La Presse Bisontine 170 - Novembre 2015

La Presse Bisontine n° 170 - Novembre 2015

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Pour les magistrats, les policiers se trompent de cible Réaction Syndicat U.S.M. Selon les magistrats, toutes les décisions qui sont prises de libérer un détenu le sont dans un cadre prévu par la loi. Ce n’est donc pas devant le Palais de Justice que les policiers auraient dû manifester, mais devant l’Assemblée Nationale…

Affaire

En attendant son audience en appel en janvier 2016

Un trafiquant de drogue

libre d’aller et venir

L’ audience en appel de Walid Hakkar aura lieu le 28 janvier 2016 au tri- bunal de Besançon. L’hom- me d’une trentaine d’années a été interpellé du côté de Luxueil-les- Bains en février dernier par le ser- vice des douanes de Belfort. Il circu- lait au volant d’un véhicule à bord duquel les forces de l’ordre ont décou- vert 21 000 cachets d’ecstasy. Une belle prise sachant qu’en 2014 les ser- vices douaniers français ont saisi 1,4million de ces produits stupéfiants (360 000 en 2013). Pour ces faits, Walid Hakkar a été jugé en mars dernier par le tribunal correctionnel de Vesoul, dans le cadre d’une procédure de comparution immé- diate. À l’audience, il a écopé de six ans de prison ferme avec maintien en détention et 53 000 euros d’amen- de douanière. Le tribunal a ordonné par ailleurs la saisie de son appar- tement à Besançon. Le cas de ce récidiviste, qui a déjà été inquiété dans plusieurs affaires de stupéfiants alimente les discussions dans les couloirs du Palais de Justi- ce de Besançon où il sera jugé dans trois mois. Ce qui suscite la contro- verse, c’est que cet homme a été libé- ré aumois de juillet, après avoir effec- tué les quatre mois de prison réglementaires mais sans être assu- duquel les douaniers ont découvert 21 000 cachets d’ecstasy. En attentant son procès en appel à Besançon, il est libre d’aller et venir. En mars, Walid Hakkar a été condamné à six ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de Vesoul après avoir été interpellé au volant d’un véhicule à bord

P our les magistrats, les poli- ciers se trompent de cible en manifestant contre l’institu- tion judiciaire. Ils réfutent l’accusation selon laquelle ils feraient preuve de légèreté en libérant trop facilement des détenus au mépris du travail de police. Des remises en liber- té qui ont parfois des conséquences dramatiques. “Nos décisions sont prises dans le cadre de la loi !” répète Fran- çois Strawinski, délégué régional de l’Union Syndicale des Magistrats. L’U.S.M. redoute une polémique qui vise à opposer “artificiellement poli- ce et justice. Une telle opposition n’est nullement représentative des relations quotidiennes entre magistrat et forces de l’ordre” qui se passent à Besançon, dans un climat constructif et collabo-

ratif selon les magistrats. Pour Fran- çois Strawinski, les policiers ne doi- vent pas “se tromper de combat.” Un sentiment partagé par Randall Schwerdorffer, avocat à Besançon. “Ce n’est pas devant le Palais de Justice que les policiers doivent manifester, mais devant l’Assemblée Nationale. Si on considère en effet que la loi n’est pas bonne, il faut la changer” dit-il. L’avocat prend en exemple l’évasion récente d’un détenu à Besançon qui a profité d’une sortie à V.T.T. pour s’échapper (voir ci-dessous). “Il s’est évadé dans le cadre d’une activité pré- vue par la loi !” rappelle l’avocat. Ce n’est donc pas l’institution judiciaire qu’il convient de remettre en cause, mais la législation qu’elle ne fait qu’ap- pliquer.

Cette affaire fait parler dans les couloirs du Palais de Justice (photo d’illustration archive L.P.B.).

Vesoul en première instance à six ans de prison ferme, c’est surréaliste qu’il n’ait pas été au moins assujetti à un contrôle judiciaire strict, ce qui per- mettrait de le surveiller unminimum” s’indigne une source proche dossier auT.G.I. qui rappelle queWalid Hak- kar ne s’est pas présenté à la cour d’appel en septembre où il était convo- qué pour un complément d’informa- tion sur son dossier. Empêché visi- blement pour des motifs familiaux, il était ce jour-là représenté par ses deux avocats. “Il s’agissait de clari- fier les conditions d’interpellation de Monsieur Hakkar” remarque Maître Schwerdorffer. Au Palais de Justice, certains attendent avec impatience de voir quel verdict sera prononcé lors de l’audience en appel.

jetti à un contrôle judiciaire. En clair, le prévenu est libre d’aller et venir comme bon lui semble jusqu’à son audience. De source policière et judiciaire, nous avons appris qu’il aurait même quit- té récemment le territoire national. Il se serait rendu en Algérie avant de revenir en France. Une informa- tion que ne confirme pas son avocat,

François Strawinski,

délégué régional

Maître Randall Schwer- dorffer. “Il n’est pas sous contrôle judiciaire. À partir de là, il est libre, il peut faire ce qu’il veut. Cela ne me regarde pas. Il n’a de compte à rendre à personne” rappelle l’homme de loi. “Alors qu’il a été condamné à

“Il peut faire ce qu’il veut.”

de l’Union Syndicale des Magistrats à la sortie du Palais de Justice

Malaise pénitentiaire à Besançon Prison Après une rocambolesque évasion La maison d’arrêt de Besançon se serait volontiers passée de l’évasion d’un détenu lors d’une sortie encadrée. Au-delà de cet événement, la prison est sous tension, ainsi que ses agents.

D es téléphones portables. De la drogue. Et même des armes blanches. Voilà ce que l’on retrouve à l’intérieur de la maison d’arrêt de Besançon. Comment arrivent ces objets ? “Par les projec- tions au-dessus du mur d’enceinte. Même si on en ramasse beaucoup com- me des lames de scie, des opinels, cer- tains passent entre les mailles” témoigne Nicolas Rahon, agent pénitentiaire bisontin et secrétaire local du syndi- cat U.F.A.P.-U.N.S.A. justice, premier syndicat du ministère de la Justice. Les autres objets arrivent aux par- loirs : les agents n’ont en effet plus le droit systématique de fouiller au corps les détenus. L’insécurité est palpable pour les 91 agents et les 320 détenus. La preuve, nous avons demandé l’accès à la pri- son qui nous a été refusé au motif que notre sécurité ne pouvait être assu-

rée ! C’était avant l’été, période où les services pénitentiaires étaient moins nombreux. “Nous sommes en sous-effec- tif. Nous sommes en déficit de 6 per- sonnes. Cela peut nous rendre vulné- rables, notamment les week-ends où nous sommes moins nombreux” témoigne le syndicaliste. Lamédiatisation de l’évasion d’un déte- nu bisontin de 51 ans lors d’une sor- tie sportive le 7 octobre, les agents l’ont

détenu emprisonné pour trafic de drogue était libérable en avril prochain)” avoue Éric Gemmerlé, représentant syndi- cale pénitentiaire du Grand Est. Revient aussi le cas des permissions de sortie. Parmi les 50 000 accordées par an en France, 99,5 % se déroulent bien. Le cas du braqueur de Saint- Ouen qui a grièvement blessé un agent de la brigade anticriminalité est une illustration du malaise et du “police contre justice” qui ressurgit. La prison endurcit-elle plus qu’elle ne remet dans le droit chemin ? Les détenus ne se privent pas pour moquer leurs gar- diens au motif que même en prison rapporte un professionnel, ils gagnent encore plus d’argent qu’eux. Les pro- jections ont un impact sur le marché noir dans l’enceinte. Il crée une insé- curité “sur le personnel et tous les gens qui viennent à la prison comme les médecins, avocats…” poursuit Nicolas

mal vécue. Ils ont été pointés du doigt alors que cela aurait pu arriver par- tout. 5 détenus, triés sur le volet, étaient en per- mission sportive (V.T.T.) dans le Grand Besançon avec 3 encadrants. “On ne sait pas ce qui se peut se passer dans la tête d’un homme. C’est une inva- sion incompréhensible (le

“Des lames de scie, des opinels.”

Les agents de la prison de Besançon sont inquiets. Ils se sentent - parfois - vulnérables.

de prison avaient prévu de manifes- ter à Paris le 22 octobre. Une déléga- tion bisontine avait annoncé sa pré- sence. E.Ch.

Rahon. Les équipes se sentent vulné- rables. Le malaise est latent même dans cet établissement “à taille humai- ne” qui bénéficie d’un programme de rénovation depuis un an. Les gardiens

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