La Presse Bisontine 141 - Mars 2013

ÉCONOMIE 42

La Presse Bisontine n° 141 - Mars 2013

AMBIANCE

Un climat tendu LE RAS-LE-BOL DES PATRONS Conjoncture tendue, pression fiscale, zèle des administrations… Les patrons du Grand Besançon manifestent tour à tour leurs inquiétudes. Florilège. Thierry Pétament dénonce l’acharnement de l’administration Après des contrôles à répétition de la direction du travail, le chef d’entreprise s’est symboliquement mis en grève mi-janvier pour dénoncer la multiplication des contrôles en tous genres dont ses sociétés ont fait l’objet. ROCHE-LEZ-BEAUPRÉ Orchestral Services

Q uand Thierry Pétament a racheté l’entreprise Vital’ser- vices àBeure,rebaptiséeAidéal, il ne pensait pas que les approximations dans la gestion exer- cée par l’ancien dirigeant allaient entraî- ner un contrôle de l’administration du travail et surtout que ce premier contrô- le allait amener, en cascade, quatre contrôles U.R.S.A.F.F., deux contrôles fiscaux, quatre contrôles de l’inspec- tion du travail dans les autres entités du groupe et pour couronner le tout un contrôle C.R.A.M. sur la sécurité au travail. Pour un seul homme, ça commence à faire beaucoup. L’entrepreneur dont le groupe, Orches- tral Services, a son siège à Roche-lez- Beaupré, a tenu à le faire savoir par une opération coup-de-poing qu’il a organisé du 14 au 18 janvier en fer- mant deux de ses sociétés durant une semaine et en offrant une semaine de vacances à ses salariés. Une “grève” du patron qui n’est pas passée inaper- çue. Sur son portable, une avalanche de S.M.S. de soutiens, émanant de grands patrons francs-comtois. “C’est du harcèlement” dénonceThierry Péta- ment qui ne décolère toujours pas. “Quand mon assistante m’a prévenu en tout début d’année qu’un inspecteur avait débarqué dans nos bureaux et demandé tous les documents relatifs au personnel de Hôm’services, je suis

Thierry Pétament n’en restera pas là. Il ne se contentera pas de la réponse que lui a transmise l’administration du travail via un communiqué de pres- se, dans laquelle le directeur de la D.I.R.E.C.C.T.E. Jean Ribeil semble rappeler au patron ses devoirs en affir- mant de manière un peu énigmatique : “L’ensemble des équipes de l’inspection du travail est garant de l’effectivité du droit du travail sans laquelle il ne peut être instauré au sein des entreprises la confiance nécessaire à des relations sociales que le gouvernement souhaite renouvelées.” Thierry Pétament comp- te bien réunir autour d’une même table de discussion le préfet, les représen- tants des employeurs et ceux de l’ad- ministration pour trouver “un moyen d’améliorer nos relations.” Sinon, pro- met le chef d’entreprise, les choses n’en resteront pas là. Depuis, il a été reçu en tête à tête par Jean Ribeil, dans un climat “plus apaisé.” La fédération des entreprises de ser- vices à la personne à laquelle est affi- lié le groupe Orchestral Services est sur les rangs pour porter un écho natio- nal à ce coup de gueule qui ressemble aussi, même si la méthode est appa- remment conflictuelle, à une tentati- ve de rapprocher les points de vue pour que le monde de l’entreprise regagne un peu en sérénité. J.-F.H.

arrivé, je lui ai laissé mon téléphone, mes clés et je lui ai dit de faire comme chez lui. Je mets tout depuis des années dans cette entreprise. J’ai 850 salariés à payer tous les mois. À un moment donné, ça suffit, il y en a ras-le-bol !” fulmine le chef d’entreprise. Thierry Pétament ne plaide pas pour l’absence de contrôles. “On se bat jus- tement tous les jours contre ceux qui ne respectent pas la loi et qui baissent les prix exagérément. Je ne reproche donc

BÂTIMENT Une conjoncture inquiétante

Les patrons du B.T.P. disent aussi leur ras-le-bol La Fédération Française du Bâtiment tire la sonnette d’alarme. Mises en chantier en baisse et concurrence déloyale des auto-entrepreneurs les rendent pessimistes pour 2013. Les représentants du Doubs ont rencontré le préfet et proposé des pistes pour sortir du marasme.

pas les contrôles, car l’administration est là pour faire son travail, mais je reproche leur multiplication. Ils ne se rendent pas compte qu’ils sont en train de démotiver tout le mon- de et de désorganiser les entreprises.” Autant que le fond, Thierry Pétament est choqué par la forme : “C’est sans doute la seule admi- nistration qui ne prend pas rendez-vous avant de débarquer. Ils débou- lent sans prévenir et il faudrait être à leur dis- position. On a la vague impression d’être cou- pables d’emblée” ajou- te le patron bisontin.

Les choses n’en resteront pas là.

D es entreprises du bâtiment que beaucoup pensaient solides sont passées de vie à trépas au cours de l’année 2012. “Au tribunal de commerce de Besançon, nous nous sommes aperçus que la taille des entreprises ayant dépo- sé le bilan a complètement évolué. Ce ne sont plus des petites mais des enti- tés de plus de 15 salariés !” constate, inquiet, le président de la Fédération française du bâtiment de Franche-Com- té Serge Faivre-Pierret. À l’échelle nationale, la prévision d’ac- tivité est estimée à - 3,5 % d’activité, ce qui induit la perte de 40 000 emplois. Le Doubs n’est pas épargné, surtout pour sa partie nord (Montbéliard), Besançon résistant un peu mieux alors que le Haut-Doubs est - toujours - tiré par l’emploi frontalier. Face à la dégringolade, la branche réagit en lançant une campagne de commu- nication intitulée “Trop c’est trop” dans laquelle elle propose des actions jugées “indispensables” comme “réduire la détention d’un bien immobilier pour être exonéré de la plus-value, la sortie du secteur du bâtiment du régime des auto-entrepreneurs, l’abaissement à 5 % du taux de T.V.A. appliqué à la construc- tion sociale et aux travaux de rénova- tion.” Le 4 février, les représentants des entre- prises ont rencontré le préfet de Franche-Comté Stéphane Fratacci. Ils ont pu lui expliquer comment divers sujets compliquent la vie des entre- prises de la région, à l’instar du délai de paiement loi L.M.E., qu’ils veulent plus large, les recours abusifs des asso- ciations, les clauses d’insertion ou enco- re l’augmentation à 10 % du taux réduit de T.V.A. Ils se disent “satisfaits” de leur rencontre. Stéphane Fratacci ne leur a toutefois pas promis l’impos-

sible. Pierre Genzi (président de la F.F.B. du Doubs) et Serge Faivre-Pierret ont éga- lement évoqué “les recours abusifs de certaines associations sur des projets de construction. Le préfet pense qu’il y a effectivement des améliorations pos- sibles mais se montre dubitatif d’une consignation financière” disent les représentants. La F.F.B. voudrait que ceux qui traînent en justice possèdent de l’argent. Sur le cas des auto-entrepreneurs, “le préfet partage notre souhait d’un ren- forcement des contrôles afin de lutter contre le travail dissimulé et contre les mauvaises pratiques enmatière de déta- chement de salariés.” Quant à la nou- velle loi Duflot, remplaçante de la Scel- lier, ils attendent de voir. Si elles ont des freins à se développer, les entreprises ont aussi des leviers pour accélérer. C’est ce que leur a rap- pelé le représentant de l’État : la futu- re banque publique d’investissement apportera un appui aux entreprises moyennes en croissance, Oséo (soutien aux entreprises qui ressentent des dif- ficultés financières) aide désormais les T.P.E. Il existera également les contrats de génération avec une aide de 4 000 euros attribuée à l’entreprise pour chaque jeune embauché sur un poste où elle maintient quelque temps le senior. La fédération rappelle que le B.T.P. a embauché 4 000 personnes en 2010 avec des salaires qui ont augmenté de 2,5 %. Pour les 35 heures, le salaire minimum d’un ouvrier des entreprises du bâtiment est de 1 714 euros nets. De quoi intéresser les jeunes. Encore puissent-ils trouver des propositions de stage qui ne sont pas légion en pério- de de crise. E.Ch.

Thierry Pétament, président du groupe Orchestral Services, dénonce un mal-être général des patrons.

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