La Presse Bisontine 152 - Mars 2014

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n° 152 - Mars 2014

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SOCIÉTÉ Elle s’attaque aux tabous L’amour en fauteuil

A mélie Laguzet est mariée. Elle est maman de deux fillettes et habite un pavillon dans la vallée duDoubs. “J’ai une vie normale” annonce-t- elle, comme beaucoup d’autres femmes de sa génération. Mais ce qui semble être une évidence à ses yeux, ne tombe pas sous le sens, vu dumonde des valides, où les clichés sur les personnes handicapées ont la vie dure. “Lorsque je me promène en ville avec ma famille, des gens croient que mon mari est mon auxiliaire de vie, et mes filles, mes nièces” raconte Amélie. L’anecdote la fait sourire maintenant, mais elle prouve qu’à notre époque, on s’étonne encore qu’une per- sonne à mobilité réduite puisse avoir une vie familiale et amoureuse. Cette femme coquette de 35 ans est en fauteuil roulant. Elle est devenue tétraplégique à la suite d’un accident de la route survenu dans les années quatre-vingt-dix. Meurtrie, paralysée,Amélie Laguzet a trou- vé la force de se reconstruire. De son expé- rience terrible, elle en a fait un combat pour pulvériser les tabous autour du handicap selon lesquels, par exemple, une femme à mobilité réduite ne pourrait pas devenirmère. Elle insiste pour faire taire les incrédules : “J’ai eu mes enfants après mon accident !” Militante enthousiaste, Amélie Laguzet chemine dans son engagement. Cette fois- ci, elle est déterminée à faire éclater un débat ignoré ou plutôt volontairement écar- té dans notre société : celui de la sexuali- té des personnes en situation de handicap. Élue au conseil départemental de l’association des paralysés de France, elle est aussi vice-présidente de l’association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (A.P.P.A.S.) créée en 2013 par Mar- cel Nuss et parrainée par Brigitte Lahaie. Cet organisme agit pour qu’une personne handicapée puisse bénéficier à sa deman- de des services tarifés d’une assistante ou d’un assistant sexuel. Présenté sous cet expérience terrible. Vice-présidente de l’A.P.P.A.S., elle milite pour la promotion de l’accompagnement sexuel des personnes en situation de handicap. Tétraplégique depuis l’âge de 16 ans, Amélie Laguzet a fait un combat de son

Portrait d’Amélie Laguzet réalisé par Jack Varlet. Photo prise dans le cadre d’un atelier organisé par l’A.P.F. sur l’estime de soi. Une exposition est en préparation.

Renseignements : www.appas-asso.fr

angle, ce pour quoi se bat l’A.P.P.A.S. relè- ve d’une forme de prostitution, certes “spé- cialisée”, mais contre laquelle lutte l’actuel gouvernement. “Nous voulions demander une dérogation à la loi.Mais cela n’avancera pas” estime Amélie Laguzet. L’A.P.P.A.S. a donc choisi de poursuivre son action assumant le risque d’être en contra- diction avec la législation. “Devant les faits, il faudra bien que s’ouvre le débat au niveau national. Nous pourrons alors avancer sur le sujet.” L’association souhaiterait que soit reconnue enfin la misère sexuelle et affec- tive dont souffrent beaucoup de personnes handicapées, isolées, esseulées vivant chez elles ou en établissement spécialisé. Pour- quoi n’auraient-elles pas droit à la ten- dresse, au désir, elles aussi ? Du fait de leur état physique et mental, la souffrance serait plus prégnante chez elles que chez des valides privés d’amour. “Ce que les gens doi- vent comprendre, c’est que des personnes lourdement handicapées n’ont pas accès à leur corps. Elles ne peuvent pas se toucher.

avec les personnes qu’elles aident” affirme la vice-présidente de l’A.P.P.A.S. À force de persévérance, le dogme se lézarde. Amélie Laguzet vient d’obtenir de l’I.R.T.S. (institut régional du travail social) qu’il réalise une enquête en Franche-Comté dans les établissements qui accueillent des per- sonnes en situation de handicap pour voir comment est abordée la question de la sexualité. Elle va rencontrer bientôt l’association “Putain dans l’âme” de Besan- çon pour voir quelle approche les tra- vailleuses du sexe ont du handicap. L’A.P.P.A.S. progresse dans son combat. Bientôt elle proposera les premières for- mations aux personnes qui veulent deve- nir assistante sexuelle, homme ou femme. “Chaque personne devra avoir un travail. Chacune d’elle devra aussi en informer sa famille. Vous le voyez, nous ne sommes pas dans le domaine de la prostitution tel qu’on l’entend habituellement.” Il y a longtemps que nos voisins suisses l’ont compris. T.C.

Mais leur désir est bien là ! Nous savons aujourd’hui qu’il y a une demande de la part de ces personnes pour un accompa- gnement sexuel. Cette demande, qui ne vient pas que des hommes, est plus forte encore chez celles qui sont handicapées de nais- sance. Elles ont parfois juste besoin d’un câlin.” Amélie Laguzet est la porte-parole de ces hommes et de ces femmes qui n’ont pas eu la chance comme elle de construire une vie de famille malgré le handicap. “Comment voulez-vous vous sentir désirable lorsque pendant des mois, des années, vous n’avez été qu’un objet de soins ? Comment voulez- vous rencontrer l’autre lorsque vous n’avez jamais été “un objet” de séduction ?” Ces questions simples, évidentes, viennent per- cuter la morale de la bien-pensance qui les occulte alors que l’on sait que l’accompagnement sexuel est déjà toléré dans certains établissements qui accueillent des personnes handicapées. “On sait aus- si que des auxiliaires de vie agissent ainsi

Bio express 1978 - Naissance à Montbéliard 1995 - Accident de la route en avril. Elle a 16 ans. S’ensuivront 3 ans de rééducation. Elle est tétraplégique. 2006 - Naissance de sa première fille. 2009 - Naissance de sa deuxième fille. 2012 - Élection au conseil départemental de l’association des paralysés de France du Doubs. 2013 - Vice-présidente de l’association pour la promotion de l’accompagnement sexuel.

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