La Presse Bisontine 148 - Novembre 2013
L’INTERVIEW DU MOIS
La Presse Bisontine n° 148 - Novembre 2013
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POLITIQUE
Jacques Pélissard, le président des maires de France “Les maires ont encore une crédibilité”
Député-maire de Lons-le-Saunier et président de l’association des maires
de France, l’U.M.P. Jacques Pélissard estime que les élus
L a Presse Bisontine : Les 19, 20 et 21 novembre aura lieu le 96ème congrès des maires et présidents de commu- nautés de communes de France. Quelles sont actuellement les principales préoccupa- tions des élus locaux ? Jacques Pélissard : Elles sont de plu- sieurs natures. Il y a notamment des problématiques financières puisqu’on assiste à une baisse des dotations d’État de 840 millions d’euros. Elle se conjugue à une augmentation des charges des communes, ce qui crée un effet ciseau infernal.Mais il y a également d’autres questions qui font débat en matière d’organisation territoriale par exemple et la mise en place des P.L.U.I. (plan local d’urbanisme intercommunal). L.P.B. : Pour quelle raison les maires sont-ils si peu favorables au projet de loi sur les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (P.L.U.I.) dont le but est de donner plus de cohérence encore à l’aménagement des territoires ? J.P. : Nous sommes vent debout contre le P.L.U.I. car il est prévu de l’imposer de façon systématique, alors qu’il devrait s’appliquer sur la base du volontariat. Nous sommes franchement hostiles à ce principe d’automaticité. L.P.B. : Nous sommes en période pré-électo- rale. Redoutez-vous que les difficultés à gérer une commune finissent par décourager les élus locaux, voire à engendrer une crise de l’engagement ? J.P. : En général, 40 % des maires ne se représentent pas. On le sait. Cer- tains d’entre nous sont découragés. Certes le contexte est difficile, mais pour l’instant il n’y a pas de “vague” de désengagement. Néanmoins, ceux qui sont candidats à la fonction, ont chevillée au corps une passion pour leur commune. En revanche, si les marges de manœuvre des maires conti- nuent de s’atténuer, alors oui, nous pourrions assister à une crise de l’engagement dans les années à venir. L.P.B. : Vous êtes maire de Lons-le-Saunier. Comptez-vous vous représenter ? J.P. : Je ne le sais pas encore. Je me pro- noncerai sur cette question d’ici la fin de l’année. Pour l’instant, je suis dans l’action. L.P.B. : Parmi les sujets qui préoccupent les élus locaux, il y a la réforme des rythmes sco- laires. L’association des maires de France a envoyé un questionnaire aux 4 000 communes qui ont appliqué la réforme à la rentrée 2013 afin d’avoir un retour sur l’expérience. Avez- vous déjà les résultats de cette enquête ? J.P. : Non, nous n’avons pas les retours. publique doit retrouver ses lettres de noblesse. locaux bénéficient d’une crédibilité que les élus nationaux n’ont plus. Selon lui, la parole
Jacques Pélissard
annoncera d’ici la fin de l’année son intention de se représenter ou non à la mairie de
Lons-le- Saunier.
pris, et il y a eu trop de promesses non tenues. L.P.B. : Vous êtes maire de Lons-le-Saunier, député U.M.P. et favorable au cumul des man- dats. Pourquoi ? J.P. : La réforme sur le non-cumul ne présente pas d’intérêt. Le cumul per- met à un élu d’avoir du poids à Paris. Si nous étions dans un système décen- tralisé, les choses seraient sans dou- te différentes car nous pourrions por- ter notre message à Besançon par exemple, ou à Dijon. Or, ce n’est pas le cas. Pour être audible à Paris, il faut unmandat de parlementaire. Le cumul permet encore d’avoir les élus qui conservent un pied sur le terrain. L.P.B. : N’avez-vous pas le sentiment que le Jura est un peu le parent pauvre le la région Franche-Comté ? J.P. : Nous sommes un peu oubliés en effet.Mais ce n’est pas nouveau. Lorsque j’étais jeune maire j’avais dit à Pierre Chantelat président de Région à l’époque : “Nous sommes les Francs- Comtois du sud. Ne nous transformez pas en sudistes de la Franche-Comté, car on risque de faire sécession.” Nous sommes moins pris en considération que le Nord Franche-Comté. On a sans doute une part de responsabilité. Il faut qu’on affirme davantage notre présence. Propos recueillis par T.C.
gauche pour un mai- re, et inversement. Lors des munici- pales, les électeurs prennent en compte la qualité des hommes et des femmes qui se pré- sentent. Ils tiennent compte du bilan, des projets, c’est avant tout un rapport de confiance. L.P.B. : L’U.M.P. est un parti sous tension depuis plusieurs mois. Que pen- sez-vous des querelles intestines entre François Fillon et Jean-François Copé ?
En revanche, on a des remontées de terrain, sur le taux d’encadrement ou sur le financement, et là, le compte n’y est pas. J’ai obtenu justement que soit mis en place un groupe de travail sur la question de l’encadrement qui est ubuesque. En effet, pour les mêmes enfants, le taux d’encadrement est dif- férent en fonction des heures. C’est absurde. L.P.B. : Récemment vous avez rencontré Jean- MarcAyrault au sujet de la réforme des rythmes scolaires.Vous avez obtenu du Premier ministre une reconduction pour 2014 du fonds d’amorçage…
et demi début janvier et non pas le 15 octobre comme cela était prévu. Ce délai supplémentaire doit permettre aux communes d’organiser la concer- tation. L.P.B. : Êtes-vous personnellement favorable à cette réforme ? J.P. : Les spécialistes disent que le temps idéal pour l’enfant est la semaine de quatre jours et demi. Cela a été dit par Vincent Peillon et par Luc Chatel avant lui. Nous sommes ouverts à cette réfor- me à condition qu’elle s’accompagne de compensations financières et que le principe de liberté des communes soit respecté. Elles doivent pouvoir choisir de ne pas organiser les trois heures de périscolaire qui sont une charge pour elles, au même titre que les familles peuvent décider de ne fai- re participer leurs enfants à ces acti- vités. Cette réforme est beaucoup plus difficile à appliquer dans les zones rurales qu’en milieu urbain. Il faut donc laisser aux communes le choix. L.P.B. : Dans quelle mesure, selon vous, le contexte national peut-il faire basculer de gauche à droite une ville comme Besançon ? J.P. : Je ne connais pas en détail la situa- tion de Besançon. Mais je remarque que les questions politiques ne sont pas essentielles dans le débat muni- cipal. Des communes peuvent voter à droite lors de la présidentielle et à
“Pour être audible à Paris, il faut être parlementaire.”
J.P. : Pour les communes qui appliqueront la réfor- me à partir de la ren- trée 2014, j’ai obtenu qu’elles puissent béné- ficier d’aides identiques à celles versées en 2013. Ces aides, en fonction de la situation de la com- mune, iront de 50 à 140 euros par enfant. J’ai obtenu encore du Pre- mier ministre que toutes les communes qui bas- culeront au nouveau rythme en 2014 puis- sent communiquer aux académies leur calen- drier de retour à la semaine de quatre jours
“Une addition d’appétits personnels.”
J.P. : Il y a des tensions. Un parti poli- tique tel que le nôtre ne devrait pas connaître une addition d’appétits per- sonnels. Il devrait proposer une vision de redressement de notre pays, une vision de société et ne pas faire plai- sir à quelques-uns. Nous avons besoins aujourd’hui de retrouver une crédibi- lité dans la parole publique. Cela vaut pour tous les partis. En revanche, les maires ont encore une crédibilité, car ils sont jugés sur des résultats concrets, sur des projets. Mais au niveau natio- nal, les élus ne sont plus crédibles car beaucoup d’engagements n’ont pas été
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