200 frontaliers, soit 3,3 % de plus qu’à la même période de l’année précédente, c’est-à- dire 10 000 travailleurs frontaliers. Il faut remonter en 2009 pour trouver un taux inférieur à 4 %. On est loin de l’afflux enregistré en 2012 avec des taux à plus de 7 %. Les Français arri- vent toujours en tête avec 168 138 fron- taliers (55 %), loin devant l’Italie (22 %) et l’Allemagne (19 %). La Haute-Savoie se taille la part du lion avec 73 400 titulaires d’un permis G contre 22 000 dans l’Ain. Le Haut-Rhin en compte 34 000 et la Franche-Comté 32 400, dont 24 000 dans le Doubs, 5 700 dans le Jura et 28 000 dans le Territoire de Belfort. Au total, le nombre de fron- taliers a augmenté de 47 000 personnes depuis cinq ans. Si l’on excepte la Suis- se centrale et Zürich qui progressent respectivement de 15,8 % et 6,8 % par rapport au second trimestre 2015, c’est l’Arc lémanique qui reste la région la plus attractive en accueillant aussi plus du tiers de tous les frontaliers en Suisse. Un des facteurs explicatifs de cette dynamique réside dans l’envol des loyers dans la capitale genevoise qui

Pour la première fois depuis 2009, le recrutement de nou- veaux frontaliers en Suisse s’infléchit au second trimestre 2016 et passe sous la barre des 4 %. Temporisation.

incite de nombreux habitants suisses ou étrangers à venir s’établir de l’autre côté de la frontière. Le Tessin compte 62 409 “frontalieri”, soit près d’un quart du contingent national mais cet effec- tif est en perte de vitesse pour la qua- trième fois consécutive. La baisse est de 0,6 % à fin juin 2016. L’espace Mit- telland est quant à lui en recul de 1,1 %. Regroupant les cantons de Berne, Fri- bourg, Neuchâtel, Soleure et du Jura,

cette région compte désormais 24 177 frontaliers. Les statistiques publiées en août par l’office fédéral de la statistique indi- quent que la plupart des recrutements concernent le secteur des services qui emploie près de 200 000 frontaliers contre 106 517 dans le secteur secon- daire (industrie) et 1 885 pour le sec- teur primaire (agriculture). n

L’évolution du nombre de frontaliers sur 15 ans.

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