La Presse Bisontine 141 - Mars 2013

BESANÇON

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BESANÇON Ce qu’ils en disent L’image des Clairs-So ne changera pas comme ça Lorsqu’on les interroge sur leur quartier, les habitants des Clairs-Soleils sont assez réservés sur la pertinence de l’opération de renouvellement urbain.

L a 24 février 2012, la pla- ce des Lumières était inaugurée en fanfare. Présentée comme un symbole de “la renais- sance” des Clairs-Soleils, elle devait être le cœur du quartier qui fait l’objet depuis dix ans d’une opération de renouvelle- ment urbain de grande ampleur. Un an plus tard, le constat n’est pas à la hauteur de la promes- se. À l’exception du Spar, qui est confronté d’ailleurs à des diffi- cultés économiques, toutes les cellules commerciales qui bor- dent la place sont vides, et tous les appartements neufs ne sont pas occupés. Malgré les efforts déployés pour transformer ce quartier en restructurant le parc immobilier, la vie manque entre ces murs. La place des Lumières paraît éteinte. Lorsqu’on les interroge, les habitants des Clairs-So ont

un avis partagé sur la pertinence de cette opération de renouvel- lement urbain. “Je suis étonnée. Je pensais que ça marcherait. Mais il faut bien reconnaître que d’un point de vue commercial, il n’y a rien. La place est vide, déses- pérément vide” observe Sylvia- ne, une riveraine, en sortant du Spar où elle a fait quelques courses.En dehors du ballet régu- lier des bus qui rythme le temps, les lieux s’animent à la sortie

poursuit Michel, un retraité. Des animations, voilà ce qui manque si l’on en croit Morra- de, 25 ans. Les écouteurs sur les oreilles,il sort du bus qui le ramè- ne du centre-ville. “Il y a eu quelques concerts aumoment de la fête de lamusique. C’était sym- pa. Mais il faudrait quelque cho- se de permanent, comme un bar sur cette place, où l’on pourrait se retrouver, peut-être jouer un peu de musique. ça animerait le quartier” dit-il avant de s’engouffrer dans la cage d’escalier de son immeuble. Myriam, quarante-cinq ans, a vécu toute sa vie aux Clairs-So. Elle a connu l’ancien quartier dans lequel elle a grandi, mais ne se reconnaît pas dans le nou- veau. “Notre quartier a perdu son âme. On nous a fait démé- nager de nos logements, nous les anciens, pour démolir les immeubles et reconstruire. ça a

été trop de changements d’un coup ! En plus les loyers sont chers.” C’est justement à cause du coût de la location que Sami- ra envisage de quitter son loge- ment social pour un autre quar- tier bisontin. “Mon appartement est calme,beaucoup plus qu’avant je le reconnais. Je paie 164 euros par mois de loyer pour 63mètres carrés, déduction faite des aides. Par contre, je règle 800 euros de taxe d’habitation ! C’est beau- coup trop. Je ne veux pas aller bosser pour payer ça. Mon voi- sin a déménagé pour cette rai- son. J’ai envie de faire la même chose” peste-t-elle. Stéphane s’est installé place des Lumières il y a un an avec sa compagne. “Quand on a loué ici, on nous a dit “vous verrez, il y aura bientôt plein de commerces, un médecin, une pharmacie.” Pour l’instant, il n’y a rien et le logement neuf qu’on occupe a

des écoles, et vers la fin de l’après- midi quand les gens rentrent chez eux après le tra- vail. “Il présente bien le quartier, on ne peut pas dire le contraire, mais ça bouge peu.Aujour- d’hui il fait beau, mais quand il pleut c’est encore pire”

“En réalité, ce quartier est calme.”

La place des Lumières est calme. Trop calme.

beaucoup de malfaçons. Nous sommes les premiers locataires, je m’interroge sur la façon dont vont vieillir ces bâtiments” remarque le jeune homme qui est venu dans le quartier avec dans sa valise un paquet d’ a prio- ri . “Quand j’ai déménagé aux Clairs-Soleils, on m’a traité de fou. En réalité, ce quartier est cal- me, mais il a toujours sa mau- vaise réputation. C’est pour cela

que les commerces ne veulent pas s’implanter là. On a déjà eu droit à une descente de C.R.S. mais globalement, je ne plains pas. J’ai jamais eu de problèmes avec les gens d’ici.” Il faudra du temps et sans doute plus qu’une opéra- tion de renouvellement urbain pour transformer l’image de ce quartier bisontin en respectant le principe de mixité sociale. T.C.

COMMENTAIRE

Abdel Ghezali “La Ville va faire un effort sur les loyers commerciaux”

L a Presse Bisontine : D’un point de vue urba- nistique, le projet de rénovation urbaine des Clairs-Soleils est réussi. En revanche, il reste encore à avancer sur le volet social du quartier. Qu’en pensez-vous ? Abdel Ghezali : Il faut savoir d’où on vient sans nier les difficultés qui subsistent. Pour moi qui connais ce quartier depuis plus de trente ans, je constate qu’il a vraiment changé. Ce projet de rénova- tion urbaine est une réussite. J’admets cependant qu’il ne suffit pas de tout déconstruire et de reconstruire pour dire que tout a changé. Mais nous sommes sur le bon chemin. Cette opération lie l’accession à la propriété et la location avec des bailleurs sociaux et privés. Cela signifie qu’on se donne les moyens de favoriser la mixité sociale qui se traduit par un mélange des populations. L.P.B. : À l’exception du Spar, toutes les cellules commerciales sont vides place des Lumières, alors que le quartier est neuf. Que peut faire la Ville pour remédier à ce désert ? A.G. : Le contexte économique n’est pas favo- rable au commerce. Nous ne pouvons pas non plus forcer un commerçant à s’installer ici. Donc la ville va faire un effort supplémentaire sur les loyers com- merciaux afin de créer une dynamique. Le prix va passer de 100 euros le m2 à 42 euros le m2. C’est une manière forte d’inciter les commerçants à venir là. Il faut que dans les deux ans qui arrivent, on ait pu aboutir sur l’implantation de nouveaux commerces. L’opération sera pleinement réussie quand nous serons parvenus à amener de l’activité place des Lumières. Je rappelle quand même que nous ne sommes pas dans un désert commercial aux Clairs-Soleils où il y a deux boulangeries, une pharmacie, un bureau de tabac. L.P.B. : Il manque aussi des services publics. Quand on discute avec eux, les habitants aime-

Pour l’adjoint à la vie des quartiers, le projet de rénovation urbaine des Clairs-Soleil sera pleinement réussi lorsque les cellules commerciales de la place des Lumières seront occupées. Pour cela, la municipalité va concéder une baisse du prix des loyers commerciaux.

raient pouvoir disposer d’un bureau de Poste, et qu’il y ait un médecin dans l’espace médical tou- jours vide. Qu’en pensez-vous ? A.G. : L’attractivité passe par des loge- ments de qualité, un service public, du commerce, et c’est vrai, des professions de santé. Actuellement, on ne parvient pas à obtenir un distributeur automa- tique de billets sur ce quartier car les banques disent que ce n’est pas rentable. La Poste nous dit également que ce n’est pas rentable non plus pour elle d’ouvrir un bureau à moins que l’on mette du per- sonnel municipal à disposition. Nous étu- dions cette possibilité. Notre souhait est de voir s’implanter en plus ici une bou- cherie, un café, et pourquoi pas un opti- cien. Ces activités compléteront les ser- vices qui existent déjà. Dans le centre Martin Luther King, il y a des services publics, des associations. Ce sont 25 per- sonnes qui travaillent là. Il y a la crèche et le C.C.A.S. (10 personnes) qui est venu place des Lumières. L.P.B. : Dans un projet de rénovation urbaine, ne faudrait-il pas mieux cadrer les choses en amont pour éviter de se trouver dans ce genre de situa- tion ? A.G. : Dans le prochain P.R.U., il faudrait que cette notion de commerce et de ser- vice public soit intégrée plus fortement dès le départ. C’est la réglementation nationale qu’il faut faire évoluer car on ne peut pas réussir pleinement un P.R.U. en ne s’appuyant que sur l’habitat. Il faudrait modifier la loi de modernisa- tion de l’économie (L.M.E.) pour que les élus puissent reprendre la main dans l’aménagement commercial afin d’éviter que des quartiers ne se ghettoïsent. On ressent une désaffection des commerces pour ces quartiers. Le maire Jean-Louis Fousseret a pesé de tout son poids pour que le Spar s’implante ici. Il n’acceptera pas que ces quartiers soient abandon- nés. Propos recueillis par T.C.

Abdel Ghezali : “Actuellement, on ne parvient pas à obtenir un distributeur automatique de billets sur ce quartier.”

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