La Presse Bisontine 161 - Janvier 2015

AGENDA 58

La Presse Bisontine n° 161 - Janvier 2015

EXPOSITION Jusqu’au 15 mars Saisissantes

impressions du front Une exposition en deux volets se tient actuellement au musée du Temps de Besançon. Les journaux de tranchées des poilus français côtoient les œuvres fortes de deux artistes, anciens soldats allemands.

“M arche poilu, tu trou- veras que c’est dur au commencement. Tout d’abord tu t’habitueras à tirer vite et proprement. Ta baïonnette fourbiras pour qu’elle pique hardiment. Les Boches dégringoleras pour le plaisir uniquement…” Peut-on appe-

ler ça un poème ? Ce petit tex- te en rimes est un des innom- brables articles qui composaient les journaux de tranchées écrits par les soldats eux-mêmes au cœur du premier conflit mon- dial. Ces journaux qui plon- gent le lecteur dans la crudité de la guerre de 14-18 ont été

innombrables. Écrits souvent avec les moyens du bord, impri- més en quantités limitées, ils sont un témoignage unique de la vie dans les tranchées. Éton- namment, ils n’ont pas été inter- dits par la censure des gradés. Simplement parce que leur contenu, la plupart du temps, était un divertissement pour les soldats au front. “L’arme principale de ces journaux, c’est l’humour. Et ce qui est mis en avant, c’est l’esprit de corps” résume Laurence Reibel, la conservatrice du musée du Temps où se tient depuis le 6 décembre cette étonnante exposition pour commémorer, de manière particulièrement originale, le centenaire de la Grande guerre. Cette collection de journaux de guerre, une des plus impor- tantes de France, est issue des collections des musées bison- tins qui avaient reçu ce legs de Charles Clerc, un collection- neur franc-comtois. Sur un total de plus de 12 500 pièces léguées par ce généreux donateur à la

Laurence Reibel, conservatrice du musée du Temps, présente l’exposition Impressions du front.

Ville de Besançon, la moitié concerne la Première guerre mondiale, dont ces dizaines de journaux de guerre aux noms plus désopilants les uns que les autres : le Canard du boyau, l’Écho des tranchées, le Bocho- fage, le Rigolboche, le Cafard enchaîné, l’Écho corico, le Lapin à plumes (supplément du

Souvent reviennent dans les articles les mêmes thèmes, par- fois tournés en dérision, com- me la boue, omniprésente, les cafards et les poux, mais aus- si le tabac et le pinard qui sou- lagent les soldats du front. À côté de ces exemplaires ori- ginaux de journées des tran- chées, des objets de la guerre issus de lamême collection sont également exposés au troisiè- me étage du musée. Dans un autre registre, dénué d’humour cette fois-ci, l’exposition présente les œuvres originales de deux artistes enga- gés côté allemand : Otto Dix et George Grosz.Aquarelles, des- sins, portfolios de George Grosz, gravures d’Otto Dix sont expo- sés sous les combles du musée. Les œuvres de ces deux Alle- mands donnent à voir une

représentation de la violence et de l’horreur des combats. Plus qu’une dénonciation de la guerre, ces œuvres rares ras- semblées ici livrent une pro- fonde réflexion sur la nature humaine. “La vermine, les rats, les fils de fer barbelés, les poux, les obus, les bombes, les sou- terrains, les cadavres, le sang, l’alcool, les souris, les chats, l’artillerie, la saleté, les balles, les mortiers, le feu, l’acier : voilà la guerre. C’est l’œuvre du diable” disait Otto Dix. Impa- rable description. J.-F.H.

Otto Dix, La Guerre (Der Krieg), Tranchées écroulées (photo

Canard poilu), etc. Ces jour- naux parais- saient au gré des combats et des périodes de rela- tif repos. L’un d’eux mention- ne non sans humour noir qu’il paraît “quand il peut et demande à ne plus paraître” …

“La vermine, les rats,

les fils de fer barbelés, les poux...”

A.A.D.A.G.P. Paris 2014 - Coll. Ronny et Jessy Van

Impressions du front Exposition jusqu’au 15 mars 2015 Musée du Temps à Besançon

de Velde, Anvers).