La Presse Bisontine 149 - Décembre 2013

A g e n d a

La Presse Bisontine n° 149 - Décembre 2013

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“Le théâtre d’improvisation ne s’improvise pas” Improviser au théâtre est une performance pour les acteurs. Dans les compagnies bisontines Arti et Ludi, des amateurs venus de tous les horizons apprennent avec François Aviles à mettre en scène leur imaginaire. Rencontre. THÉÂTRE - DES SPECTACLES TOUT AU LONG DE L’ANNÉE

L a Presse Bisontine :Vous avez créé en 2001 la compagnie Arti qui accueille aujourd’hui dans ses ateliers 120 per- sonnes de tous les âges qui s’initient au théâtre d’improvisation. En parallèle, la compagnie Ludi, une des 6 ligues universitaires d’improvisation en France, créée en 1999, compte 22 comédiens. Ces per- sonnes viennent-elles de tous les hori- zons ? François Aviles : Des gens de tous les milieux sociaux participent à nos ateliers. Cette diversité-là est inhérente à cette discipline. C’est d’ailleurs ce qui en fait la richesse. Plus on a de monde fina- lement, et plus il se crée d’univers différents. L.P.B. :Ces compagnies sont très actives puisque tout au long de l’année vous organisez des spectacles à Besançon et dans sa région. Il y a des matches d’improvisation, des catchs d’improvisation et même un marathon de l’improvisation qui aura lieu en juin. Pouvez-vous nous rappeler le principe de toutes ces formules ? F.A. : Le match est une confron- tation amicale de deux équipes de quatre ou sept comédiens, managées par un coach. Il y a deux manches de 45 minutes. Les équipes vont devoir impro- viser sur un thème tiré au sort et inventé par l’arbitre. Dans le catch impro, ce sont deux équipes de deux comédiens qui s’affrontent. Les plus aguerris de l’Arti participent au catch qui a lieu toujours salle Battant. L’affrontement n’est qu’un pré- texte. On gagne lorsqu’on a fait

un bon spectacle. Le 7 juin 2014, nous organisons le marathon de l’impro qui va durer 12 heures, et durant lequel on mélange toutes les équipes créant ainsi un brassage générationnel. L’année dernière, nous avions organisé les 30 heures d’impro non-stop. L.P.B. : Vous arbitrez les matchs d’improvisation. Qu’est-ce qui vous gui- de dans le choix des thèmes sur les- quels devront improviser les comé- diens ? F.A. : Tout peut être source d’inspiration : les livres, les jeux de mots, l’actualité. L’important est que le thème retenu soit déclencheur de l’imaginaire du comédien. Il est le point de départ de tout. Par exemple, “le temps et l’aube”, cela veut tellement rien dire que ça peut aussi tout dire. C’est très ouvert. Il arrive que le thème se résume à un mot qui amènera peut-être l’acteur à jouer un objet, un animal, un légume, un personnage imagi- naire ou un être humain. Ainsi la pièce improvisée peut tourner autour de la rencontre entre une personne et une carotte. L.P.B. :Comment se préparent les acteurs à donner corps finalement à leur ima- ginaire ? F.A. : Le lâché prise est très impor- tant. Il faut être dans cette “non- peur” du vide. Il n’y a pas véri- tablement de code dans le théâtre d’improvisation mais beaucoup de technique. Tout repose sur un triptyque connu de tous les acteurs : “je t’écoute, je t’accepte,

je construis”. À partir de là, on peut développer n’importe quel- le histoire. L’efficacité de la piè- ce tient dans la capacité à marier le plus vite possible les univers des comédiens. L.P.B. : Il n’y a pas de décor en théâtre d’improvisation et les acteurs ne sont pas seulement acteurs, ils se mettent en scène et n’ont pas de texte prépa- ré. C’est une vraie difficulté voire une performance ? F.A. : Dans ce théâtre, on est comé- dien, on est son propre auteur et son propre metteur en scène. Chacun d’entre nous porte les trois casquettes du théâtre. Com- me il n’y a pas de décor, le mime et la pantomime ont une gran- de importance. Nous sommes dans l’émotion, l’intention, la richesse du corps contrairement au théâtre à texte, costumé, plan- té dans un décor qui donne au spectateur des éléments de com- préhension de l’histoire qui se déroule sur scène. Nous, nous sommes en baskets et t-shirt noir et nous interprétons n’importe quel personnage. Avec cela nous devons entraîner le public dans notre univers. L.P.B. : L’inspiration qui doit être immé- diate, se travaille-t-elle ? F.A. : Si on fait du théâtre d’improvisation, c’est pour a prio- ri pouvoir tout interpréter. L’instantanéité oblige l’acteur à faire appel à une culture litté- raire, cinématographique, télé- visuelle, de la vie quotidienne aussi, qui va l’aider à construi- re son propos. C’est un vrai entraî-

gence dans le propos. Il me semble important de donner ce cadre pour qu’à l’intérieur tout soit pos- sible. En réalité, l’improvisation ne s’improvise pas. Il faut apprendre à s’auto-mettre en scè- ne et en même temps que l’on joue à avoir un regard sur ce que l’on produit. Plus on est crédible dans un personnage et plus le côté auteur metteur en scène s’efface. L.P.B. : Est-ce qu’un acteur de théâtre à texte peut faire de l’improvisation et inversement. Y a-t-il une passerelle entre ces deux mondes ? F.A. : A la base, cela reste du théâtre. Quelqu’un qui fait de l’improvisation est comédien. Il n’y a donc pas de raison qu’il ne puisse pas faire du théâtre à tex- te. L’inverse n’est pas forcément vrai. Ce n’est pas une question de code mais d’expérience. Dans l’improvisation, nous sommes, je le rappelle, comédien, auteur, metteur en scène. C’est une for- me de liberté très stimulante à mon sens. Dans le théâtre à tex- te, l’approche est différente. Un jour une comédienne m’a dit : “je suis une artisane de théâtre dans le sens ou j’interprète le texte d’un auteur.” L’image est assez juste. L.P.B. : Cependant vous a-t-on déjà reproché un côté trop populaire ? F.A. : Pour moi, théâtre et popu- laire devrait être un pléonasme.

nement. D’ailleurs après une période de vacances, il faut du temps pour retrouver sa dispo- nibilité corporelle et intellec- tuelle. Personnellement, j’ai envie qu’après un match d’improvisation (15 histoires en une heure et trente) que le public ait vu des contes et légendes, des ambiances policières, poétiques ou chanté. Le public qui va voir dix spectacles verra dix spec- tacles différents. L.P.B. : Ce théâtre est-il forcément comique ? F.A. : La comédie n’est pas la fina- lité. La finalité, c’est la diversi- té. Mais il est vrai que les deux tiers des pièces utilisent le registre de l’humour. L.P.B. : Comment l’acteur parvient-il à maîtriser sa peur du vide ? F.A. : Le vide est un atout fabu- leux. En atelier, on fait tout un travail sur le développement de l’imaginaire. En revanche, nous ne donnons pas aux acteurs une banque de personnage dans laquelle ils pourraient puiser en fonction de la situation. On leur donne les clés pour construire un personnage et être crédible dans le rôle qu’ils improvisent. Le vide n’est plus un obstacle mais un moteur. L.P.B. : Par définition, ce théâtre est éphémère. N’est-ce pas frustrant de laisser passer une bonne improvisa-

tion qui pourrait deve- nir une comédie, par exemple, écrite et mise en scène ? F.A. : C’est vrai, un spectacle chasse l’autre. Il y a des improvisations mémorables que nous gardons dans nos têtes. Par principe, elles ne sont ni enre- gistrées, ni fil-

“Un outil en terme de formation.”

mées. Il n’y a pas de frustration car nous sommes toujours dans l’action. La finalité du théâtre d’improvisation n’est pas de noter ce qui fonctionne ou qui ne fonc- tionne pas pour en faire autre chose. La discipline perdrait de sa spontanéité. L.P.B. : Comment le milieu du théâtre d’improvisation est-il considéré par celui du théâtre classique ? F.A. : Ce n’est pas général, mais il arrive, à tort ou à raison, que le théâtre d’improvisation soit peu considéré par le théâtre à texte. J’explique cela par le fait qu’il existe des ligues d’improvisation qui sont moins dans le théâtre que dans le concours de tchatche.Arti et Ludi ne sont pas de cette école. Par exemple, dans l’improvisation, je suis attentif à ce qu’il n’y ait pas de grossièretés et rien en dessous de la ceinture. J’ai envie qu’il y ait cette tenue, cette exi-

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CALENDRIER

JEREMY FERRARI

NOLWENN LEROY

~#GN er BűACN@SC 18h00 BESANÇON MICROPOLIS

~1?N J?OWGCS 20h30 BESANÇON GRAND KURSAAL

~+CS J?OWGCS 20h30 BESANÇON MICROPOLIS

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