La Presse Bisontine 143 - Mai 2013

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n° 143 - Mai 2013

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CHALÈZE

Le maire-agriculteur Malgré le handicap, Christophe trace un nouveau sillon Paraplégique après un

C hristophe Curty est marié, papa de Léa, Marion et Pier- re. Le 14 juillet 2010, sa vie bascule sur la route de Salins- les-Bains menant à Nans-sous-Sain- te-Anne. Dans la vallée du Lison, le quadragénaire perd le contrôle de sa moto, une Kawasaki Z 1 000. Il glis- se sur la chaussée et percute une glis- sière de sécurité. Il est conscient, les secours le transportent à l’hôpital où le diagnostic tombe : fracture de la colonne vertébrale et compression de la moelle épinière l’empêchant de se mouvoir ou ressentir une once de sen- sation, de son tronc jusqu’à ses orteils. Un terrible coup du sort pour ce “gaillard” habitué à vaquer à de nom- breuses occupations dans son exploi- tation agricole à Chalèze. Suivront hyperactivité l’oblige à dépasser son handicap : une leçon de courage. accident de moto, Christophe Curty se reconstruit. L’agriculteur de Chalèze conduit à nouveau ses machines et gère sa commune dont il est le maire. Cette

Du matériel spécifique a été installé dans le tracteur de Christophe Curty, paraplégique, afin qu’il puisse le piloter.

deux longues années de soins et de rééducation. D’abord à l’hôpital puis au centre de soins de Bregille à Besan- çon, spécialisé dans l’accueil des acci- dentés de la route. Là-bas, il côtoie d’autres personnes dont le corps est broyé. À force de courage et de moti-

vation, il revient à la ferme, aidé mora- lement par sa famille et ses amis proches venus régulièrement lui rendre visite. “Je ne me suis jamais senti seul” raconte-t-il, comme pour remer- cier ces soutiens. Deux ans après, Christophe a quitté

le sol aseptisé des salles de rééducation pour la terre battue de sa fer- me où il retrouve l’odeur des 240 vaches charo- laises, le bruit des trois tracteurs vrombissant, et la présence de son petit frère. Un bonheur simple même s’il est - encore - cloué dans son fauteuil vert, comme si cette couleur était un signe, celui de son atta- chement à la terre. Son frère Olivier a d’ailleurs tout fait pour que son aîné puisse revenir à l’exploitation dans les meilleures conditions en

avoir vu des personnes réduites à l’état de légume lorsque j’étais en rééduca- tion. Moi, j’ai encore mes bras, ma tête, une famille. Je vais de l’avant. J’ai trouvé dans cette équipe de sport une âme” témoigne le basketteur dont l’équipe pourrait se maintenir en Nationale 1. Autre bonheur : avoir retrouvé sa pla- ce dans son tracteur, un John Deere de 150 chevaux avec lequel il labou- re les futurs champs de maïs ou de céréales. “Nous avons équipé deux de nos engins avec un matériel spécifique afin que mon frère puisse conduire seul. Ils sont partis pendant trois semaines à Toulouse dans une entre- prise spécialisée où un système élec- trique a été installé sans qu’il ait besoin de nous pour monter dans la cabine. La semaine dernière, il a labouré 15 hectares de terrain et pu cet hiver m’aider à déneiger les parkings” , rap- porte Olivier, le frère. Lorsque son aîné était alité, c’est lui qui a tenu la boutique, n’a pris aucun jour de congé durant deux ans. Surtout, il a tout fait pour qu’il revienne : “Une semai- ne avant l’accident, nous nous sommes fait voler deux tracteurs… dont un a été retrouvé en Roumanie. Lorsqu’il était à l’hôpital, Christophe a posé la question de savoir s’il fallait en rache- ter un ou deux car il voulait arrêter l’exploitation et se reconvertir. Je l’ai poussé à revenir…” La perte d’autonomie du frangin a été com- pensée par le recrutement d’un sala- rié qui le soutient. “La dernière fois que je suis sorti en tracteur pour tailler les haies, une branche s’est coincée sur le toit du tracteur. J’ai dû appeler mon frère pour qu’il vienne l’enlever pour ne pas abîmer la machine. Moi, je ne pouvais pas descendre” témoigne Christophe. Par chance, les terrains où sont exploités maïs et céréales sont situés à proximité de la ferme. Néanmoins, le cultivateur a aban- donné certaines tâches. “Je ne m’occupe plus des vaches et surtout, je ne peux plus gérer la mécanique sur les trac- teurs. J’adorais ça.” La voix posée, il espère “un jour remarcher.” Quant à son avenir “politique”, il n’a rien déci- dé, à un an des élections municipales. Une chose est certaine : si sa santé le lui permet, il remontera un jour sur une moto… E.Ch.

Il remontera un jour sur une moto…

aménageant à des points stratégiques des plateformes afin qu’il déambule facilement. C’est loin d’être simple. Christophe est déjà tombé de son fau- teuil mais à chaque fois, il a eu la for- ce de se relever sans sourciller. Malgré sa force mentale, ces coups sont difficiles à accepter, d’où des baisses de moral. Mais l’homme ne vacille pas : “Je me dis qu’il y a pire que moi” dit-il laconiquement. Ce pro- blème d’accession, Christophe n’y est plus confronté lorsqu’il se rend à la mairie de Chalèze…dont il est le mai- re depuis 2008. Après son accident, la mise aux normes de la maison com- mune a été engagée avec une rampe d’accès et un ascenseur installé récem- ment à l’intérieur de celle-ci. Il peut ainsi suivre les affaires communales de plus près : “Nous avons terminé le réseau des eaux usées et lançons la création d’un nouveau lotissement. D’ici la fin de l’année, nous espérons valider notre Plan local d’urbanisme” relate Christophe Curty, toujours aus- si actif. “Il fait preuve d’un énorme cou- rage” lâche la secrétaire de mairie qui suit les affaires courantes. Et “point positif”, “Chalèze est en avance sur les normes 2015 pour les handicapés” confie le maire, presque amusé. Avant d’être paralysé, Christophe était actif. Et il l’est toujours… voire plus qu’avant car il a rejoint le club de handibasket de Besançon où il évo- lue avec l’équipe première, en Natio- nale 1. “Se lamenter ne sert à rien. J’aurais pu y rester alors je me dis qu’il y a toujours pire que moi après

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