La Presse Bisontine 147 - Octobre 2013

ÉCONOMIE

40 La Presse Bisontine n° 147 - Octobre 2013

FERROVIAIRE Une industrie qui ne connaît pas la crise Ornans et la locomotive Alstom 400 salariés conçoivent et fabriquent des moteurs équipant des trains du monde entier. À Ornans, Alstom a trouvé la bonne carburation pour devenir un des leaders mondiaux. Son carnet de commandes est rempli jusqu’en 2015. Visite d’une success-story née en bord de Loue.

Frédéric Groslambert, responsable de la production, rappelle que toutes les pièces sont conçues et assemblées ici. Le travail est parfois artisanal.

P as de moteur Made in Ornans dans le futur tram bisontin. Et alors ! Plutôt que ressasser le passé ou de se proclamer prophète en son pays, Alstom Ornans bosse. Ou plutôt “ils” travaillent les sala- riés, 400 au total, à rechercher, concevoir, développer et fabriquer des moteurs qui équiperont des trains dumonde entier. Ils gèrent même le service après-vente,preu- ve qu’ils savent tout faire lesméca- niciens du rail. D’ailleurs, si Alstom a perdu le marché des moteurs du tram

bisontin, elle a récemment obte- nu celui de Dijon, de Tours et d’Aubagne. Ou encore ceux d’Ottawa, au Canada, pour 400 millions d’euros. L’usine a également validé un projet en Afrique du Sud, un autre en Chi- ne, au Chili, en Suède pour la création de 446 moteurs, ou plus récemment en Russie. Tiens, la Russie, parlons-en. Si l’usine a décroché le contrat de 64moteurs, c’est parce qu’elle est capable de confectionner un moteur pour train qui parviendra à résister au froid sibérien.

Rendue célèbre par un certain Gustave Courbet, peintre de son état, la ville d’Ornans sait-elle que d’autres “petites” mains ont dessiné ici en bord de Loue l’histoire du train à grande vites- se (T.G.V.) ? C’est en effet dans l’atelier du département ingé- nierie situé dans les 37 000m 2 de l’industrie que lemoteur à aimant est né. “Le record du monde de vitesse (N.D.L.R. : 574 km/h), c’est un peu grâce à nous” sourit une salariée.La société fut la première à valider cette technologie per- mettant au moteur de dégager des mégawatts d’énergie entraî- nant les rames à haute vitesse. “Nos concurrents tentent d’en fai-

Alstom, une saga vieille de 143 ans 1870 : Un établissement est créé pour fabriquer du matériel élec- tro-technique 1919 : Lʼusine dʼOrnans est rache- tée par Oerlikon (A.C.O.) 1972 : Oerlikon devient filiale de la C.E.M. et sʼappelle Traction C.E.M. Oerlikon (T.C.O.) 1984 : T.C.O. devient un éta- blissement de la division Trans- port Ferroviaire dʼAlsthom (T.R.O.). Ornans est centre dʼExcellence Moteurs de Trac- tion Alstom Transport 2007 : Participation au record du monde de vitesse sur rail à 574,8 km/h 2008 : Réimplantation industrielle pour intégrer la ligne de pro- duction “moteurs à aimants per- manents”

Alstom Ornans, c’est 37 000 m 2 de surface et 400 employés.

Ornans peut en effet concevoir 200 moteurs pour une comman- de au Canada comme elle peut concevoir une poignée demoteurs qui iront au Chili. “Certains pays veulent des moteurs plus com- pacts. D’autres plus grands. À nous de nous adapter” témoigne le chef de production.Visiblement, Ornans sait le faire. En 1981 lorsque l’usine a conçu le premier moteur de T.G.V., celui-ci pesait 1,5 tonne pour 500 kW de force. En 2007, le dernier moteur sorti des chaînes pesait 750 kg pour quatre fois plus de puissance. Avec ses moteurs, Alstom sem- blent sur les bons rails. À elle de choisir le bon aiguillage : celui de l’innovation.

“La concurrence,elle ne nous déran- ge pas.C’est la concurrence déloya- le qui nous embête” lâche Frédé- ric Groslambert, le responsable de production. Parmi les 400 personnes qui se relaient six jours sur sept en 2 X 8 sur le site situé à l’entrée de vil- le, 50 % sont des ouvriers, 30 % des techniciens et enfin 20 % des cadres. Si la société a recours à l’intérim voire aux contrats à durée déterminée, elle embauche régulièrement. La dernière vague de recrutement remonte à 2012 : 11 personnes sont venues gros- sir les rangs. “Cette année, nous avons embauché une personne en recherche et développement” com- mente la direction. Un univers serein qui se ressent dans l’atelier. “Il y a un véritable savoir-faire ici qui ne s’apprend pas du jour au lendemain” , dit Ludovic à l’atelier de bobinage. Habitant de Valda- hon, il travaille ici depuis 23 ans sans que son travail ne devienne rébarbatif : “On travaille sur 25 moteurs différents. Pour les jeunes que nous formons, il faut environ 6 mois pour maîtriser le bobina- ge” commente-t-il tout en sur- veillant son collègue Stéphane, en phase d’apprentissage, pour lui apprendre à bien bobiner.Une erreur et c’est le moteur qui ne fonctionnerait pas. Chaque jour, environ 15 moteurs sortent des ateliers. Et chaque département tient une place importante. De la tôlerie où les feuilles d’acier arrivent, lemoteur est ensuite façonné, décapé, peint, usiné, assemblé, contrôlé. “Nous essayons de standardiser les moteurs comme ceux qui équipe- ront les tramways Citadis. Pour le reste, il faut s’adapter.”

re de même” dit le directeur de site. Les adversaires ont tenté de copier. Ils n’ont - pour l’instant - pas encore fran- chi le cap de la com- mercialisation. Bref, Alstom Ornans préserve ses secrets de fabri- cation et prend à garde à ce qu’aucun appareil photo n’entre dans l’atelier d’ingénierie.

Des moteurs pour le froid sibérien.

Une partie de la production, notamment l’isolation des câbles, requiert la main de l’homme… ou plutôt la dextérité des femmes. Ludovic et Fernando réa- lisent le bobinage d’un moteur qui entraînera un train au Chili.

Le coût d’un moteur S i la société nʼa pas souhaité communiquer le prix dʼun moteur de T.G.V., elle rappelle que le coût dʼun moteur est composé pour moitié des éléments de production, lʼautre partie étant la main-dʼœuvre. Le processus de fabrication nʼest pas automatisé. La main de lʼhomme est indispensable à de nombreuses reprises. Dernière réalisation : 84 moteurs pour le tram de Tours, entré en fonction depuis peu.

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