La Presse Bisontine 142 - Avril 2013

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 142 - Avril 2013

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JURA Christophe Perny (P.S.) “Je ne suis pas un élu qui

se couche devant ses amis”

L a Presse Bisontine :Vous avez fait bas- culer le Département du Jura à gauche, fait historique, et récemment irrité la classe politique locale en ouvrant la liaison aérienne Dole-Paris, concurrente direc- te du T.G.V. Avec vous, le changement, c’est maintenant ? Christophe Perny (Président du Conseil géné- ral du Jura) : Le plus gros changement fut générationnel. J’ai 44 ans, mon pré- décesseur en avait 75. Le Jura a beau- coup trop attendu et trop subi au niveau des transports et du point de vue éco- nomique. Notre positionnement géo- graphique est stratégique : à nous désormais d’attirer. L.P.B. : Les élus régionaux de votre camp cri- tiquent l’ouverture de la ligne aérienne Dole- Paris. Que leur répondez-vous ? C.P. : Pour avoir des critiques, il faut faire des propositions. J’aurais aimé avoir à critiquer certaines positions d’élus jurassiens. Encore fallait-il qu’ils en fassent. Je ne dis pas que l’avion est la solution miracle. Nous conti- nuons notre combat pour le ferroviai- re mais je propose des solutions en attendant une réponse de la Région. L.P.B. : Justement, ce choix pour l’aérien a-t- il détérioré vos rapports avec la présidente de Région ? C.P. : J’ai des rapports tendus avec la Région mais cordiaux avec Marie-Gui- te Dufay, mais aussi avec Jean-Louis Fousseret que j’apprécie, ou Claude Jeannerot, lequel m’a d’ailleurs écrit car il n’est pas d’accord sur cette ouver- ture. Je suis ouvert à une discussion sur de nouvelles dessertes ferroviaires pourquoi pas à la place du Dole-Paris. On m’a répondu : c’est trop cher de remettre du ferroviaire, et qu’il fallait attendre. Moi, je n’attends pas ! En revanche, je ne suis pas arc-bouté et si demain matin je veux stopper la liai- son, je peux le faire. L.P.B. : Rappelez-nous l’engagement financier du Jura pour cette desserte ? C.P. : Il est de 360 000 euros pour un an. Nous avons demandé 400 000 euros à la Région pour 2013 mais elle ne l’a pas inscrit à son budget primitif…Ces dix dernières années, notre situation s’est détériorée. Moi, je dois répondre aux Jurassiens qui veulent se rendre à Paris et rapidement. Nous avons raté des wagons dans les années 2000 avec l’arrivée du T.G.V. et nous ne pouvons pas nous contenter d’envisager de image, le président du Conseil général veut un Jura sûr de lui, plus proche de Besançon… et de Paris. Christophe Perny, 44 ans, compte dépoussiérer la vie politique jurassienne et froisse les éléphants du Parti socialiste après l’ouverture de la liaison aérienne Dole-Paris. À son

Christophe Perny, l’homme qui a fait basculer le Jura à gauche et entraîné avec lui un changement radical dans le développe- ment du département.

porté, ça ne me va pas. Je l’ai dit de manière assez forte à son directeur de cabinet. Mon parti, c’est le Jura. On ne peut pas se renier. Je n’ai jamais fait de la politique comme cela et même si paraît-il je me suis assagi, je dis ce que je pense. L.P.B. : Néanmoins, vous semblez détester la critique. Est-il vrai que vous muselez vos oppo- sants ? C.P. : Comment voulez-vous museler l’opposition ! S’ils veulent la parole, ils l’ont. Mais je leur dis : prenez votre envol, parce que je réponds. J’aime le débat, j’aime l’affrontement. Ceux qui se mesurent à moi doivent avoir conscience qu’ils auront des réponses. Il n’y a jamais eu autant de sessions publiques (le double que lors du pré- cédent mandat), alors l’opposition a deux fois plus de possibilité de s’exprimer ! L.P.B. : Quel regard portez-vous sur Besançon et son développement avec le tramway ? C.P. : Besançon reste la grande capita- le régionale. Je suis respectueux de Jean-Louis Fousseret et de son tra- vail. Le tramway, c’est compliqué tant qu’il n’est pas terminé, mais allez à Dijon ouMetz…Les adversaires louent son arrivée maintenant. Il faut que nous nous rapprochions encore davan- tage de Besançon au niveau de l’économie ou de l’université. L.P.B. : Pourtant, les Lédoniens semblent plus attirés par Lyon, Beaune ou Dijon… C.P. : C’est à cause - en partie - du train. Bourg est plus proche de Besançon. L.P.B. : Vous n’avez pas évoqué le tourisme, grande force jurassienne…C’est de l’acquis. C.P. : Le mot Jura est un synonyme de tourisme ! La moitié des nuitées franc- comtoises se font ici. Le Jura est une marque que personne ne pourra copier (rires). Propos recueillis par E.Ch.

grandes infrastructures dans le Nord Franche-Comté alors que notre offre a baissé dans le Jura. L’ouverture de cette ligne répond à une attente. L.P.B. : Avant de devenir président, vous vous étiez opposé au développement de l’aéroport de Dole. N’est-ce pas un paradoxe ? C.P. : C’est une légende. Sur la déléga- tion de service public, je me suis abs- tenu comme mon groupe. À l’époque, j’avais dit ceci : on ne peut pas s’offrir la branche Sud de la L.G.V. et un aéro- port. Aujourd’hui, la question ne se pose plus car nous n’aurons pas la branche Sud, donc on peut financer cet aéroport. Quand je suis arrivé à la présidence, il y avait 4 000 passagers à l’année. Nous sommes passés à 45 000 l’année dernière ! Quel équipement dans la région a cette capacité de déve- loppement et draine autant de mon- de ? L.P.B. :Dans vos propos,vous souhaitez“désen- claver” le Jura et faire disparaître ce senti- ment d’infériorité. Dans quelle direction ? C.P. : Moi, un complexe d’infériorité ? (rires). Onme reproche plutôt le contrai- re. Quand on voit l’aéroport de Dijon et celui de Dole, on n’a pas à se sentir inférieur. Au contraire. Le vent a tour-

économique.

tement est-il fortement endet- té ? C.P. : J’ai dit que si nous restions sur le même rythme de dépense, nous allions dans le mur. Il y eut la période Gérard Bailly : il était timoré mais il a géré sérieuse- ment, puis il y eut les trois ans de Jean Raquin. Ce fut une parenthèse malheureuse. Heureu- sement que la transition n’a duré que trois ans. J’ai remis de la rigueur budgétaire puisqu’en

L.P.B. : Impossible toutefois d’éluder le contex- te morose qui règne dans le Haut-Jura. Saint- Claude et Morez ne sont-ils pas déprimés ? C.P. : Le mot me paraît inapproprié. Saint-Claude souffre, Morez a souf- fert. Aujourd’hui, on a un renverse- ment de tendance avec des relocali- sations sur le jouet avec Smoby. Le secteur dolois profite d’une dynamique alors que Lons-le-Saunier a sommeillé car il n’y a pas eu de vision globale. J’essaye d’initier des choses comme la création d’un centre d’animation et de loisirs fin 2014 avec la création de 400 emplois à la clé. Lons doit redevenir la capitale du Jura. L.P.B. : Politiquement, est-il vrai que vous pen- sez à la mairie de Lons-le-Saunier ? C.P. : J’ai fait mon choix : c’est le Jura. Il n’est pas possible d’être président du Conseil général et maire de Lons. Je ne veux pas reproduire ce qui a été fait. On a la chance d’avoir deux élus qui ont pris une place à la droite. J’ai gagné au Conseil général en 2008 et Marc-Henri Duverney a gagné en 2011 le canton de Lons. Jeune élu, mes aînés n’avaient de cesse de vouloir me tuer. J’ai de la fierté à ce que Marc-Henri ait été élu et ferait tout pour ce qu’il soit élu maire de Lons. On entre dans une nouvelle ère de la politique. L.P.B. : Est-ce un aveu de votre part contre le cumul des mandats ? C.P. : Je ne dirai pas cela car je pense à ce qui va arriver. L.P.B. : Précisez. C.P. : Je pense que le cumul de deux mandats locaux est complémentaire comme maire et président d’agglo ou encore un mandat départemental et régional. L.P.B. : Vous aviez alerté l’opinion sur le fait que les caisses du Jura étaient vides. Le Dépar-

“Je n’ai jamais été discipliné.”

deux ans, nous avons réduit de 40 % le recours à l’emprunt. L’ancienne équi- pe empruntait 47 millions d’euros pour monter son budget.Nous avons emprun- té 32 millions en 2010 puis 28 en 2011 et allons encore réduire. En annuités de remboursement de la dette, lamoyen- ne française est de 4,5 ans. Nous sommes à 3,7 ans. L.P.B. : C’est l’austérité pour le Jura… C.P. : Je gère dans l’épaisseur du trait. Notre premier budget est le social (100 millions d’euros) pour un budget total de 307,3 millions d’euros en 2013. L.P.B. : Avez-vous comptabilisé le surcoût lié à la réforme des rythmes scolaires ? C.P. : Non. J’ai fait part au ministre de l’Éducation que sa réforme est mal conduite. J’attends toujours sa répon- se. J’ai demandé aux communes juras- siennes de reporter la mise en place à 2014. L.P.B. :Vous critiquez ouvertement la politique conduite par votre famille politique. C.P. : Je ne suis pas un élu qui mange son chapeau ou se couche devant ses amis. Je n’ai jamais été discipliné. Quand une réforme est mauvaise, qu’elle soit de gauche ou de droite, je le dis. La façon dont Peillon s’est com-

né : l’avenir est à Dole. Le Jura a tout à gagner à se reconnecter à Besan- çon, la capitale. On doit être plus présent à la Région. Je suis en lien avec mes collègues vice- présidents du Conseil régional et aussi avec Pierre Moscovici. C’est un atout pour notre région et je lui demande des conseils. Notre proxi- mité avec Rhône-Alpes, une région riche, et avec la Bourgogne, sont une grande force. Ma priori- té est le développement

“Des rapports tendus avec la Région.”

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