La Presse Bisontine 174 - Mars 2016

ÉCONOMIE 34

La Presse Bisontine n° 174 - Mars 2016

FILIÈRE

4,50 euros le kg Le poids de la viande comtoise, une

30 % de la viande abattue et transformée à Besançon provient de Franche-Comté. Organisée, la filière est confrontée à un marché tendu malgré un produit de qualité. Agriculteurs ou transformateurs doivent relever le défi de la compétitivité.

A près le fameux “Mangez des pommes”, l’agriculture loca- le tient son slogan : “Mangez du bœuf comtois”, une vian- de de qualité, produite par La filière franc-comtoise en chiffres 7 300 élevages dʼanimaux herbivores 11 200 personnes travaillant dans ces élevages dont 1 100 salariés 618 000 bovins dont 252 000 vaches (2013) 600 000 hectares destinés à la produc- tion dʼherbe et de fourrage pour lʼhiver, dont 70 % toujours en herbe. Une faible densi- té dʼanimaux par unité de surface. 2 races principales : la montbéliarde et la charolaise. Cʼest 2,5 % de la viande française pro- duite 5 abattoirs multi-espèces et 2 exclusi- vement porcins 62 établissements de transformation de la viande et de préparation de produits à base de viande. 240 artisans-bouchers (480 salariés) 20 000 emplois à pourvoir en France dʼici à 2018

pressibles et des charges toujours plus élevées. Le consommateur, lui, voit la facture de son bifteck croître… Qui dit vrai ? “Le prix du kg de viande n’a pas bougé depuis 20 ans (environ 4,50 euros le kg et 3,70 euros du kg pour une vache de réforme début janvier) alors que nos coûts de production ont explosé de près de 20 %” regrette Régis Seguin, éleveur de charolais à Mercey-le-Grand. À l’abattoir de Besançon, on rappelle que sur un bœuf pesant 740 kg dans le pré, l’usine n’en retire que “269 kg en viande nette commercialisable.” Que devient le reste ? Une partie part en produits tripiers, la peau est par exemple vendue à des tanneurs italiens, les abats mis à part et revendus, d’autres matières servent à la confection de pro- duits cosmétiques. Peu de choses se perdent. “Mais il y a bien sûr une par- tie qui part à l’équarrissage” témoigne le directeur. L’an dernier, l’abattoir a dû supporter un surcoût de 300 000 euros pour l’équarrissage sans avoir produit davantage. À cela il convient d’ajouter les frais de fonction- nement liés à la réfrigération des pièces et à la demande toujours plus forte en bifteck au détriment d’autres produits qu’il faut pourtant bien écouler. Voilà autant d’arguments soulevés par les transformateurs pour rappeler qu’ils ne sont pas les “vilains” canards de la filière s’engraissant sur le dos des exploi- tants. Eux aussi subissent la pression des distributeurs qui réclament encore sable de l’abattoir. Du début à la fin de la chaîne, chacun des 29 salariés que compte l’abattoir a une tâche à exécuter. Problème : l’abat- toir recherche - désespérément - de la main-d'œuvre, qualifiée ou non. “Nous sommes prêts à embaucher et former… Dernièrement, sur 15 personnes formées, 6 sont restées. Nous avons recours à de la main-d'œuvre étrangère pour com- penser le déficit” commente le directeur du site. Si le métier est peut-être moins attirant qu’un autre, il offre selon la direction de vrais débouchés. “D’ici 2028, ce seront 20 000 postes dans la viande qui seront à pourvoir” poursuit Claude Cornu, ani- mateur de l’Interprofession bétail et viande en Franche-Comté présidée par Michel Renevier. Un salarié sans expé- rience est embauché au S.M.I.C. La société Belot S.A., entreprise fami- liale fondée en 1937 et revendue en 2011 à Franche-Comté Élevage dresse lemême constat sur la main-d'œuvre. Elle par- tage ses murs avec l’abattoir mais son rôle est différent : elle découpe les viandes, les transforme, les stocke, les commer- cialise puis les livre à des collectivités ou des grossistes. “Par le passé, il arri- vait que l’hôpital de Besançon nous com- mande deux bœufs, à l’époque où il avait un boucher” se souvient Guy Belot, fon- dateur de la société du même nom. Sur une des deux chaînes de découpe, une partie des viandes est d’ailleurs décou- pée par une société externe.

des éleveurs conscien- cieux. Chez nous, la filière “viande” repré- sente 2,5 % de la pro- duction nationale. C’est marginal comparé au lait. Et pourtant, éle- veurs, marchands de bestiaux, abattoirs, sociétés de découpe, grossistes, boucheries- charcuteries artisa- nales, grandes et moyennes surfaces,

Un surcoût de 300 000 euros pour l’équarrissage.

vivent de cette économie. “Pour avoir une filière dynamique, il faut des acteurs dynamiques. Il faut se réapproprier le marché” déclare Claude Cornu, anima- teur de l’interprofession bétail et vian- de (InterBev) de Franche-Comté. L’organisme organise du 21 au 25 mai prochains les rencontres “Made in Vian- de”. Objectif : ouvrir les portes des fermes, des boucheries, des usines de transfor- mation. “On est transparents. On veut montrer comment nous travaillons. Nous n’avons rien à cacher” assure Benoît Lefez, directeur de la société Belot S.A. et de l’abattoir de Besançon. Plus qu’ailleurs, le professionnel sait que les consommateurs sont attachés à la tra- çabilité, au bien-être animal. Mais lorsqu’on dirige une industrie, la compétitivité est de mise. Le contexte économique n’est pas simple. Les agri- culteurs déplorent des prix toujours plus bas. L’abattoir évoque des coûts incom-

des baisses de prix. Les négociations commerciales au niveau national, pré- vues le 29 février entre les industriels et les fournisseurs, promettent d’être tendues. E.Ch.

MERCEY-LE-GRAND Éleveurs

ABATTOIR

Du travail, mais… Abattoir recherche main-d’œuvre Le site de Besançon

Stéphane et Régis Seguin élèvent et

La S.A. Belot (65 salariés) est leader dans la commercialisation de bœuf de qualité, veau, agneau et porc auprès des grands distributeurs de la région. L’es- sentiel de cette viande est issu d’ex- ploitations agricoles locales et fournie par la coopérative de Franche-Comté. En majorité, des hommes travaillent ici. Pas simple de déplacer une épaule de charolais de plusieurs dizaines de kilos jusqu’à la table de découpe. Si l’entreprise investit dans des équi- pements techniques pour améliorer les conditions de travail, des troubles mus- culo-squelettiques naissent en fin de carrière. En revanche, très peu d’acci- dents liés à une lame de couteau arri- vée trop près d’un bras. Les salariés sont protégés. De la réception des animaux dans la bouverie à leur abattage et jus- qu’à leur découpe, la chaîne est parfai- tement huilée. Dans l’abattage, “il exis- te une prise en compte du bien-être animal” déclare l’entreprise. L’inverse eut été surprenant. familiaux ou dʼurgence. Des journées sont réservées à ce genre dʼabattage. Sont également organisés les abat- tages rituels. Le site est agréé pour pratiquer le sacrifice selon les rites isla- mique ou israélite. Un piège spécifique est utilisé dans ces cas. Hallal et casher ? Lʼ une des missions de lʼabattoir de Besançon est de maintenir le service public des abattages

L e troupeaude charolais attend, patiemment, la fin de l’hiver dans la stabulation de la G.A.E.C. des Grémonts, àMercey- le-Grand. Bientôt, ce sera l’heure de retrouver les 180 hectares de pâtures vertes. Pour Stéphane et Régis Seguin,la période des vêlages se termine. Elle s’est bien passée. Sur 170 naissances, seulement 5 ont nécessité le recours à un vété- rinaire pour une césarienne. C’est la preuve que les Seguin surveillent leur troupeau. Et que ce dernier se sent bien. Pour autant, la G.A.E.C. doit relever un véritable enjeu commercial depuis peu : limiter aumaximum les dépenses dans un contexte économique deve- nu tendu. Car qui dit soins vétérinaires, dit facture. Le sauvetage d’un veau équivaut à sa vente pour l’abat- toir, environ 300 euros. Cela n’a rien d’une paille. Au contraire : “En six mois, nous nous sommes versé 500 euros de salaire chacun. engraissent un troupeau de 490 charolais. Depuis 2014, ils ne vivent plus de leur activité malgré une viande de qualité. Un paradoxe. À qui la faute ?

industrie” assure Benoît Lefez, direc- teur de la Société bisontine d’abattage et de Belot S.A. Ici, zone industrielle des Tilleroyes à Besançon, des dizaines de bovins, veaux, agneaux et équins sont abattues chaque jour avec un souci : celui de la traçabilité. Seulement trois minutes sont nécessaires pour tuer et découper en deux un bœuf d’1 tonne. “Au moindre souci bactériologique, on arrête la chaîne pour décontaminer. Un contrôle vétérinaire est présent en per- manence” précise Pascal Luc, respon-

C ertes, c’est un abattoir. Le froid, le sang et parfois des gestes répétitifs. “Mais vous savez, ce n’est pas moins bien payé qu’un travail à la chaîne dans une recherche du personnel qu’il est prêt lui-même à former. Chaque semaine, entre 500 et 550 animaux sont abattus.

Benoît Lefez, directeur de l’abattoir de Besançon et de la société Belot, rappelle le souci constant de ses employés : la traçabilité.

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