La Presse Bisontine 172 - Janvier 2016

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 172 - Janvier 2016

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MUSIQUE

Guillaume Aldebert “Maintenant, j’ai l’impression que chaque fois que je monte sur scène, je milite”

L a Presse Bisontine : Après le gros carton de l’album “Enfantillages 2”, on avait cru com- prendre que vous reviendriez à des albums “adultes”. Et quelques semaines avant les fêtes, on découvre ce nouvel opus d’Enfantillages, dédié à Noël. Pourquoi ? Guillaume Aldebert : “Enfantillages” a été une parenthèse ouverte en 2008 à une époque où j’avais envie d’explorer ce monde de l’enfance et d’y consacrer un album. Et fina- lement, cette parenthèse ne s’est pas vrai- ment refermée car c’est un univers dans lequel j’ai vraiment l’impression de m’être trouvé. Il y a tellement de choses à faire dans cet univers-là, et tellement de liber- té aussi dans la création.Tout cela ne signi- fie pas que j’abandonne l’écriture adulte, mais c’est très compliqué de mener deux répertoires en même temps. Sur le créneau adulte, j’ai plutôt envie de proposer d’écrire pour d’autres. L’aventure Enfantillages a pris des proportions que je n’attendais pas. L.P.B. : Et ce troisième volet spécial Noël. Comment est-il né ? G.A. : Il est parti d’un défi que je me suis lancé avec mes musiciens et ma maison de disques. Avant de faire un Enfantillages 3, qui est prévu pour 2017, je me suis dit que je ferais bien quelque chose autour de Noël. Comme ma tournée actuelle me prend beaucoup de temps et qu’on n’aurait pas le temps de faire une tournée spéciale Noël, nous avons décidé de créer cet album et d’intégrer quelques-unes de ces nouvelles créations dans la tournée actuelle. On ne voulait faire qu’un ou deux titres et fina- lement on s’est pris au jeu. J’ai commen- cé à écrire dans ce champ lexical assez par- ticulier et ça m’a bien branché. Au final, ça donne cet album avec 14 titres. Pour- tant, ce n’était pas un truc prémédité. L.P.B. :Vous avez souhaité faire passer quels mes- sages à travers le contenu de cet Enfantillages spé- cial Noël ? G.A. : Il ne s’agissait pas de faire quelque marquée par les attentats de novembre, il fait le point sur son actualité, ses projets et son état d’esprit. Le chanteur Guillaume Aldebert vient de sortir un album Enfantillages spécial Noël. En pleine tournée,

saire” permet notamment de recentrer un peu les choses. L.P.B. : Une fois de plus, on est surpris (en bien) de voir les “invités” qui ont accepté de chanter avec vous sur certaines chansons,comme Oldelaf,Michaël Gregorio et même Jean-Pierre Marielle ! Comment se retrouvent-ils sur l’album ? G.A. : Pour Jean-Pierre Marielle, ça relève d’un de mes fantasmes d’enfant : depuis toujours j’admire cet acteur. On l’a contac- té et une semaine après je me trouvais à côté de lui à lui donner la réplique. Tous les gens que j’invite sont des artistes que j’admire. J’écris les chansons et ensuite on voit quel artiste serait le mieux placé pour l’interpréter avec moi. Bien sûr, tout le monde ne peut pas donner suite. Je ne vise pas toutes les stars de la chanson mais tous les gens que j’aime. L.P.B. : La tournée Enfantillages 2 cartonne tou- jours ? G.A. : On dépasse les 250 dates et on sera à plus de 300 dates à la fin de la tournée en juin. L’album est disque de Platine avec plus de 100 000 exemplaires vendus et les salles sont remplies. L.P.B. : Presque sans pub ? Vous n’êtes pas vrai- ment dans le star-system ? G.A. : Le bouche à oreille fonctionne à mer- veille. Même si sur ce créneau qui reste une niche les médias n’accrochent pas for- cément, il y a une vraie “accroche” avec le public. J’en suis particulièrement heureux. L.P.B. : Les choses ont changé depuis les attentats du 13 novembre ? Vous les avez vécus comment en tant qu’artiste ? G.A. : C’est justement ce soir-là que sortait l’albumEnfantillages de Noël…Nous étions en concert à Épinay-sur-Seine, juste à côté du Stade de France de Saint-Denis. Dans l’euphorie de l’après-concert, on a tout de

Guillaume Aldebert poursuit sa tournée-marathon avec Enfantillages 2. Déjà plus de 250 dates à son actif.

Bio express Guillaume Aldebert est né à Paris le 7 juillet 1973. Très vite, ses parents déménagent à Besançon où il passera sa scolarité. Premier album en 1999 “Plateau télé En 2003, deuxième album “Sur place ou à emporter”. Lauréat du Trophée Radio France de la chanson française. En 2004, troisième album “L’Année du singe” En 2008, il sort Enfantillages, un album pour enfants et grands enfants auquel participent plusieurs artistes En 2013, il sort l’album Enfantillages 2 Novembre 2015 : Enfantillages de Noël (Warner)

suite senti quelque chose de bizarre dans l’air. Les gens sont partis plus vite, collés à leur portable. Et dans le bus en rentrant sur Besançon, on s’est rendu compte de l’ampleur de ce qui se passait. Le péri- phérique était rempli de voitures de poli- ce et de camions de pompiers. En plus, des gens qu’on connaissait étaient au Bata- clan. Ils en sont heureusement sortis indemnes. L.P.B. : Comment avez-vous réagi face à ces évé- nements ? G.A. : En tant qu’artiste, je me suis aussi directement visé, comme si j’étais un peu victime, en relativisant bien sûr. Cet évé- nement a touché l’équipe au plus profond de nous, comme si des membres de notre famille avaient été concernés. On s’attaque à la fête, à la création, à la joie, à toutes nos valeurs républicaines. J’ai presque envie de dire que c’était quasiment pire que les attentas de Charlie Hebdo. Main- tenant, j’ai l’impression que chaque fois que je monte sur scène, je milite. Pourtant, je ne suis pas vraiment catalogué comme un chanteur engagé. Mais la musique, c’est toute ma vie, et ils s’en sont pris à tout ça. Depuis les attentats, je fais quelques clins d’œil dans certaines des chansons. On a envie de continuer à rêver, c’est le plus important. L.P.B. : Vous êtes papa du petit Charly (2 ans et demi). Quand on est père, on se sent encore plus impliqué par cette actualité ? G.A. : On est quasiment tous papas dans l’équipe. Sur les dix, huit sont pères. Com- ment expliquer tout ça à nos enfants sans les effrayer pour autant, ce n’est pas évi- dent. C’est étrange, avec cet état d’urgence,

de voir des militaires par- tout et autour des salles de concert notamment. Mais il faut continuer à faire son métier comme avant. Et la vie continue. L.P.B. : Quand vous reverra-t-on à Besançon ?

G.A. : J’aimerais revenir avec un nouveau spectacle d’ici la fin de l’année 2016. On a un projet en construction qui serait de faire un spectacle Enfantillages avec un grand orchestre symphonique, un peu avant Noël. Une nou- velle forme de spectacle qui soit en même temps très ludique et qui mêle le côté symphonique. L.P.B. : D’autres projets sur le feu ? G.A. : Eh bien un Enfantillages 3 qui est déjà dans les tuyaux. J’ai déjà 5 ou 6 maquettes de titres sur mon ordinateur. L.P.B. : Toujours aussi inspiré et motivé. Aucun essoufflement ou aucune lassitude ? G.A. : C’est tout le contraire ! Je vais être à nouveau papa d’un deuxième petit garçon en février…Cette nouvelle me booste énor- mément pour créer. Ce créneau du jeune public laisse une telle liberté dans le pro- pos et dans l’inspiration ! L.P.B. : Guillaume Aldebert est le nouvel Henri Dès ? G.A. : Pour moi, c’est flatteur parce que c’est quelqu’un que j’admire beaucoup, même si on ne fait pas la même chose. J’aimerais d’ailleurs l’inviter sur un prochain album. Propos recueillis par J.-F.H. “Je vais être à nouveau papa.”

chose du genre “Aldebert chante Noël”. L’idée était de parler de cette période de fêtes qui peut être excitan- te pour beaucoup, mais qui pour d’autres peut être sour- ce d’angoisse ou de fort contraste social. Il s’agissait de trouver des angles assez originaux, sans pour autant plomber les fêtes…On rigo- le un peu de tous les clichés qui circulent autour de Noël, ce côté, comme Nouvel an, un peu fête obligatoire. Il y a même une chanson anti- Noël ! Mais derrière tout cela, il y aussi une réflexion autour de la question “qu’est-ce qui rend vraiment heureux” ? Voir nos enfants avec des montagnes de cadeaux autour d’eux, ou autre cho- se ? La chanson “Le néces-

“L’aventure a pris des proportions que je n’attendais pas.”

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