La Presse Bisontine 153 - Avril 2014

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 153 - Avril 2014

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POLITIQUE Roland Cayrol “On risque d’assister à une sorte d’élection de 2008 à l’envers” Politologue, Roland Cayrol est directeur du centre d’études et d’analyses. Il faisait partie du jury du magazine L’Express qui a classé Besançon à la 9 ème place des villes les mieux gérées de France.

L a Presse Bisontine : Quels sont les enjeux de ces élections municipales 2014 ? Roland Cayrol : On sait que les municipales traditionnellement sont un mélange assez particulier d’élections locales où on désigne sonmaire qui reste la personnalité politique que les Français préfèrent, et d’élection à enjeu national. Car les municipales sont toujours une élection intermédiaire entre deux élections nationales où les gens expri- ment leur sentiment vis-à-vis de leurs diri- geants et envoient souvent un message de déception. Cette élection 2014 ne faillira pas à la règle. Une partie de l’électorat de gauche fera certainement passer ce mes- sage de déception. Ce n’est pas tant un chan- gement de camp auquel il faut s’attendre mais plutôt mécaniquement une baisse du vote de gauche due à l’abstention. L.P.B. : Vous pronostiquez une vague bleue ? R.C. : On parle moins d’une vague bleue à cause des affaires actuelles et de l’image de l’U.M.P. qui est probablement brouillée.Mais si on prend l’ensemble des communes de France, on assistera tout de même à une bascule de la gauche vers la droite. On pen- se assister à une sorte d’élection de 2008 à l’envers. On voit bien que dans certaines grandes villes, il y a un vrai danger pour la gauche comme àAngers, àMetz ou à Reims. L.P.B. : Et dans une ville comme Besançon ? R.C. : Sur le papier, tout est possible. Ceci dit, les villes les plus menacées sont celles où habituellement l’équilibre est beaucoup plus serré entre la gauche et la droite, ce qui n’est pas le cas de Besançon. Je pense que cette ville, traditionnellement à gauche depuis des décennies, devrait résister. C’est le cas de Paris également. L.P.B. : L’abstention sera une nouvelle fois la gran- de gagnante ? R.C. : Les municipales subissent hélas le sort de toutes les élections en France. La montée de l’abstention depuis 25 ans tra- duit une profonde grogne des Français par

rapport à la politique. Ils se disent que voter ne changera pas grand-chose à leur quoti- dien. Des jeunes en arrivent même à dire que s’abstenir est un devoir civique. Le pro- blème de la relation entre les citoyens et la politique est très profond. Il n’est pas impossible que cette fois-ci l’abstention soit encore plus forte. Il y a l’abstention struc- turelle à laquelle pourra s’ajouter l’abstention de tous les déçus du coupleHollande-Ayrault. L.P.B. : Quelle peut être la solution pour enrayer le phénomène ? R.C. : Il faut que les politiques comprennent qu’ils doivent rendre des comptes à leurs électeurs notamment en organisant des réunions en cours de mandat. Il y a des innovations à tester dans ce domaine et notamment avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux. L.P.B. : Les sondages ont-ils encore une influence sur le vote ? R.C. : Les sondages influenceraient le vote de 5 % des Français, ce qui est loin d’être négligeable quand une élection se joue à quelques centaines de voix près. C’est sur- tout vrai dans une élection où les sondages montrent qu’il y a enjeu fort et où le son- dage est serré. L.P.B. : Et les médias ? R.C. : Le rôle des médias est fondamental dans une élection. Le citoyen est de moins en moins un électeur d’habitude. Aujour- d’hui, l’électeur est moins tenu par les tra- ditions familiales, sa classe sociale ou un attachement à un parti. On le voit dans les familles ou au bureau où on a de moins en moins de conversation politique. C’est donc par les médias qu’on se fait aujourd’hui son opinion.Sur ce point,lesmédias locaux jouent pleinement leur rôle, ce qui est moins vrai des médias nationaux qui se sont aperçus que les émissions nationales sur les muni- cipales nemarchaient pas. Sur le plan natio- nal, la campagne est plus atone que d’habitude.

Roland Cayrol est venu plusieurs fois à Besançon dans le cadre de rencontres économiques et politiques.

L.P.B. : On a le sentiment que la communication joue un rôle de plus en plus grand pour les candidats. Vous confirmez ? R.C. : Elle est absolument essentielle. Les gens sont tellement éloignés de la politique qu’il faut aller les chercher par tous les moyens. Sur ce plan, il y a deux moyens qui se révèlent efficaces. D’abord unmoyen très classique qu’Obama a remis au goût du jour : c’est le porte-à-porte. Cette méthode super- classique revivifiée ces dernières années est payante. On estime qu’une visite sur 19 est transformée en vote. Le deuxième bien sûr, ce sont les réseaux sociauxmais que les can- didats une fois élus feraient bien de conti- nuer à activer. Il y a un troisième élément qu’il ne faut pas négliger, ce sont les pro- fessions de foi électorales qui sont beaucoup plus importantes que ce qu’en pensent les candidats. Les gens les lisent. Enfin, les réseaux associatifs jouent un rôle impor- tant en tant que leaders d’opinion. L.P.B. : Les extrêmes et notamment le Front Natio- nal joueront-ils les arbitres ? R.C. : Pas tant que cela à mon avis. Le F.N. n’est présent que dans un peu moins de 600 communes sur 36 000. Son score sera très modeste au niveau national je pense. Il part pour gagner quelques villes dans le Midi, peut-être dans le Nord. Le F.N. peut faire mieux qu’en 2008 où il avait fait un score pitoyable, mais les municipales ne sont pas une élection pour le F.N.

L.P.B. : Au final, comment réconcilier les électeurs avec la politique ? R.C. : Je le répète, la balle est dans le camp des politiques.Il faut absolument qu’ils repren- nent l’initiative et offrent desmoyens de fai- re participer les citoyens.Les efforts déployés sur les réseaux sociaux doivent être prolon- gés pendant lesmandats. Il ne faut pas hési- ter réunir des citoyens avec des experts dans des conférences de citoyens.Quand ondeman- de aux gens impliqués de faire un rapport, les gens se sentent très concernés. L.P.B. : L’élu local mérite-t-il un vrai statut ? R.C. : Le “métier” de maire est devenu une fonction très prenante si bien qu’il est deve- nu de plus en plus compliqué de trouver des gens qui veulent bien s’investir pour une indemnité relativement faible. Cela tient aussi au fait qu’en France on a énor- mément de communes, autant que 15 pays d’Europe réunis. Le statut de l’élu doit être la contrepartie de l’implication citoyenne. Il est important que l’élu soit considéré comme un cadre avec tout ce que cela implique, c’est-à-dire une rémunération, une protection sociale, une retraite, etc. Le souci est que cela coûterait et qu’en cemoment, tout cela n’est pas très populaire.Mais avec le regroupement des communes, je suis per- suadé que les citoyens seraient d’accord avec l’idée d’instaurer un vrai statut à leurs élus locaux. Propos recueillis par J.-F.H.

Bio express Né en 1941, Roland Cayrol est directeur de recherche Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Il est également directeur de collections aux éditions Calmann-Lévy et fut directeur de l’institut de sondages C.S.A. On le voit commenter l’actualité politique dans l’émission “C dans l’air” sur France 5. Ses travaux portent sur les médias et leur influence politique, les structures de l’opinion publique et les comportements politiques comparés, en France et en Europe. En 2008, il a cédé ses parts dans l’institut C.S.A. à Vincent Bolloré. Tout en restant “conseiller permanent”, il a quitté ses responsabilités directes chez C.S.A. Il a écrit une dizaine d’ouvrages politiques et trois romans.

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