La Presse Bisontine 180 - Octobre 2016

LE GRAND BESANÇON

27 La Presse Bisontine n° 180 - Octobre 2016

Après le plombier, le transporteur polonais Les camionnettes de moins de 3,5 tonnes conduites par des chauffeurs des pays de l’Est échappent aux contrôles des temps de conduite. Leur passage à Besançon via la R.N. 83 explose, posant des questions de sécurité, de droit du travail, de concurrence. TRANSPORT Concurrence déloyale

Comme un pied de nez, cette camionnette polonaise livre une usine bisontine… en face des bureaux de la F.N.T.R. qui dénonce cette concurrence déloyale.

L eur nombre ne cesse d’augmen- ter mais paradoxalement, ils se font discrets sous leur bâche blanche (ou grise) vierge de tou- te publicité. Sans doute les avez-vous déjà aperçus. Qui ? Les véhicules uti- litaires légers (V.U.L.), des camion- nettes de grandes tailles, souvent en bon état d’ailleurs, immatriculées dans les pays de l’Est, enmajorité la Pologne mais aussi la Roumanie, la Tchéquie, la Lituanie. À n’importe quelle heure de la jour- née, de la nuit, du lundi au dimanche, vous en croiserez sur le boulevard Blum à Besançon, la R.N. 83 à Larnod ou à Novillars pour ceux qui prennent la direction de la vallée du Doubs, ou à Saint-Vit. “Ils font souvent le trajet de l’Est de l’Europe pour rejoindre la val- lée du Rhône et passent par le Doubs” constate la F.N.T.R., fédération des transporteurs routiers de Franche-

Bourgogne-Franche-Comté, direction qui contrôle ce secteur. “Certains condui- sent jusqu’à 20 heures de suite !” déplo- re un professionnel. En revanche, ils sont soumis à un poids maximal de 3,5 tonnes. Les surcharges ne sont pas rares. La D.R.E.A.L. veille et verbali- se les dépassements. Selon un rapport national édité en 2016, il y aurait 8V.U.L. pour 100 poids lourds “sauf que lorsque vous êtes sur la route, ce n’est pas ce que l’on voit. Le problème va en s’amplifiant” constate Bernard Iehl, responsable des trans- ports du même nom et président de la F.N.T.R. La France a depuis belle luret- te perdu le monopole du transport à l’international. Faute de compétitivi- té, ces entreprises perdent cette fois les marchés locaux. La journée, ou la nuit, ces routiers de l’Est s’arrêtent quelques heures sur des parkings comme celui de Carre- four-Chalezeule. Ils sortent leur réchaud à gaz, ouvrent une boîte de conserve et discutent avec d’autres compères souvent de même nationalité. C’est ce que nous avons constaté ce samedi matin de septembre sur un parking bisontin. Quand ils ont la chance d’avoir une cabine, ils dorment dans celle-ci. Les autres se posent sur la banquette. Sacré confort ! Que transportent-ils ? “Le plus souvent, ce sont des pièces à destination de l’industrie automobile mais pas seulement” répond Jonathan Marin, délégué régional F.N.T.R. Pour cette fédération, qui ne cesse de demander une législation européen- ne en la matière, ces “petits camions” sont vécus comme une concurrence déloyale. Ils posent la question des conditions de travail. Ils sont un non- sens écologique : “Au lieu d’utiliser un poids lourd de 44 tonnes, les affréteurs préfèrent utiliser 7 petits camions car cela coûte moins cher…” explique Jona- than Marin, spécialiste juridique. “Le transport d’une palette Besançon- Rennes coûte environ 150 euros. En passant par ce réseau, vous paierez 50 euros” annonce un transporteur. Une forme d’hypocrisie fonctionne dans le métier : ces transporteurs de l’Est arrangent les commissionnaires de transport qui maintiennent leurs marges. “Pour résoudre le problème, il faut imposer le chronotachygraphe à tous les V.U.L. qui font du transport à compte d’autrui” réclame Bernard Iehl. Il s’est rendu à Bruxelles pour plai- der cette cause. Le salaire du routier, il est payé par rapport à son pays d’origine, soit envi- ron 500 euros par mois pour un chauf- feur polonais. Cela a pourtant évolué depuis juillet grâce à la loi Macron : la France vient d’imposer par la voix de son secrétai- re d’État aux Transports, et contre l’avis de la Commission européenne, de payer au minimum au S.M.I.C. les chauffeurs roulant en France. L’Alle- magne et l’Italie ont déjà pris cette mesure. Ce qui n’est pas du goût des pays de l’Est. Il demeure un vide juridique soulevé par les professionnels : les entreprises françaises qui passent commande à ces transporteurs roumains ou polo-

Zoom Larnod veut dire stop aux poids lourds S i la demande paraît incongrue, elle met en exergue le ras-le- bol des riverains. Larnod a fait des demandes auprès de la Préfec- ture pour demander l’arrêt du transit des poids lourds sur la R.N. 83. La commune, comme celle de Beure, dénonce un trafic toujours plus impor- tant de poids lourds et véhicules uti- litaires qui utilisent cet axe afin d’évi- ter les péages autoroutiers. n

nais doivent s’assurer que le chauf- feur est bien rémunéré au S.M.I.C. français, au risque d’être amendés. “Comment faire ? , interroge la F.N.T.R.. Encore faut-il savoir lire un contrat de travail en polonais. Et si on refuse la marchandise, que dira notre client ?” Bref, ce n’est pas si simple. “On sou- haite que la règle de cabotage diminue, c’est-à-dire qu’un transporteur des pays de l’Est ne puisse plus transiter 7 jours en France avant de repasser la fron- tière, mais 3 jours seulement” poursuit la fédération. En cas de non-respect du cabotage, le contrevenant s’expose à une amende pouvant monter à 1 125 euros. Les contrôles quant aux risques d’ac- cidents, eux, sont quasiment impos-

sibles : “Si on constate que quelqu’un est très fatigué, on peut consulter sa feuille de route” dit la D.R.E.A.L. Mais il s’agit en fait d’un simple carnet (com- me cela se faisait il y a 40 ans) sur lequel le conducteur écrit ce qu’il veut. À la limite entre le Doubs et le Jura, un contrôle de gendarmerie réalisé mi- septembre a permis de verbaliser 2 V.U.L. roulant à tombeau ouvert. L’un d’eux avait d’ailleurs doublé sur une ligne blanche. La profession françai- se assure ne pas vouloir stigmatiser ces salariés, bien souvent exploités. Elle souhaite simplement une har- monisation des règles. Pendant ce temps, les V.U.L. avalent les kilo- mètres… n E.Ch.

Comté basée à École- Valentin qui représente 964 entreprises de trans- port en région, 434 dans le Doubs. 6 476 hommes et 879 femmes sont sala- riés en région dans ce sec- teur, chiffre en baisse après les nombreuses défaillances d’entreprises. La fédération ne cesse de déplorer cette concur- rence déloyale. Les camionnettes ne dispo- sent pas de chrono-tachy- graphe, un appareil de mesure du temps de conduite et de la vitesse. “Ils échappent effective- ment à ces contrôles et peuvent rouler le dimanche” admet Olivier Thirion, chef adjoint au servicemobilités et trans- ports à la D.R.E.A.L. de

50 euros au lieu de 150 pour un Besançon- Rennes.

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