La Presse Bisontine 164 - Avril 2015

LE GRAND BESANÇON 32

La Presse Bisontine n° 164 - Avril 2015

ÉCONOMIE

Libre échange Franois et Dannemarie se prononcent zone hors “Tafta”

Pourquoi deux “petites” communes ont adopté une mesure marquant leur désaccord avec le traité de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis en cours de négociation ? Si la mesure est symbolique, le maire de Franois Éric Petit en fait son cheval de bataille. Pot de fer contre pot de terre.

un poulet chloré…, rela- te Éric Petit. Idem si je veux protéger mes abeilles et ne pas utiliser de pes- ticides : je pourrais me faire condamner par Monsanto car cela nuit au développement com- mercial. Ce traité est favo- rable auxmultinationales et si je veux me défendre, il faudra déposer des mil- lions d’euros sur la table et se retrouver devant un tribunal arbitraire com- posé d’avocats d’affaires et non de juges” explique le premier magistrat. Mardi 10 février, au Grand Kursaal à Besançon, le collectif Stop-Tafta de Besançon a organisé une conférence animée par Renaud Lambert, journa- liste au “Monde diplomatique” à laquel- le Éric Petit a apporté sa contribution sur les conséquences que ce traité pour- ra entraîner sur les collectivités. Près de 650 personnes sont venues s’informer : “Le problème, c’est que l’on se bat contre quelque chose d’invisible. Tout se traite dans la plus grande dis- crétion, la plus grande opacité…” ajou- “Au final, pour nous imposer un poulet chloré.”

te-t-il. Alors Tafta : quèsaco ? Il doit instituer une zone de libre-échange la plus impor- tante de l’Histoire, couvrant 45,5 % du P.I.B. mondial. Mise en corrélation des normes de fabrication, de nourriture, fin des barrières douanières sont quelques-unes des pistes. Ses défen- seurs affirment que l’accord conduira à une croissance économique pour les deux parties tandis que les critiques soutiennent notamment qu’il aug- mentera le pouvoir des entreprises face aux États et compliquera la régu- lation des marchés. “On va perdre notre gouvernance !” pointe le Franc-Com- tois qui a pris son bâton de pèlerin pour informer. Son conseil municipal a pris une déli- bération se déclarant “zone anti-taf- ta”. Dannemarie-sur-Crête et son mai- re Gérard Galliot en ont fait de même. Il a demandé à la C.A.G.B. et à la Région de se positionner. Un symbole face à la toute puissance. “Oui, c’est un sym- bole… mais vous savez, la vie est fai- te de symboles, parfois forts ! Il faut réagir.” Après s’être dit “Charlie”, Éric Petit se dit désormais “Anti-tafta”. Un autre combat. E.Ch.

L’ ancien chef d’entreprise spé- cialisé à l’export qu’il fut l’avoue : quand pour la pre- mière fois Éric Petit a enten- du parler du traité de libre-échange qui se négocie actuellement entre les États-Unis et l’Europe (T.A.F.T.A. en anglais), il y était largement favorable. Mais ça, c’était avant. Actuellement maire de Franois, membre de la Ligue des droits de l’Homme, il a depuis retourné sa ves- te et su lire entre les lignes pour être au niveau local un des premiers pour- fendeurs de ce traité qui se noue actuel- lement entre les États-Unis et l’Europe et qui, avouons-le, ne passionne pas les foules. Pourtant, il est ultra-impor- tant : ses conséquences concernent l’économie et le social. “Au départ, je le trouvais formidable car il permet- tait aux entreprises de vendre aux États-Unis, ce qui est compliqué… Mais aujourd’hui en tant que maire de Franois, je pourrais me faire atta- quer pénalement si je veux promou- voir le boulanger ou le maraîcher local pour servir ses produits à la cantine locale. Je devrais passer par un appel d’offres et au final, pour nous imposer

Samedi 21 mars, conférence Citoyenneté centre Pierre Mendès-France à Besançon, 3 rue Beauregard à Besançon à partir de 12 heures Samedi 18 avril : journée d’action internationale contre le traité T.A.F.T.A.

Le maire de Franois Éric Petit, village gaulois contre le traité T.A.F.T.A.

UNIVERSITÉ Insolite Vincent Peillon : l’ancien ministre est prof à Neuchâtel Ancien ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement Ayrault, Vincent Peillon a été nommé professeur associé à l’Université de Neuchâtel. Docteur en philosophie et député européen, il y mène des activités de recherche et d’enseignement sur l’histoire de la démocratie. L’ancien ministre s’explique.

I l a laissé en France le nom d’une réforme. Celle des rythmes scolaires encore largement contestée par les parents d’élèves. À quelques kilomètres de la frontière, l’ancien ministre de l’Éducation Vincent Peillon fait le bonheur de l’Université de Neuchâtel où il a rebondi après avoir été écar- té du pouvoir, recalé comme Arnaud Montebourg du gou- vernement. Mais à l’inverse de son collègue qui est retourné sur les bancs d’une école pour apprendre, Peillon délivre sa science : la philosophie. Vincent Peillon, logiquement, est payé pour cela. “Je n’ai pas choisi ce poste pour l’argent… car ce n’est pas dans le monde universitaire que l’on s’enrichit. J’ai aussi mon mandat de dépu- té. Après ma vie de ministre, j’avais ce rêve : approfondir mes connaissances sur Ferdinand Buisson et le républicanisme dont le berceau est à Neuchâtel, sujets sur lesquels je travaillais”

explique Vincent Peillon qui dit être séduit par les paysages du Jura. Il connaissait Montbéliard et Besançon : mais pas Neu- châtel et ses environs. L’université neuchâteloise se réjouit de cette arrivée : “C’est un homme qui a une grande clar- té, une compétence, une expé- rience fruit de ses passages dans les grandes écoles françaises. S’il est venu à Neuchâtel, c’est parce qu’il avait un intérêt à remettre les pieds dans le mon- de académique, aussi parce que

Vincent Peillon, ancien ministre de l’Éducation nationale : “C’est un grand bonheur.”

un grand bonheur, dit-il. J’ai fait un cours sur la liberté.” D’autres interventions en public suivront les 5 et 19 mars, en avril, puis en mai. Personne ne l’a encore interpellé sur “sa” réforme des rythmes scolaires : “Je n’ai pas besoin d’être en Suis- se pour que l’on m’en parle. Ce n’est pas plus mal que je sois en Suisse plutôt qu’en France car les socialistes sont encore au pouvoir. Je suis plus tranquille ici. Les Suisses sont des libéraux dans le sens noble du terme.” Les interventions de l’ancien ministre sont ouvertes à tous dans le cadre des cours publiques de l’université. L’élève Peillon imite le “maître”Ferdinand Buis-

son. S’il a pris à 54 ans le che- min de Neuchâtel, c’est notam- ment pour suivre les pas de Fer- dinand Buisson, prix Nobel en 1927, principal artisan de la laï- cité française, qui avait fui le Second Empire pour Neuchâtel où il fut professeur et auquel Peillon, fasciné par cet homme, a consacré un livre. Tous les quinze jours, l’agrégé de philosophie anime un sémi- naire consacré aux “républica- nismes”. “Mon travail sera d’instaurer un dialogue plus fort dans le républicanisme car il y a un vrai problème : les Anglo- saxons font une interprétation de ce sujet qui occulte la partie française.”

Avec la contribution de Vincent Peillon, “l’Université de Neu- châtel entend développer à Neu- châtel un projet de recherche et d’enseignement sur le républi- canisme et la pensée républi- caine, plus particulièrement en lien avec le personnage de Fer- dinand Buisson. La Bibliothèque des Pasteurs devrait notamment fournir pour ces sujets une pré- cieuse source d’étude, riche en documents illustrant les ponts entre protestantisme libéral et républicanisme, documents peu

étudiés jusqu’ici” précise Jean- Jacques Aubert. Pour l’établissement universi- taire, c’est aussi un “bon” coup de pub : “Vincent Peillon redon- ne de l’élan avec sa culture mais surtout comble un vide depuis le départ en retraite du profes- seur de sciences politiques” témoigne le chercheur suisse. Mais comme au gouvernement, les travaux de l’ancien ministre seront jugés : son contrat se ter- mine en 2016. E.Ch.

nous avons trou- vé un arrange- ment pour qu’il puisse continuer ses autres activi- tés” explique Jean- Jacques Aubert, vice-recteur de l’Université de Neuchâtel. Sa première “leçon”, l’ancien ministre l’a don- née jeudi 19 février. “C’était

“À la hauteur

de ce que touche un professeur.”

Pour y aller : jeudi 19 mars, 23 avril, 7 mai et 21 mai à l’Université de Neuchâtel - l’Aula du bâtiment principal, avenue du 1er-Mars 26, de 18 h 15 à 19 h 30

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