La Presse Bisontine 141 - Mars 2013

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 141 - Mars 2013

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BELFORT

Étienne Butzbach “Je n’ai jamais pensé que la politique était un chemin semé de roses sans épines”

Mi-janvier, le maire de Belfort a démissionné de sa fonction de vice-président du Conseil régional pour se recentrer sur sa ville en vue des prochaines échéances municipales. Au-delà de sa décision politique, il fait le point sur les enjeux à venir du nord Franche-Comté.

L a Presse Bisontine : Le groupe Swat- ch poursuit la construction de son usi- ne à Boncourt en Suisse à quelques kilomètres de la frontière. Elle sera opérationnelle au printemps. À terme, 800 emplois seront créés. Cela va-t-il profiter à Belfort ? Étienne Butzbach : Nous aurions préféré que ce site soit construit à Belfort. Évi- demment, on ne peut que se féliciter des investissements industriels de Bon- court synonymes de créations nettes d’emplois. Il y a un potentiel de déve- loppement important à exploiter dans la coopération transfrontalière. La réouverture de la ligne ferroviaire Bel- fort-Delle défendue par la Région Franche-Comté en est un des enjeux. L.P.B. : Les investissements suisses offriront probablement des opportunités en termes d’emploi pour le nord Franche-Comté plom- bé par les difficultés de Peugeot. Vos conci- toyens sont-ils profondément inquiets du contexte économique sur le bassin belfor- tain ? É.B. : Il y a une grande inquiétude.Mais il faut convertir cette angoisse en éner- gie pour préparer le futur. Nous ne devons pas nous morfondre. Notre ter- ritoire a de l’avenir. L.P.B. : La nouvelle gare T.G.V. de Méroux-Moval apporte-t-elle un regain de dynamisme à votre territoire ? É.B. : Les retombées sont évidentes. On les sentait déjà avant même que la gare ne soit mise en service puisque, par exemple, l’arrivée duT.G.V. a pesé dans le choix de l’entreprise General Elec- tric de conforter son siège à Belfort. Cette gare est un élément d’attractivité, on l’a vu notamment avec l’organisation d’une importante réunion de chercheurs dans notre ville. L.P.B. : Belfort a une longueur d’avance sur Besançon dans l’aménagement de la zone d’activité autour de la gare. La culture indus- trielle est également plus marquée dans votre territoire. Êtes-vous en concurrence avec la capitale régionale ? É.B. : Je ne vois pas les choses de cette façon. Nous avons anticipé l’arrivée de cette gare qui nous offre des opportu- nités. Le risque est toujours de s’endormir sur ses lauriers. Nous n’avions pas le choix que d’exploiter au mieux cette infrastructure pour en faire un atout pour notre territoire. Cependant, il ne faut pas surinvestir ces zones. Il ne faudrait pas que leur développement se fasse au détriment des zones qui existent déjà à Belfort. Elles doivent ouvrir la porte à un déve- loppement économique exogène. Leur intérêt est plus limité s’il est endogè- ne. Nous devons être attentifs à un autre problème : la liaison entre ces gares et le cœur de ville. Pour ce qui est de Besançon, elle a été une grande cité industrielle. Je suis content qu’elle cherche de façon plus haletante à manifester son intérêt pour ce secteur économique.

L.P.B. : Le nord Franche-Comté semble plus enclin à travailler avec l’Alsace qu’avec le res- te de la région. N’êtes-vous pas plus Alsa- ciens que Francs-Comtois finalement ? É.B. : Il faut conjuguer l’identité des territoires. C’est une force. Nous cher- chons à entretenir des rapports équi- librés entre le Grand Besançon et le sudAlsace. Nous n’avons pas l’intention de renier notre identité franc-comtoi- se, mais elle ne doit pas être un car- can. On doit pouvoir construire avec nos voisins comme nous le faisons pour l’Euroairport. L.P.B. : Pourtant, vu de l’extérieur, des projets ambitieux comme l’Axone ou l’hôpital médian, donnent l’impression que l’aire urbaine de Belfort-Montbéliard se développe de façon autonome. Est-elle une région dans la région ? É.B. : Non. Nous travaillons en réseau. On ne peut pas se construire comme un village gaulois. Pour ce qui est du nouvel hôpital par exemple, il n’y a pas de concurrence avec le C.H.U. de Besançon. Pour autant, il ne faudrait pas que l’hôpital médian soit perçu comme une annexe du centre hospi- talier universitaire. L.P.B. : Où en est le chantier de l’hôpital médian justement ? É.B. : Le chantier a démarré. L’hôpital doit être opérationnel en 2016. Cette nouvelle infrastructure n’est pas qu’un bâtiment. Il s’agit de reconstruire un service public de qualité. Nous devons en parallèle approfondir le projet médi- cal et parachever la fusion entre l’hôpital de Belfort et celui de Montbéliard. L.P.B. : Mi-janvier, vous avez démissionné de votre fonction de vice-président du Conseil régional de Franche-Comté pour vous concen- trer sur Belfort. Avez-vous fait ce choix pour préparer les prochaines élections municipales alors qu’on sait que vous faites l’objet d’attaques régulières de la part de vos opposants ?

Étienne Butzbach : “Au Conseil régional, il y a autant d’avis sur la région que de conseillers.”

dossiers, nous avons élaboré une réflexion stratégique pour la Franche-Comté. Il faut mettre tout cela en musique, mais ce n’est pas simple. L.P.B. : Marie-Guite Dufay s’est séparée récemment de son directeur de cabi- net Jean Auvillain. Qu’est- ce que cela vous inspire ? É.B. : Je n’ai pas de commentaire parti- culier à faire sur ce choix.

se dégrade. Je rappelle que l’éducation française est classée au 19ème rang mondial alors que notre pays avait un système scolaire reconnu parmi les meilleurs il y a encore quelques années. Nous devons nous interroger. Cette réforme coûtera à Belfort entre 200 000 et 400 000 euros sur un bud- get de 11 millions d’euros que nous réservons à l’éducation. La question soulevée par les maires pose un pro- blème de choix. Est-ce que dans nos collectivités, l’éducation est une prio- rité ? À mon sens oui. C’est pourquoi nous devons accompagner cette réfor- me. L.P.B. :Vous êtes médecin de profession. Quel regard portez-vous sur les services d’urgence qui sont débordés ? É.B. : Le problème des urgences est que beaucoup de personnes y ont recours pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les urgences. Cela s’accentue avec la crise. Entre 10 et 20 % des gens renoncent aux soins pour des raisons pécuniaires. C’est tout le dispositif de santé qu’il faut repenser pour organi- ser différemment la prise en charge des patients en dehors des services d’urgence quand cela n’est pas néces- saire, dans le cadre d’un centre de san- té par exemple, regroupant des méde- cins. J’ai créé un centre de santé dans un quartier à Belfort. Propos recueillis par T.C.

truire. Les enjeux concernent égale- ment l’aire urbaine, le pôle métropo- litain. Nous sommes dans une situa- tion où des opportunités sont ouvertes. Mais il n’y a pas de temps à perdre. L’urgence à agir nous appelle encore plus qu’avant à mettre les mains dans le moteur. C’est vrai, je suis la cible d’attaques insensées, menées par des personnes qui s’enlisent dans la bataille du pou- voir. Tout cela n’est que de la mani- pulation politique. Mon problème n’est pas de défendre la position, mais de faire avancer les choses du mieux pos- sible. Tout au long de mon parcours politique, j’ai travaillé à l’élaboration de projets. L.P.B. :N’avez-vous pas le sentiment que Marie- Guite Dufay, présidente de Région, a des dif- ficultés à tenir ses troupes ? É.B. : On a la chance d’avoir une per- sonne qui a des convictions et qui se bat pour l’emploi et l’industrie. Mais la Franche-Comté est une région com- plexe qui recèle de fortes disparités, et une diversité entre Belfort, Besan- çon et le Jura par exemple. Un collec- tif humain est difficile à tenir. Un col- lectif politique l’est encore plus. Au Conseil régional, il y a autant d’avis sur la région que de conseillers. C’est assez surprenant. L’identité est enco- re à construire. Marie-Guite Dufay a la volonté de faire avancer les grands

“Je suis la cible

É.B. : Je n’ai jamais pen- sé que la politique était un chemin semé de roses sans épines. La gauche est attendue au tournant. Je mesure avant tout les difficul- tés de la période. Il y a des échéances électo- rales importantes l’année prochaine. J’ai donc souhaité concen- trer mon action sur Belfort car les enjeux sont importants, gui- dés par les choix du gouvernement, sur l’école, l’industrie, la recherche, la santé, je préside d’ailleurs le conseil de surveillan- ce de l’hôpital. Le gou- vernement précédent a massacré le service public. Il faut recons-

“Un collectif politique est dur à tenir.”

d’attaques insensées.”

L.P.B. : Avec l’aire urbai- ne, vous mettez en place un pôle métropoli- tain. Mais pourquoi ne pas avoir rejoint le pôle Besançon Centre Franche-Comté ? É.B. : Notre pôle répond à une logique. Nous avons vocation à dialoguer avec le sudAlsace et celui de Besançon avec Dijon. Nous sommes complémentaires. L.P.B. : Les maires commencent à monter au créneau pour expliquer que la réforme des rythmes scolaires va coûter très cher à leurs communes. Quelle est la situation à Belfort du passage à la semaine de quatre jours et demi ? É.B. : Il est normal que les élus se pré- occupent des coûts. Mais à l’inverse, il ne faut pas perdre de vue que l’école

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