La Presse Bisontine 141 - Mars 2013

A g e n d a

La Presse Bisontine n° 141 - Mars 2013

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ARTS PLASTIQUES - JEAN-PIERRE SERGENT

“Le sexe est la seule énergie qui s’oppose à la mort” L’artiste peintre expose rarement en France et en particulier à Besançon où il a son atelier. C’est donc une occasion unique qui est donnée au public de venir découvrir son travail autour de la sexualité et des rituels dans le cadre d’une exposition organisée à la galerie Omnibus.

L a Presse Bisontine : Comment s’est passée votre rencontre avec Pascal Bertrand, direc- teur de la galerie Omnibus ? Jean-Pierre Sergent : Je suis curieux de ces lieux qui s’ouvrent où les artistes peuvent montrer leur travail. J’ai entendu parler de son espace d’exposition. Je suis allé le voir, il est venu à mon ate- lier rue de la Gare d’Eau. Pascal Bertrand a souhaitémontrer mon travail qui questionne et qui inter- roge. Je suis heureux de colla- borer avec cette galerie où je pré- senterai 22 œuvres sur papier grand format, une douzaine de petits formats, et un grand papier “bondage and freedom”. L.P.B. : L’exposition s’intitule “Sex & Rituals”, elle est déconseillée aux mineurs du fait du contenu érotique propre à vos œuvres. Vous considérez- vous comme un provocateur ?

il y a des raisons d’être inquiet.

J.-P.S. : Je ne travaille pas pour provoquer. Je fais les choses com- me je les ressens et parce que j'ai envie de les faire. Je fais ce que j'ai envie ! Si mes créations dérangent, ce n’est finalement plus mon problème mais celui du public. Les artistes sont là non pas pour faire de la décora- tion, mais pour bousculer la socié- té par les messages qu’ils font passer. C’est aussi ce qui fait leur grandeur. L.P.B. : La sexualité est très présente dans vos tableaux. Qu’est-ce qui vous inspire dans ce thème ? J.-P.S. : A mon sens, le sexe est la seule énergie qui s’oppose à la mort. La sexualité est aussi créa- trice de bien-être et de rencontres. Avec les rituels, elle est généra- trice de lien. Or, dans nos socié- tés, ce lien est détruit. Si l’art ne peut plus pas parler de cela, alors

L.P.B. : Que cherchez-vous à exprimer en utilisant des images pornographiques que vous travaillez pour en faire un tableau ? J.-P.S. : Les images pornogra- phiques sont très présentes dans notre quotidien. La société nous inonde de cela. Mais ces images ont parfois la même présence que la transe spirituelle. En cela, elles traduisent une forme d'extase corporelle. Le bondage, par exemple, est une réflexion sur la manière dont la société enferme le corps et empêche ainsi l’accès au plaisir. C’est aussi une façon de dire que la souffrance peut se transformer en extase. Le corps est enfermé dans ses chaînes et il jouit malgré tout. C’est une for- me de rituel sexuel. En cela l’art est libérateur par rapport à l’individu. La sexualité permet

n’aurais pu faire ce travail-là en restant dans la région. L.P.B. : L’exception culturelle Françai- se n’est donc pas aussi exceptionnel- le qu’on le dit. Manquons-nous d’ouverture d’esprit vis-à-vis de l’art contemporain ? J.-P.S. : Ce qui est plus grave en France, c'est l’attitude. On nour- rit toujours un complexe de supé- riorité car notre pays a abrité des artistes fabuleux et des écri- vains géniaux. Notre passé nous pousse à croire que nous sommes encore au-dessus de la culture. En vérité, pour ce qui est de l’art contemporain, j’ai le sentiment que l’on étouffe tout un vivier de talents dont certains finiront par se délocaliser. Des pays comme le Canada proposent des bourses à leurs artistes pour qu’ils créent dans de bonnes conditions. Je note cependant qu’à Besançon, l’école des Beaux-arts fait un tra- vail fabuleux sous l’impulsion de son directeur Laurent Devèze. On ne peut que regretter que le public n’utilise pas toujours la culture qui lui est présentée pour s’ouvrir l’esprit.

d’entrouvrir un passage vers l’infini. L.P.B. :Votre regard d’artiste porte éga- lement sur les rituels… J.-P.S. : En effet, tous mes travaux ne sont pas érotiques. Il y a éga- lement les rituels. Je m’inspire notamment de la culture Maya qui me touche. J’ai voyagé au Mexique et au Guatemala. J’ai véritablement des attaches par- ticulières avec l’Amérique lati- ne. Il m’arrive d’exprimer dans mes tableaux des rituels purs, comme ce prêtreMaya qui se per- ce le pénis et entre en transe. L.P.B. : Comprenez-vous qu’une per- sonne qui s’intéresse à vos œuvres puisse en revanche hésiter à en acqué- rir une par peur de devoir affronter le jugement des autres ? J.-P.S. : Cela relève simplement d’une question d’éducation cul- turelle. Il faut être un peu au- dessus de lamêlée lorsqu’on achè- te de l’art contemporain et l’assumer. Je remarque que chaque fois que des gens qui ont vécu à l’étranger voient mon tra- vail, ils l’apprécient. Les per- sonnes qui n’ont pas été initiées à la spiritualité, au bonheur de

vivre, ne peuvent pas trouver de plaisir dans l’art. Elles ne sont pas préparées à se transcender par d’autres médias comme la peinture. L.P.B. : Vous exposez peu en France. Y a-t-il une raison à cela ? J.-P.S. : Le problème du système culturel français est qu’il est très pyramidal. Il y a un chef au som- met de cette organisation très verticale, qui décide que vous exposerez ou non. À l’inverse, aux États-Unis, l’artiste est consi- déré différemment. Il est perçu comme un créateur de valeur économique. Il est un producteur de richesse au-delà de la notion culturelle. En France, on a

Une des œuvres sérigraphiée sur papier qui sera présentée dans le cadre de l’exposition à la galerie Omnibus.

l’impression d'être perçus comme des individus à lamar- ge. Sans s’en rendre compte, la société française se coupe d’une richesse incroyable. J’ai exposé àNew-York pendant 13 ans. J’ai vécu là-bas. J’y ai appris mon métier. Jamais je

“La souffrance peut se transformer en extase.”

L.P.B. :Alors dans quel endroit du mon-

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