La Presse Bisontine 160 - Décembre 2014

ÉCONOMIE

39 La Presse Bisontine n° 160 - Décembre 2014

Quand les sociétés d’intérim polonaises font de la retape à Besançon BÂTIMENT Travailleurs détachés, une concurrence déloyale ? Pas un jour ne passe sans qu’un chef d’entreprise du bâtiment ne reçoive une offre pour embaucher des travailleurs détachés à 14 euros de l’heure. Certains acceptent, c’est légal. D’autres refusent, à l’image de la société Grisot basée à Besançon. Sur les chantiers, des situations deviennent ubuesques.

Michel Bigeard, responsable de la

société Grisot à

E n période de crise, moment où les carnets de commandes se rem- plissent difficilement, l’offre paraît alléchante. “Vous recherchez du personnel quali- fié et motivé ?” écrit un respon- sable d’une société de courtage d’intérim. Pas de problème, “le recours à la main-d’œuvre inté- rimaire polonaise peut être la solution qu’il vous faut” pour- suit-il. Des mails comme celui- là, Michel Bigeard de la société Grisot basée àBesançon en reçoit plusieurs dizaines par semaine. Spécialisée dans la charpente, la couverture, la toiture, l’en- treprise bisontine n’a jamais eu recours aux travailleurs déta- chés, une main-d’œuvre venue des pays de l’Est que ces fameuses sociétés d’intérim“met- tent à disposition” à prix défiants toute concurrence. Les offres varient entre 14 euros de l’heure et 25 euros, contre

Besançon : “Pour une question d’éthique, d’image, je n’embauche pas de travailleurs détachés.”

maison doit arriver à telle hau- teur et non à celle-ci tourne par- fois au cauchemar. C’est encore plus criant dans le secondœuvre lorsque l’électricien s’aperçoit que le placo-plâtre a été vissé des deux côtés de la cloison sans qu’il n’ait eu le temps de poser ses gaines. “Je ne souhaite pas que l’on traîne dans la boue ces personnes venues chercher du travail mais il est clair qu’il y a de gros problèmes de communi- cation. Dès fois, on se marre…” souligne le représentant de la société Grisot basée Chemin des Montarmots. S’ils ne sont pas moins perfor- mants que nos salariés français, les travailleurs détachés vivent souvent dans des conditions déli- cates pour ne pas dire précaires. “Pour une question d’éthique et d’image, je ne veux pas en embau- cher” poursuit Michel Bigeard qui fait dans l’autocritique. “À nous, aussi, professionnels du

environ 40 euros de l’heure pour un salarié français. Dans un autre courriel, cette fois reçu par une industrie, la société d’inté- rim “Uniapol” basée à Cracovie en Pologne propose de réaliser “l’ensemble des démarches admi- nistratives dans le respect des dispositifs et règlements polo- nais, français, européens.” Mieux, elle n’oublie pas de mentionner

que ses salariés parlent français. Une précision qui fait sourire Michel Bigeard. Ses 15 salariés sont régulièrement confrontés à des situations ubuesques sur les chantiers, avec des salariés embauchés par d’autres entre- prises. Dans le gros œuvre, expliquer que le pignon de la

“Le Far-West pour tout le monde.”

marché de dupe. De son côté, la fédération dépar- tementale du bâtiment et des travaux publics réclame “davan- tage de contrôles et que des sanc- tions soient prises contre les maîtres d’ouvrage qui sont ni plus ni moins que des receleurs. Il faut également en amont, com- me la F.F.B. vient de l’obtenir, rendre obligatoire la carte d’iden- tification professionnelle” explique le secrétaire général Rodolphe Lanz. La Fédération “doit accom-

pagner et surtout informer ses adhérents des risques pris par ceux qui pourraient céder aux facilités de la tricherie. Il faut que cette situation cesse ou alors qu’on nous dise clairement que notre modèle économique, repo- sant sur l’apprentissage, l’in- sertion, le respect des conven- tions collectives a vécu et que désormais c’est le Far-West pour tout le monde.”

bâtiment de mieux nous orga- niser pourmaintenir nosmarges.” Dernièrement, une société du Haut-Doubs a été contrôlée par les agents de la Police aux fron- tières. Elle employait des tra- vailleurs détachés dont certains n’étaient pas en règle.Une socié- té sous-traitante les avait aus- si engagées sur un chantier réa- lisé par une collectivité. La plupart des grands groupes qui sous-traitent font appel à des travailleurs détachés. Un vrai

E.Ch.

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