La Presse Bisontine 175 - Avril 2016

BESANÇON 18

La Presse Bisontine n° 175 - Avril 2016

CITADELLE Un plongeon 57 ans en arrière Les pionniers de la Citadelle André Falque a dirigé de 1960 à 1986 les aménagements de la Citadelle et créé le zoo. Les époux Pointurier ont gardé le site dès 1959 et donné le biberon aux lionceaux et aux tigres. Les deux familles se souviennent.

Fille et épouse d’André Falque, Claudine et Jeannine ressortent des cartons une image aérienne de la Citadelle des années soixante-dix.

I ls n’ont jamais témoigné. Par pudeur et parce que beau- coup “se sont approprié le lieu.” Pourtant, les familles Falque et Pointurier en savent plus que quiconque sur la trans- formation de la Citadelle de fort militaire en jardin zoologique. Le 15 mai 1959, Roger Pointu- rier - décédé le 25 mars 2006 - était là lorsque l’armée a remis les clefs du fort à Jean Minjoz alors maire de Besançon. Lui et sa femme Andrée ont habité 22 ans le fort. Chargés au départ du gardiennage, ils sont deve- nus dès 1962 les “soigneurs” attitrés des animaux. Le pre- mier pensionnaire de la Cita- delle fut un lama. Suivirent un sanglier, un blaireau, des bisons, un ours à col blanc acheté en Suisse… et un lion dont le pre- mier box fut la tour de la Rei- ne ! Offert par la famille Che- vreux de Besançon au début des années soixante parce que l’animal était devenu trop enva- hissant, le lion apprivoisé est arrivé plus tôt que prévu. “Mon père ne savait pas trop comment faire car les ouvriers n’avaient

pas terminé les cages. Le lion a hurlé… Mais il a ensuite noué une véritable complicité avec papa. Dès qu’il entendait sa 2 CV camionnette monter à la Cita- delle, il se mettait devant la cage” se souvient Claudine, fille d’André Falque, référent de la Citadelle pour la Ville. Madeleine Pointurier, arrivée à l’âge de 15 ans à la Citadelle, n’a rien oublié des 22 ans pas- sés dans l’enceinte. “Enfermée” avec son jeune frère Jean dans les murailles, elle mesure sa chance d’avoir vécu là-bas : “J’en

plie de broussailles” dit la retrai- tée demeurant à Torpes. La sep- tuagénaire n’a jamais remis les pieds là-bas. “On m’a dit que ça a bien changé… J’ai voulu gar- der la mémoire d’un site fami- lial où l’on côtoyait le personnel de l’O.R.T.F. (office de radiodif- fusion télévision française).” Claudine et Jeannine Falque ont elles aussi d’innombrables souvenirs du site. Employé au service architecture de Besan- çon, André Falque a été embau- ché en 1960 pour créer le zoo sous l’ordre du patron de l’époque : Jean Minjoz, et de l’adjoint Raymond Vauthier. À l’époque, il fallait savoir tout faire. Décédé il y a 11 ans,André Falque - comme les époux Poin- turier - a consacré beaucoup de son temps à la Citadelle. “Il

té des livres pourme documenter, et j’ai consacré mes loisirs à visi- ter des zoos” rappelait Roger Pointurier lors de son pot de départ de la Citadelle, le 27 mai 1981. Une réunion au cours de laquelle JeanMinjoz (qui n’était plus maire depuis 3 ans) a témoi- gné : “Je ne suis plus maire mais il faut apprécier la présence acti- ve de Monsieur et Madame Poin- turier…Après avoir débuté avec quelques bêtes seulement (puis 250 espèces en 1981), notre zoo est un des plus appréciés dans notre Franche-Comté et dans la France.” Aujourd’hui, la Citadelle accueille 280 000 personnes par an, emploie 100 agents répar- tis dans 15 métiers différents. Un autre univers. E.Ch.

vivait la Citadelle, résume sa fille. Il nous arrivait de partir de vacances…Mais c’était pour visiter un zoo. ÀMonaco, il nous avait plantés avec ma mère devant l’aquarium. Il est allé prendre des notes car il voulait en faire un à Besançon.” Rentré dans la capitale com- toise, il créera un premier bas- sin. Pour l’empoissonner, il pêchait à Chassey-les-Montbo- zon des tanches, brèmes, gar- dons… “Pour nourrir les pois- sons, deux têtes de mouton avaient été placées dans un coin de la Citadelle. Les asticots étaient récupérés et donnés aux poissons !” ajoute Claudine Falque. Jeannine, sa maman, acquiesce et rappelle que son mari a remis sur pied la cha- pelle alors en ruine. “Nous avions

visité des chapelles à Saint-Jean- de-Luz, Milan et Rome, pour savoir comment refaire à l’identique. On a voyagé…Mais ce n’était jamais au frais de la municipalité” précise-t-elle. C’était le système D. Personne ne s’en plaignait. La Citadelle, au départ, ressemblait d’ailleurs plus à une fourrière animale qu’un véritable zoo : “On nous avait apporté une couleuvre retrouvée dans un appartement de Palente” témoigne Madelei- ne Pointurier. Ce n’est que bien plus tard qu’un conservateur du musée zoologique est arrivé (Monsieur Ledoux). Sur place, il n’y avait pas de vétérinaire comme c’est le cas aujourd’hui. Il fallait appeler un cabinet (aujourd’hui disparu) situé vers le pont de la Gibelotte.“J’ai ache-

garde des souvenirs merveilleux comme donner le biberon donné aux lionceaux Oboz et Yago dans la salle à manger. C’était notre vie la Citadelle. On vivait au-dessus du porche d’entrée dans l’ancienne infirme- rie du fort militaire. Au tout début, nous n’avions même pas l’eau courante… La Citadelle était rem-

“En vacances, on visitait des zoos.”

Les éléphants arrivent en train Des singes qui s’échappent, deux éléphants qui rejoignent la Citadelle à pied depuis la gare, ou un lion sur la banquette arrière de la 205… Voici quelques souvenirs croustillants. Anecdotes

Autruches sur l’autoroute André Falque et Paul Humbert se ren- dent à Valence pour acquérir des autruches. Au retour, la camionnette de la Ville tombe en panne sur lʼautoroute. André va acheter des salades et sort les animaux (qui doivent se tenir debout). Pendant ce temps, Paul Humbert cana- lise les touristes qui se stationnent sur les deux voies pour assister à ce spec- tacle improvisé. Lion dans la voiture Un jeune lion sʼennuyait. Les gardiens ont fait le voyage jusquʼà Paris pour le conduire vers dʼautres félins à Paris. “Il était installé sur la banquette arrière de notre voiture, une 205” se souvient Made- leine Pointurier.

Premier animal Ce fut un lama livré par le zoo de La Chaux-de-Fonds (Suisse) dans un Land Rover. Puis arrivèrent un sanglier et des panthères acquises à Orléans. Lion Le premier lion à la Citadelle est celui de la famille Chevreux de Besançon. Il sera installé dans la tour de la Reine de la Citadelle le temps que son enclos soit terminé.

Singes fugueurs Quelques minutes après les avoir pla- cés dans leurs cages, les singes sʼéchappent. Ils seront retrouvés à Pier- refontaine-les-Varans et Sancey-le-Grand. Éléphants La Ville achète deux éléphanteaux au cirque Jean Richard à Paris. Arrivés en train gare Viotte, ils rejoindront la Citadelle à pied. En 1986, date du départ dʼAndré Falque, ils étaient âgés de 19 ans.

Roger Pointurier ouvrait et fermait chaque jour les portes de la Citadelle. Le soir, sa journée n’était pas finie. Il tient un faon. Le tigre sent la main du gardien. Aujourd’hui, de grandes murailles sépa- rent les félins des visi- teurs. Sécurité oblige. Claudine Falque a retrou- vé des images inédites du zoo dans les années soixante-dix filmées par André, son père.

Andrée Pointurier, épouse du gardien, donne le biberon à un jeune tigre rejeté par sa mère. André Falque sert la main de François Mitterrand le 30 mars 1987 lors de l’inauguration du musée de la Résistance et de la Déportation. À gauche : Denise Lorach.

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