La Presse Bisontine 180 - Octobre 2016

20 DOSSIER I

La Presse Bisontine n° 180 - Octobre 2016

l Dynamisme Les transactions commerciales Il y a l’avant et l’après-tram Les travaux du tramway de Besançon ont profondément bouleversé l’équilibre commercial du centre-ville. La bonne marche des affaires ne va pas forcément de pair avec celle du tram.

Dans le haut de la Grande

rue, les valeurs locatives peuvent grimper jusqu’à

C Ce commerçant peut nour- rir des regrets. En 2009, il achète un pas-de-porte dans la Grande rue. Tarif de la transaction : 270 000 euros. Six ans après, les affaires n’ayant pas forcément prospéré comme il le sou- haitait, il se résout à revendre son affaire. Mais avec des prétentions for- tement revues à la baisse : il trouve- ra un acquéreur au prix de… 150 000 euros. “Les investisseurs ne sont plus prêts à mettre des sommes folles dans un commerce à Besançon. Le tram n’a rien changé, il ne trans- porte pas des habitants de Châtillon- le-Duc ou d’École-Valentin, mais de Planoise…” Ce jugement radical d’un expert bisontin en immobilier com- mercial reflète néanmoins le senti- ment général : oui le tram a embelli la ville et l’a rendue plus attractive, mais non, le tram n’a pas boosté le

commerce de centre-ville. “Des por- tions du centre comme le haut de la Grande rue et de la rue des Granges commencent eux aussi à souffrir” ajou- te Philippe Zollet, responsable de l’im- mobilier commercial chez Square Habi- tat. “Des enseignes nationales ont décalé leurs investissements sur Besançon justement à cause des travaux du tram. Ces enseignes nationales nous sollici-

800 euros hors taxes le m 2 par an.

facilement rentables. “En plus, les copropriétaires ne sont plus trop d’ac- cord pour casser les murs.” Les secteurs piétons du centre-ville restent les plus prisés avec des valeurs locatives (un mix entre loyer et droit au bail) à partir de 450 euros le m 2 hors taxes par an. Dans ce secteur (notamment le bas de la Grande rue), les prix peuvent grimper jusqu’à 700 ou 800 le m 2 . Dans les secteurs non piétons, les tarifs se situent entre 200 et 450 euros. Avec la crise ressentie depuis 2009, conjuguée aux travaux du tram, les loyers commerciaux ont commencé à plafonner à Besançon. Dans les quartiers périphériques de

la ville comme les Chaprais ou Saint- Ferjeux, les prix tombent à 150 euros le m 2 . De manière générale, les travaux du tram, conjugués à la crise économique, ont eu pour effet d’assainir le marché local de l’immobilier commercial. Cer- tains propriétaires, parfois trop gour- mands, ont compris qu’il valait mieux baisser ses prétentions et trouver un locataire qui reste plutôt que d’as- phyxier les exploitants avec des loyers hors de prix. “Cette période qui s’étend de 2009 à 2015 a eu un avantage, celui de remettre de l’ordre dans les prix” ajoute Annie Courbet. n J.-F.H.

2009. “Les droits au bail que l’on ven- dait entre 250 000 et 300 000 euros pour un commerce de 80 m 2 sont tom- bés à 150 000 euros” confirme Annie Courbet. “Des droits au bail partent désormais à 50 000, voire 30 000 euros suite à des liquidations. La chute a été moins vertigineuse sur les plus grandes superficies.” Les travaux du tram ne sont évidemment pas les seules expli- cations à ce marasme, la crise est pas- sée par là.Autre difficulté pour le dyna- misme commercial du centre-ville : la prédominance de très petites surfaces (autour de 50 m 2 ), aux arrière-bou- tiques souvent vétustes, qui, au regard des loyers payés, ne sont pas toujours

tent à nouveau, non pas que le tram ait dynami- sé la fréquentation com- merciale mais parce que la ville a repris un ryth- me normal” nuance Annie Courbet de l’agen- ce éponyme, spécialisée elle aussi dans l’immo- bilier commercial. De manière générale, les prix ont chuté d’environ 30 % à Besançon depuis

Des droits au bail divisés par deux.

Ils ne sont plus qu’une poignée de commerçants à le faire vivre. Le Centre Saint-Pierre sonne creux. L’opération sauvetage est tombée à l’eau. “Le Centre Saint-Pierre va mourir pendant encore 20 ans” l Centre commercial Verrue

Le taux de vacance s’établit à 6,89 % à Besançon, contre 8,5 % de moyenne en France. Principaux points noirs : Battant et la rue de la République, dont le Centre Saint-Pierre, désespérément vide. 86 locaux commerciaux vides au centre-ville l État des lieux Vacance locative

S ur l’une des portes d’en- trée du centre commer- cial Saint-Pierre, une affiche placardée rap- pelle aux propriétaires de bien fermer la porte derrière eux. Une autre réclame aux déten- teurs de clés ou de badges de se faire connaître… auprès de l’administrateur provisoire, un mandataire judiciaire basé à Dijon. De “centre commercial”, le Saint- Pierre n’en a même plus le nom après que la pancarte d’entrée a été déboulonnée il y a trois ans. Triste sort pour cet espa- ce situé à l’angle de l’avenue Gaulard et rue de la République, jadis animé avec ses commerces, son café et son restaurant. Il n’est que l’ombre de lui-même. Un coiffeur, une association, une épicerie, la boutique Gin- ko au rez-de-chaussée, et quelques bureaux de banque ou intérim occupent les lieux. Mais ils se sentent bien seuls dans ces 3 000m 2 quasi déserts. C’est presque glauque. D’ailleurs, les rares personnes qui rentrent à l’intérieur se per- dent. Après tant d’années sans une once de modernité apportée à l’édifice, la destinée du site (pri- vé) devait évoluer après que le conseil syndical du bâtiment soit parvenu à évincer le syn- dic qui gérait l’établissement composé de 14 appartements, 60 bureaux et commerces et 70

cellules au rez-de-chaussée. Il y a peu, l’un de ces proprié- taires pensait redonner au site ses lettres de noblesse. Chris- tophe Pérez avait en effet débu- té par la rénovation d’une par- tie du premier étage pour louer des cellules. Il avait également remis à neuf le troisième éta- ge. Certains des locaux ont trou- vé preneurs. Aujourd’hui, l’in- vestisseur a baissé les bras : “J’ai commencé par faire des acquisitions mais c’est un sac de nœuds. Je laisse tomber” lâche-t-il. L’homme avait pour- tant un projet ficelé : “Je vou- lais créer un centre médical en regroupant de nombreuses acti- vités et en leur proposant des locaux adaptés.” Finalement, le projet est mort-né. La faute - notamment - à des charges bien trop élevées selon lui et à

la réticence de certains pro- priétaires : “Il est demandé 1 500 euros de charges par cel- lule ! C’est trop” explique ce der- nier qui a depuis revendu quelques cellules. Le Centre Saint-Pierre espé- rait également un coup de pou- ce du Grand Besançon ou de la Ville : “Un temps, il y a eu des pourparlers pour créer la mai- son des Mobilités” évoque une source proche du dossier. Fina- lement, cette maison des Mobi- lités se réalisera dans le nou- vel espace Saint-Jacques à Besançon. Bref, c’est encore raté pour Saint-Pierre qui, malgré son emplacement, n’attire pas. La verrue d’entrée de centre- ville “va mourir pendant enco- re 20 ans” déplore Christophe Pérez. Triste agonie. n E.Ch.

La rue Battant

compte à elle seule plus de la moitié des cellules vides du centre- ville.

S ur les 1 248 cellules commerciales que compte le centre-ville de Besançon (Boucle et Battant), 86 étaient vides lors du dernier pointage en fin d’année der- nière. Rien que dans le quartier Battant, on comptait quelque 44 cellules vacantes, soit plus de la moitié de toute la vacance du centre de Besançon (51 %). Pas moins de 15 enseignes vides rue Battant, 10 rue d’Arènes et 7 rue de laMadeleine. La rue de la République concentre également un fort taux de vacance avec 19 cel- lules vides, dont 17 au Centre Saint-Pierre (lire par ailleurs) qui s’enfonce d’année en année dans un marasme bientôt proche du chaos total. Pourtant, ce n’est pas le prix qui rebute les éventuels locataires, rue Battant notamment.

Exemple avec ce local commercial de 60 m 2 , comprenant un premier étage de 65 m 2 et une cave de 5 m 2 . À 83 euros hors taxes du mètre carré par an, il n’a toujours pas trouvé preneur.

Un peu plus haut dans la rue, ce local qui abritait un magasin à l’enseigne “Chez elle” : la surfa- ce de 100 m 2 est louée 48 euros le mètre carré par an. Toujours pas de repreneur. À la vente, les commerçants intéressés peuvent trouver des locaux à moins de 50 000 euros comme cette autre surface en haut de la rue Bat- tant. n J.-F.H.

Des locaux à moins de 50 000 euros.

Un investisseur privé voulait créer un espace santé dans le centre Saint-Pierre. Il s’est ravisé… La majorité des cellules sont vides.

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