La Presse Bisontine 173 - Février 2016

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 173 - Février 2016

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SANTÉ

La nouvelle directrice du C.H.R.U. “Je vais me concentrer sur la maîtrise des dépenses”

Arrivée à l’automne dernier à Besançon en tant que directrice générale du C.H.R.U. Jean-Minjoz, Chantal Carroger a sa feuille de route pour 2016. Priorité aux économies, mais pas à tout prix.

L a Presse Bisontine :Vous êtes arrivée à la tête du C.H.R.U. début octobre dernier. Difficile de se mettre dans le bain d’un si gros vaisseau ? Chantal Carroger : C’est mon premier poste de directrice générale mais j’étais aupa- ravant directrice générale adjointe du C.H.U. de Nice. Ce qui m’a permis de mesu- rer l’ampleur de la gestion d’un C.H.U. C’est sûr qu’au début, la taille d’un tel établis- sement peut impressionner. Au bout de trois mois, j’ai maintenant l’impression d’être chez moi. J’ai organisé plus de 200 rencontres et réunions pour faire connais- sance avec les équipes, les chefs de pôles et de services. Je m’étais justement donné trois mois pour absorber, apprendre, connaître et prendre le pouls de cet éta- blissement. C’est désormais chose faite. L.P.B. : Place à l’action donc. Quels sont vos objec- tifs pour l’année 2016 ? C.C. : Le principal objectif de l’année sera la mise en place du projet médical dans le cadre d’un plan triennal qui consiste à maî- triser les dépenses de santé avec un volet notamment : l’évolution de la masse sala- riale qui devra être limitée à 1,4, 1,5 % par an au maximum, le tout en tenant comp- te des mesures obligatoires comme le G.V.T. (glissement vieillesse technicité) et les dif- férentes bonifications indiciaires. L.P.B. : Comment résoudre cette véritable quadra- ture du cercle ? C.C. : Grâce à plusieurs leviers. Le premier, c’est l’augmentation de l’activité de l’hôpital. Le deuxième, c’est le travail effectué autour des alternatives à l’hospitalisation avec un point fort : le virage ambulatoire. Un des objectifs du plan est la baisse moyenne de la durée des séjours. L’ambulatoire, c’est lorsque les patients arrivent le matin à l’hôpital et en sortent le soir. Si la chirur- gie ambulatoire continue à se développer, on va forcément réduire le nombre de lits d’hospitalisation complète. Ceci dit, il y aura évidemment toujours des hospitali- sations complètes, on ne va pas mettre les gens dehors. On va juste regarder la maniè- re de développer encoremieux l’ambulatoire. D’ailleurs, le ministère a établi des tarifs incitatifs pour que les hôpitaux renforcent ce virage ambulatoire.

talière et leur rémunération est fixée par l’État. Cela ne changera rien sur les rému- nérations, et les primes qui sont bien enten- du maintenues. D’autres leviers pour faire des économies existent. Il faudra par exemple regarder de plus près la taille des services, voir s’ils sont bien calibrés, si le nombre de lits cor- respond toujours bien aux besoins et à la réalité. L.P.B. : Fin 2014, le C.H.R.U. accusait un déficit limi- té à 300 000 euros, ce qui revient à un quasi-équi- libre financier sur un budget de 500 millions d’euros. Quelle est la situation à fin 2015 ? C.C. : On ne sait pas encore précisément le montant de notre déficit pour 2015, mais ce qui est sûr, c’est qu’il sera supérieur à celui de l’année précédente, en étant tou- tefois limité à moins d’1 % du budget glo- bal, c’est-à-dire àmoins de 5millions d’euros. Deux raisons à cela : le déménagement du pôle de cancérologie et des laboratoires (le P.C. Bio) et la circulaire qui a modifié les remboursements des soins concernant les frontaliers. Avec cette mesure, on perd 2,7 millions d’euros. Sur ce point, je comp- te bien obtenir des compensations. La situa- tion financière du C.H.U. n’est donc pas catastrophique mais on termine sur un déficit qu’il va bien falloir combler par un emprunt. À l’avenir, je ne sais pas si beau- coup d’hôpitaux vont se retrouver en excé- dents. D’où la nécessité de trouver de nou- velles méthodes d’organisation. L.P.B. : Un service du C.H.U. est apparemment mal en point, la dermatologie. Quel est son avenir depuis que Philippe Humbert, son chef, a claqué la por- te ? C.C. : L’objectif est bien entendu de main- tenir un service de dermatologie au C.H.U. On va tout faire pour que les internes reviennent, avec un calibrage différent, sans avoir des lits pour avoir des lits. C’est un service qui est en crise en effet, les internes ne l’ont pas choisi et les médecins ne sont plus assez nombreux dans ce ser- vice, c’est la raison pour laquelle on l’a transféré. Ce sont désormais les médecins qui viennent auprès des patients. Je me donne jusqu’au 1er mai pour qu’on ait un retour des internes. J’espère que l’on va trouver un peu plus de sérénité dans ce service. L.P.B. : Un autre enjeu des C.H.U., ce sont les coopé- rations inter-établissements. Comment se posi- tionne Besançon dans ce dossier ? C.C. : Chaque établissement public devra en effet entrer dans un groupement hos- pitalier de territoire (G.H.T.) à compter du 1er juillet prochain. L’établissement sup- port se verra confier un certain nombre d’activités que les autres hôpitaux devront leur transférer. Par exemple les achats, la partie département d’information médi- cale, les systèmes informatiques, la for- mation, etc. D’autres coopérations seront facultatives comme la blanchisserie, les labos, la cuisine… La base, c’est un projet médical partagé. L’idée est d’organiser au mieux les parcours de soins entre les éta- blissements. Dans ce cadre, le C.H.U. devra notamment prendre en main la gestion du personnel médical. Cela ne signifie pas que nous distribuerons les moyens, mais nous devrons anticiper les départs et organiser la formation. C’est un dossier qui suscite beaucoup d’inquiétudes pour les person- nels. Je souhaite que la collaboration entre nos établissements soit voulue et pas subie.

Chantal Carroger est la nouvelle directrice générale du C.H.R.U. de Besançon. Elle était auparavant en poste à Nice.

Bio express 1985 : Titulaire d’une maîtrise de droit public et diplômée de l’École nationale de santé publique 1986 : elle débute sa carrière au Centre hospitalier de Thiers (Puy- de-Dôme) 1993 : elle occupe la fonction de directrice adjointe chargée de l’élaboration du projet d’établissement, du système d’information et de la communication au Centre hospitalier d’Aurillac avant d’être nommée en janvier 1996, chef d’établissement du Centre hospitalier de Decize dans la Nièvre 2003 : elle prend en charge la direction du Centre hospitalier de Tulle en Corrèze 2004 : elle rejoint le C.H.R.U. de Reims, pour y occuper la fonction de directrice générale adjointe De 2009 à 2011, elle poursuit sa carrière au Centre hospitalier de Rodez en qualité de chef d’établissement, puis elle est nommée directrice générale adjointe du C.H.U. de Nice, où elle exerce jusqu’en septembre 2015. Le 1er octobre 2015, elle est nommée directrice générale du C.H.R.U. de Besançon.

D’ailleurs, je n’affiche aucune volonté hégé- monique. L.P.B. : Maintenant que Franche-Comté et Bour- gogne ne forment plus qu’une seule région, les col- laborations avec Dijon seront-elles renforcées ? C.C. : On travaille déjà en étroite collabo- ration avec Dijon.Avec le C.H.R.U. de Dijon, nous avons une convention-cadre depuis 2009. La fusion ne changera rien, les com- plémentarités devront juste être renfor- cées, notamment sur des activités très coû- teuses ou spécifiques. Une chose est sûre : il n’est pas question de fusionner nos deux C.H.U. L.P.B. : L’autre gros chantier en cours est la mise aux normes de la tour Minjoz. Comment s’organise- t-elle ? C.C. : Elle se fait progressivement, par opé- rations “tiroirs”. Je pense qu’il y en a enco- re pour cinq ans de travail. C’est un chan- tier à 100 millions d’euros. L.P.B. : Un chantier compliqué par l’amiante. Le C.H.U. de Besançon est-il un hôpital amianté ? C.C. : Le C.H.U. de Besançon n’est ni Jus- sieu, ni Caen, deux hôpitaux qui étaient bourrés d’amiante. Ce n’est pas le cas ici. L’amiante est présent dans des joints ou dans la colle à carrelage, mais pas dans les murs et ne nécessite donc pas un déflo- cage. Ce n’est pas du tout comparable. De ce fait, par précaution, on a décidé de sup- primer ces résidus. Sur les 100 millions de travaux sur la tour Minjoz, l’amiante repré- sentera 15 à 20 millions. Quelques inci- dents ont mis la lumière sur cette ques- tion, mais il n’y a rien de commun avec les établissements amiantés. On fait ce qu’il faut et il y a bien d’autres établissements comme les nôtres qui ne font rien. L.P.B. : Le passage des personnels du C.H.R.U. de 26 jours de R.T.T. à 18 jours a été négocié par votre prédécesseur. C’est l’équivalent de 3 millions d’euros économisés. Les personnels doivent-ils faire enco-

re des efforts ? C.C. : La question des 35 heures a été négociée, je n’ai pas l’intention d’y toucher. Je ne reviens pas là-dessus, ce n’est pas mon sujet. Je vais me concentrer sur lamaî- trise des dépenses, mais pas en touchant aux R.T.T. L.P.B. : Le mal-être de cer- tains personnels, infirmier notamment, semble être une réalité. Comment en tenez- vous compte ? C.C. : Il faut imaginer que

“La situation financière du C.H.U. n’est pas catastrophique.”

tous les mois on sort 7 000 bulletins de salaires. Le C.H.U. est une énorme entre- prise humaine. Je veux bien concevoir qu’il y ait parfois des situations difficiles, voire des gens qui se sentent en maltraitance. Maintenant, je demande aux syndicats de cibler ces sujets-là et de faire remonter les cas. Ce doit être cela un vrai partenariat entre les syndicats et la direction car la D.R.H. ne peut pas être partout. L.P.B. : Le projet de vente du site Saint-Jacques avance ? C.C. : Un projet urbain sera présenté au cours du premier semestre 2016 et une consultation engagée au second semestre. Parallèlement, les services qui restent enco- re ici préparent leur remontée à Minjoz. Sur le site Saint-Jacques, il y a encore la psychiatrie, l’école de sages-femmes… Il est prévu que tous ces services déména- gent. Sauf la direction générale qui se retrouve S.D.F. Pour elle, deux solutions se profilent : l’installation dans le pavillon Bersot (anciens services de pédiatrie) ou la construction d’un bâtiment neuf sur le site Minjoz. La décision sera prise dans l’année. Propos recueillis par J.-F.H.

L.P.B. : L’hôpital a donc de moins en moins de moyens ? C.C. : Non ! Les hôpitaux conti- nuent en France à avoir de plus en plus de moyens. Je ne vois pas ce plan triennal comme une contrainte. J’imagine d’ailleurs que les patients préfèrent rentrer chez eux le plus vite possible plutôt que de passer plu- sieurs journées à l’hôpital. On opère plus vite et mieux qu’il y a dix ou quinze ans. Le développement de l’ambulatoire n’est pas là pour faire des économies à tout prix mais parce que ça correspond tout simplement à l’évolution de la médecine et de la chirurgie. L.P.B. : Ce plan triennal signifie-t- il également un gel des rémuné- rations ? C.C. : Pas du tout. La plupart de nos agents font partie de la fonction publique hospi-

“Objectif : la baisse de la durée des séjours.”

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