La Presse Bisontine 157 - Septembre 2014

22 DOSSIER I

La Presse Bisontine n° 157 - Septembre 2014

Beure

Créé par Jean Cretin Le musée Lucien Roy, un hommage permanent aux poilus Blessé au combat, Lucien Roy, un habitant de Beure, meurt en 1915. Jean Cretin, son neveu et ancien maire du village, réunira des souvenirs pour finalement ouvrir ce musée associatif il y a plus de trente ans.

Des centaines d’objets ont été rassemblés pour honorer la mémoire des poilus.

D ouze salles contiennent près de deux cent cin- quante mannequins en uniforme, de l’armement et des munitions, des documents rares, des milliers d’insignes et de médailles, un nombre impres- sionnant de drapeaux, l’hélice du S.P.A.D 1916 de l’adjudant Prêtre, coéquipier de Guynemer, de nombreux journaux d’époque, des maquettes de la Grande Guerre, des douilles d’obus gra- vées dans les tranchées et bien d’autres objets artisanaux réa- lisés par des soldats qui trou- vaient là un moyen de tuer le

çon un parchemin où figuraient les noms de tous les Morts pour la France. Il tenait également à faire le voyage chaque année à lʼArc de Triomphe pour rappor- ter la flamme de la tombe du sol- dat inconnu à Besançon pour commémorer le 11 novembre.

I l avait été aviateur lors de la Grande Guerre et blessé au combat comme bon nombre dʼautres “ailes brisées”. Vivant mais défiguré, il avait à cœur dʼentretenir la mémoire de ses camarades disparus. Par exemple en insérant dans le monument aux morts de Besan- Zoom Marius Eme

temps. “Beaucoup étaient des paysans ou des travailleurs manuels qui savaient faire quelque chose de leurs mains.” Le musée en conserve de belles preuves. “Ce qui rend la visite particulièrement émouvante vient du fait que tous ces objets,authen- tiques ont participé aux événe- ments qu’ils évoquent” explique Anne-Marie Bedet, présidente de l’association. Lesmannequins P armi la remarquable col- lection du musée de Beu- re, on trouve la célèbre lampe Monjardet, objet pliable et équipé dʼune bougie, qui équipait chaque poilu. Elle avait la particularité dʼêtre fabri- quée à Besançon. Plus loin, les mouchoirs dʼinstruction, une douzaine de morceaux de tissus imprimées avec les recommandations dʼusage Zoom

en uniforme per- mettent de se représenter les acteurs des évé- nements, les témoignages, pho- tos, objets per- sonnels de toutes sortes, lettres… aident surtout les

souffrances endurées par les com- battants et leurs familles. Jusqu’en décembre 2014, le musée Lucien Roy, en partena- riat avec les Archives départe- mentales, une exposition dans les locaux des Archives à Pla- noise dont le thème “Tous mobi- lisés” met l’accent sur le vécu des soldats et des civils notamment bisontins durant la guerre 1914- 1918.

Une exposition jusqu’en décembre.

Infos pratiques Musée Lucien Roy, 70 rue de Besançon à Beure. Tél.: 03 81 52 60 30

plus jeunes à mieux appréhen- der ces moments tragiques et les

Dans le paquetage des poilus

avec dessins à lʼappui pour lʼhygiène, le nettoyage du fusil ou encore la conduite à tenir en cas de capture par lʼennemi… Tous ces objets fai- sait partie du paquetage régle- mentaire. Le mouchoir d’instruction, pra- tique pour toujours l’avoir avec soi

L’uniforme avec pantalon rouge a précédé le moins voyant pour l’ennemi de couleur bleu horizon.

Hommage Né à Battant Lucien Bersot, fusillé pour… un pantalon

Un livre et un film A u début de la guerre, lʼarmée française ressemble selon les historiens à une troupe dʼarlequins. Lʼuniforme bleu horizon, fabriqué à grande échelle, nʼest toujours pas distribué aux soldats. Ils sont donc vêtus de vête- ments personnels, de pantalons de toile blancs perçus lors de lʼincorporation et pour dʼautre du célèbre “panta- lon rouge”. Un vêtement, qui, du fait de lʼhistoire de Lucien Bersot va entrer dans lʼhistoire. Un livre raconte cette incroyable histoire en 1982 avant que le cinéaste Yves Boisset ne le porte à lʼécran en 1997 sortant cet épiso- de de lʼoubli et offrant ainsi au soldat bisontin une nou- velle réhabilitation, médiatique celle-là.

ans de travaux forcés. Le cas Ber- sot est exemplaire. On parle de fusillés pour l’exemple, les auto- ritésmilitaires pensant ainsi mettre un terme à une indiscipline nais- sante chez les hommes de troupe. Le cas semblait une évidence : la peine infligée à Lucien Bersot ne correspond pas au Code de justi- cemilitaire, car le délit a été consta- té à l’arrière et non au contact de l’ennemi. Une nuance qui va au fil des années faire basculer la justi- ce au prix d’une longue luttemenée par la veuve du soldat qui a dû se battre pour l’honneur d’un mari qui n’était pas comme tant d’autres, mort au champ d’honneur ! Le corps ne lui a été restitué qu’en avril 1924, deux ans après l’arrêt de la cour de cassation réha- bilitant le soldat Bersot en ces termes : “Attendu que tous les témoi- gnages, recueillis au cours de l’enquête, sont unanimes pour éta- blir que Bersot était un brave sol- dat, courageux, aimé et estimé de ses camarades…que le fait retenu à la charge de Bersot n’a point pré- senté les caractères constitutifs de ladite infraction… que, par suite, c’est à tort qu’il a été déclaré cou- pable. Par ces motifs, réforme, dans l’intérêt du condamné, le jugement du conseil de guerre spécial du 60 ème régiment d’infanterie.” Lucien Ber- sot est réhabilité. Il n’aurait jamais dû être fusillé.

Maréchal-ferrant à Besançon, Lucien Bersot est incorporé au 60 ème R.I., régiment durement éprouvé lors des combats dans l’Aisne. En plein hiver, il demande au fourrier un nouveau pantalon pour remplacer le sien hors d’usage qui ne protège pas du froid. Le début d’un incroyable drame.

O n propose alors au sol- dat Bersot un panta- lon déchiré et souillé de sang prélevé sur un soldat mort. Il le refuse et écope dans un premier temps de huit jours de prison, puis le colonel déci- de de le faire traduire en conseil de guerre pour refus d’obéissance

en présence de l’ennemi ! Des camarades ten- tent alors de convaincre de changer le motif de la punition mais le 11 février 1915, le conseil condamne à mort le Bisontin Lucien Bersot qui est exé- cuté. Un des com- pagnons du condamné, Élie Cottet-Dumoulin, qui est intervenu auprès du lieute- nant-colonel pour tenter d’adoucir la sentence, est condamné lui à dix

Honneur bafoué puis retrouvé.

Lucien Bersot, fusillé pour avoir refusé de porter le pantalon d’un mort.

Un film a été tiré de cette sombre histoire.

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