La Presse Bisontine 138 - Décembre 2012

DOSSIER 19

La Presse Bisontine n° 138 - Décembre 2012

SALAIRES, INDEMNITÉS, CUMUL… POURQUOI LES ÉLUS SONT-ILS SI MAL À L’AISE ?

La commission Jospin a rendu ses conclusions. Parmi les points soulevés, les questions récurrentes de non-cumul des mandats et de transparence financière apparaissent en bonne place. Cette dernière fait d’ailleurs l’objet d’un colloque qui se tient sur deux jours à Besançon, jeudi 22 et vendredi 23 novembre. Tel un serpent de mer, cette question revient régulièrement dans les débats politiques. Cette fois, le gouvernement actuel semble bien décidé à s’atteler à la question jusqu’au vote d’une loi. C’est sans compter sur les éternelles réticences soulevées par des élus qui restent campés sur le système en place qu’il ne sert à rien de réformer à les entendre. La Presse Bisonti- ne s’appuie sur ce sujet qui fait à nouveau l’actualité : pro et anti-réforme confrontent leurs points de vue, un débat arbitré par des élus qui ont fait de cette question une des priorités du mandat. Destinées, selon eux, à assainir les rapports entre les élus et les citoyens qu’ils représentent.

RÉFORME

Rapport de la commission Jospin Le cumul des mandats donne du fil à retordre Présidée par Lionel Jospin, la commission de rénova- tion et de déontologie de la vie publique a rendu

un rapport dans lequel elle formule plusieurs proposi- tions pour accompagner la réforme des institutions. Parmi elles, on retrouve la question du non-cumul des mandats qui est loin de faire l’unanimité.

J eudi 22 et vendredi 23 novembre, Besançon accueille à la Bouloie un colloque sur “la transparence en politique”. Un sujet aussi sensible que complexe, qui émerge dans l’actualité avec la publication du rap- port de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin. Ce docu- ment est un préalable au chantier fas- tidieux de la réforme des institutions voulu par François Hollande, annon- ciateur d’un “renouveau démocratique”. D’ici la mi-décembre, le président de la République recevra les chefs des principaux partis politiques pour entendre leur avis sur cette réforme dont la feuille de route est consignée dans ce rapport. L’ancien premier ministre socialiste y formule 35 pro- positions qui vont de la rupture avec la pratique de cumul des mandats à la stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts, en passant par la création d’une autorité de déontologie de la vie publique. La commission estime en effet que le cumul des mandats est un obstacle “à une véritable rénovation de la fonction de parlementaire” qui justifie que l’élu s’y implique à temps complet. Or, actuel- lement, 476 députés sur 577 (82 %) et 267 sénateurs (77 %) sont dans une situation de cumul apprend-on dans le rapport. “Parmi eux, 340 députés (59 %) et 202 sénateurs (58 %) exercent des fonctions exécutives dans les col- lectivités territoriales. Ces parlemen-

taires sont le plus souvent à la tête des exécutifs dont ils sont membres : 261 députés (45 %) et 166 sénateurs sont soit maire, soit président de Conseil général, soit président de Conseil régio- nal.” Une situation jugée inacceptable pour le député socialiste René Dosière, spé- cialiste des finances publiques qui vient de publier aux éditions du Seuil “L’État au régime” dans lequel il épingle les parlementaires (voir page suivante). Au-delà du temps nécessaire à accor- der de la fonction de parlementaire, il estime que le cumul est aussi source de dépense. “En supprimant le cumul des mandats, on ferait une économie de 12 millions d’euros sur les indem- nités. L’effet serait perceptible dans les budgets des collectivités locales puisque

Ils seraient à peine une quarantaine de députés socialistes à avoir démis- sionné de leur mandat local sur les 165 en situation de cumul.

plus qu’une seule indemnité. “Je suis convaincu que si nous faisions cela, nous aurions une diminution soudai- ne du cumul des mandats” ironise-t- il, faisant voler en éclat l’argument défendu par beaucoup de pro-cumul qui prétendent qu’il est important qu’un parlementaire occupe un man- dat local afin de maintenir un lien avec le terrain. À écouter René Dosière, l’intérêt du cumul serait avant tout financier. En réalité, dans le rang de la majori- té socialiste, les récalcitrants sont plus nombreux que les partisans du non- cumul. Rares sont les parlementaires à avoir suivi la consigne de Martine Aubry qui par courrier, leur deman- dait au mois d’août, de “démissionner

au plus tard en septembre de (leur) mandat exécutif local.” L’engagement d’exemplarité n’est pas franchement respecté. Ils sont rares les députés qui, comme la socialiste Barbara Roma- gnan ici à Besançon, au nomde la déon- tologie, n’ont pas attendu le texte sur le non-cumul pour démissionner. Il devrait être examiné au premier tri- mestre 2013 par le Parlement. Elle a quitté le Conseil général pour se consa- crer à temps plein à son action de dépu- té. Claude Jeannerot en revanche, pré- sident socialiste du Conseil général du Doubs, n’a pas l’intention de démis- sionner de son mandat local pour n’occuper que la fonction de sénateur. Il s’explique : “Je respecte l’engagement que j’ai pris devant les électeurs. Un

point c’est tout. J’attends que l’on vien- ne me démontrer que je remplis mal l’une ou l’autre de mes fonctions.” Clau- de Jeannerot fait partie de ceux qui jouent la montre. Il attend la loi sur le non-cumul pour s’y plier, sachant que celle-ci ne devrait entrer en vigueur qu’en 2014, date à laquelle il remet- tra en jeu ses deux mandats. Selon Bruno Le Roux, le patron du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, une quarantaine de députés socialistes seu- lement auraient démissionné de leur mandat d’exécutif local sur les 165 qui sont dans une situation de cumul. Fran- çois Hollande n’est pas au bout des peines. Il y a encore du chemin à fai- re pour inverser la tendance. T.C.

les députés comme les sénateurs ne perce- vraient plus leurs indemnités de maire, de président de Conseil général ou régional” explique le député qui intervient dans le cadre du colloque le 23 novembre à 9 h 25 à la Bouloie. Face aux critiques de ses collègues élus, René Dosière a proposé sub- tilement aux cumulards de continuer à occuper plusieurs fonctions, mais en ne percevant

12 millions d’euros économisés.

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