La Presse Bisontine 167 - Juillet-Août 2015

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 167 - Juillet-Août 2015

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POLITIQUE

Le député de la 2 ème circonscription du Doubs “La logique voudrait que je me présente à la mairie de Besançon”

Le député Éric Alauzet : “Je pense qu’on est en passe de réussir cette réforme des régions.”

Le député Éric Alauzet a fait de la lutte contre la fraude fiscale un de ses chevaux de bataille nationaux. Sur le plan régional et plus local, il a aussi ses petites idées sur la suite…

raine ? La répartition bi-site qui est en train de se dessiner entre Dijon et Besançon est bonne. Ce qui compte, c’est une juste réparti- tion des directions de l’État. Sur ce plan, je pense que la bataille est gagnée. Il y aura un équi- libre entre les huit grandes directions de l’État. Dans une région plus portée sur l’agriculture et l’agroalimentaire com- me la Bourgogne, il serait logique de voir réunies la D.R.A.F. et la Chambre régionale d’agriculture. Dans une

les autres, là on va y perdre à chaque fois. La fusion des régions nous met en meilleure position d’un équilibre que si on ne faisait rien. L.P.B. : Une réforme efficace à vous écouter. Et source d’économies ? É.A. : On aura plus de cohérence dans l’aménagement du territoire mais sur le plan des économies, là, j’ai beaucoup plus de doutes. L.P.B. : À quoi bon pour Europe Écologie-Les Verts présenter une liste aux prochaines élec- tions régionales de décembre, a fortiori avec une candidate totalement inconnue ? É.A. : Même en 2010 avec Alain Fous- seret en tête de liste, quand on est connu, si c’est par 20 % des gens, c’est le bout du monde. Je pense qu’on sera plus pénalisé par le désordre qui règne au sein des écologistes que par le manque de notoriété de notre tête de liste. Le manque de notoriété peut vous faire perdre 1 ou 2 points, nos divi- sions peuvent nous en faire perdre 5. Même si on ne fait pas plus de 6 %, c’est utile d’y aller. L’élection propor- tionnelle à deux tours est faite pour ça, pour qu’il y ait une vraie repré- sentativité. L.P.B. : Terminons sur une touche purement bisontine. Aucun leader socialiste digne de ce nom n’émerge de la majorité municipale à Besançon. Pourriez-vous être le successeur de Jean-Louis Fousseret en 2020 ? É.A. : Que l’on me croie ou non, mon parcours politique n’a jamais été fait de calculs et c’est dérangeant de par- ler de 2020 aujourd’hui.Mais je n’élude pas du tout cette question, je ne veux pas faire semblant de l’ignorer, je suis bien obligé d’y penser. C’est quelque chose qui se prépare. Ce n’est pas dans mon tempérament de préparer des choses aussi longtemps à l’avance.Mais je vais me forcer…La logique voudrait que je me présente. Propos recueillis par J.-F.H.

la courbe de l’imposition en France. On en paye de plus en plus d’impôts quand ses revenus augmentent, et à partir d’un certain niveau, on se met à en payer de moins en moins. Par exemple, les niches fiscales liées au logement qui coûtent une fortune à l’État - 43 milliards d’euros par an - sont totalement inefficaces. Par rap- port à l’argent qu’on y met, le bénéfi- ce social n’est pas suffisant. L.P.B. : Sur un plan plus politique, on y voit de moins en moins clair quant à la stratégie des Verts ! É.A. : Moi aussi… (rires). Le problème, c’est qu’on a les mêmes courants diver- gents qu’au P.S. À l’intérieur même de nos mouvements politiques, on a plein d’avis divergents sur les réponses à apporter aux problèmes du pays. Dans le mouvement vert en plus, histori- quement, il y a les “fondamentaux” et ceux qui sont pour une alliance de gou- vernement. L.P.B. : Et vous ? É.A. : Je suis clairement pour que les écologistes participent à l’exécutif, tout en ayant conscience de ce qu’on pèse, et en le faisant avec humilité. C’est aussi avec des tout petits cailloux qu’on fait avancer les choses.Au début, quand j’étais simple conseiller municipal d’opposition à Besançon, rien que le fait d’être à la même table que le mai- re, ou du président de la République pour ce qui est du conseil des ministres, permet de rappeler qu’on est là, qu’on doit compter avec nous et nos idées. L.P.B. : Revenons plus près de nous avec la réforme des Régions. Besançon se bat pour ne pas disparaître avec la réforme. Vous conti- nuez à soutenir cette réforme du gouverne- ment ? É.A. : Est-ce que Grenoble n’a pas trou- vé sa place par rapport à Lyon en Rhô- ne-Alpes ? Est-ce que Nancy fait de l’ombre à Metz et vice-versa en Lor-

L a Presse Bisontine : Avec quelques autres parlementaires,vous avez orga- nisé fin mai une conférence de pres- se à Paris suite aux dernières révé- lations sur l’affaire Kerviel. Pourquoi ce sujet ? Éric Alauzet : Simplement parce que je travaille depuis longtemps sur le thè- me de l’évasion fiscale et des questions de fiscalité. Le témoignage récent de cette policière semblait ouvrir de nou- velles possibilités de comprendre ce qui s’est réellement passé entre Jérô- me Kerviel et la Société Générale. Nous aimerions que cette affaire soit réexa- minée par la justice. L.P.B. : Vous semblez défendre la thèse que Jérôme Kerviel n’était qu’un pion dans l’échiquier. Mais n’est-ce pas incongru de réclamer un nouveau procès. Et la séparation des pouvoirs, qu’en faites-vous ? É.A. : J’ai en effet la conviction que Jérô- me Kerviel est le bouc émissaire d’un système, une sorte de poisson-pilote, un peu un agent 007 qui part en mis- sion et quand il lui arrive quelque cho- se, plus personne ne le connaît… L’occasion est donnée de relancer le dossier. Il ne s’agit pas de ne pas res- pecter l’indépendance de la justice. D’ailleurs si la justice décidait de ne pas rouvrir ce dossier, je m’abstiendrais de tout commentaire. Je crois être légi- time en tant qu’élu de la Nation de mettre sur le devant de la scène un problème majeur. Nous pensons qu’il y a des éléments de nature à justifier la réouverture d’un procès. Mais ce que nous dénonçons aussi, c’est que la Société Générale ait bénéficié d’une ristourne fiscale d’1,7 milliard d’euros de l’État du fait qu’elle ait perdu ces fameux 5 milliards. Si un juge montre que la banque n’avait pas pris toutes les précautions pour éviter ce type de

dérapage, elle perdra l’avantage de cette ristourne fiscale. C’est ce contre quoi nous nous battons. L.P.B. : Vous avez posé 18 questions écrites au gouvernement sur ce sujet. Avez-vous obte- nu des réponses ? É.A. : Aucune…Depuis que je suis dépu- té, j’ai posé plus de 150 questions écrites. Il y en a une petite trentaine pour les- quelles je n’ai obtenu aucune répon- se. On sent le gouvernement un peu gêné sur cette question. L.P.B. : La fiscalité est donc votre principal cheval de bataille ? É.A. : Tout ce qui est lié à la fiscalité, à la fraude, à l’optimisation fiscale est la mère de toutes les batailles en ce qui concerne le budget de l’État. Si on aboutit à des situations d’austérité dans les pays du Sud de l’Europe notam- ment, c’est justement parce qu’on

“Pour que les

écologistes participent au gouver- nement.”

région plus industrielle comme la Franche-Comté, il serait logique de voir réunies les services liés à l’industrie. Et il faut aller plus loin. Il faut aussi que les directions régionales soient regroupées de façon cohérente. Que par exemple le siège de Pôle Emploi soit au même endroit que le siège de la D.I.R.E.C.C.T.E. Je pense qu’on est en passe de réussir cette réforme ter- ritoriale. L.P.B. : Le départ régulier de directions de banques ou d’autres organismes de Besan- çon vers Dijon ne vous inquiète pas ? É.A. : Le départ de sièges de banques, de R.F.F. ou d’autres organismes est complètement indépendant de la fusion des régions. D’ailleurs, ces départs se sont faits bien avant que l’on parle de fusion. Au contraire, je pense que la fusion peut justement être l’occasion d’avoir sur l’ensemble des activités économiques une vision globale et anti- cipée. D’accord pour une plate-forme postale à Dijon si on décide de mettre E.R.D.F. à Besançon. C’est à cet équi- libre territorial qu’il faut aboutir. Si les dossiers sont traités les uns après

n’arrive plus à collecter l’impôt comme on devrait. Avec la multiplication des niches, c’est devenu le cirque fiscal. Les très grandes entreprises qui font de l’optimisation fiscale se retrouvent à ne pas payer d’impôt en France pendant que les P.M.E. sont de ce fait confrontées à une concurrence déloyale. Les gens n’y comprennent plus rien, ils en arrivent à reje- ter le système en votant F.N. Tout cela est lié. On ne peut pas supprimer toutes les niches fiscales, mais on a tout voulu régler avec ça et on s’aperçoit que ça ne marche pas. Il suffit de voir

“C’est devenu le cirque fiscal.”

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