La Presse Bisontine 134 - Juillet-Août 2012

La Presse Bisontine n° 134 - Juillet-août 2012

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INVENTAIRE

80 000 objets à traiter

En vue du futur déménagement des œuvres avant l’ouverture des travaux du musée, une équipe est en train d’inventorier et de conditionner tous les objets qui composent les collections archéo- logiques. Un travail méthodique et colossal à la fois est en cours. Branle-bas de combat à l'archéologie

A u rez-de-chaussée du Musée des Beaux-arts, une salle a été organisée en une sorte de cabinet d’inventaire. C’est ici que transitent tous les objets qui ont trait à l’archéologie. Dans quelques mois, ils seront expédiés vers les nouvelles réserves du Musée en cours d’aménagement dans un bâtiment proche de la Cité Canot. “Il y a en a 80 000 environ” annonce Noëmi Dau- cé, conservateur du patrimoine char- gée des collections archéologiques. Il faudra déménager tous ces objets avant le début des travaux de trans- formation du bâtiment culturel qui doivent démarrer en 2014. L’échéance sonne le branle-bas de combat au musée. Un travail méthodique et colossal a commencé il y a six mois pour une petite équipe de trois per- sonnes chargée de recenser, référen- cer dans une base de données infor- matique, dépoussiérer, photographier, numéroter et enfin conditionner cha-

cun de ces objets anciens. “Notre ins- tallation est un peu artisanale, mais elle fonctionne” sourit Noëmi Daucé. Jamais pareil travail d’inventaire n’avait été effectué jusqu’à présent. Céramique, bois, métal, tous les maté- riaux sont distingués. Les objets en mauvais état sont sortis du lot pour être traités de façon prioritaire. Si une céramique est cassée, elle sera confiée à un restaurateur agréé. Les collections les plus fragiles sont soi- gneusement placées dans des écrins sur mesure. “Ce chantier des collec- tions est aussi celui de tous les dan- gers car le risque est de perdre des informations importantes. On garde la moindre étiquette, on la photogra- phie, rien n’est laissé au hasard” ajou- te la spécialiste. Dans l’atelier, les précieuses caisses s’empilent. “Dix mètres cubes de palettes sont déjà prêts à être trans- férés vers les nouvelles réserves.” Ce n'est qu’un début. Car il reste enco- re des milliers d’objets qui attendent

Des peaux peintes amérindiennes d’une grande rareté L e musée des Beaux-Arts et dʼArchéologie conserve deux peaux peintes amérin- diennes exceptionnelles qui ont fait lʼobjet dʼune campagne de restauration en 2011. Entrées dans les collections du musée dès 1853, ces capes en peau de cervidé pro- viennent dʼune collection royale constituée sous lʼimpulsion du Duc dʼArtois, frère de Louis XVI en 1783. Aujourdʼhui, seules douze peaux amérin- diennes subsistent de ces collections royales : neuf dʼentre elles, autrefois présentées au Musée de lʼHomme, sont désormais conser- vées au musée du Quai Branly tandis quʼun autre exemplaire se trouve au Muséum dʼHistoire Naturelle de Lille. Les deux peaux amérindiennes de Besan- çon proviennent toutes deux de la moyen- ne vallée du Mississippi mais se distinguent par leur programme iconographique. La pre- mière (853.50.1) est attribuée au groupe Quapaw. Une scène de chasse sʼy déploie à lʼintérieur dʼun cadre rectangulaire : autour dʼun motif solaire rayonnant sʼaffrontent des couples dʼanimaux (bisons, ours, cervidés et panthères) tandis quʼun archer bande son arc. La scène sʼenrichit sans doute dʼune dimension symbolique dont le sens, faute de documentation, nous échappe. Loin dʼêtre une simple ornementation, les peintures des manteaux et des vêtements, de la même manière que les tatouages et les peintures corporelles, constituent en effet une forme dʼécriture pictographique, mémoire sociale situant lʼindividu à lʼintérieur du groupe. La seconde cape (853.50.2), sans doute plus ancienne, est attribuée au groupe voi- sin des Illinois, dont les terres sʼétendaient dans une région située au Nord-Est des États-Unis. On y reconnaît un oiseau ton- nerre dont lʼextrême stylisation confine à lʼabstraction. Encore hermétique à lʼinfluence picturale occidentale, cette cape est généra- lement datée de la seconde moitié du XVII ème siècle ou du début du XVIII ème siècle. (Sour- ce : Noëmi Daucé).

Tous les objets sont inventoriés et conditionnées.

ment redécouvrir, ce sont des sculp- tures qui étaient un peu dispersées comme cet ensemble de l’île de Kos daté du IV ème siècle avant notre ère.” Moins de 10 % des objets archéolo- giques sont montrés au public aujour- d’hui faute d’une surface d’exposition suffisante dans le Musée et d’une réserve qui n’est pas fonctionnelle pour extraire aisément les collections. Cela va changer une fois les travaux terminés. “L’espace d’exposition dédié à l’archéologie sera beaucoup plus grand qu’il ne l’est actuellement. Nous allons y réserver une vraie place à notre région racontée de la préhis- toire à l’époque romaine” annonce Emmanuel Guigon. Les nouvelles réserves seront elles aussi à la fois plus vastes et fonctionnelles. T.C.

dans l’actuelle réserve du Musée, inadaptée et trop exiguë pour conser- ver ce patrimoine archéologique dans les conditions qu’il mérite. Des tré- sors dorment là, place de la Révolu- tion. Ils n'ont jamais été exposés ou rarement comme ces tissus coptes qui viennent d'être restaurés. “Il peut y avoir des œuvres singulières et un chef-d’œuvre comme ces peaux amé- rindiennes (1) qui seront présentées l'an prochain” remarque Emmanuel Guigon, le conservateur du Musée des beaux-arts. Ce travail d’inventaire est l’occasion “d’exhumer” un certain nombre d’objets rares. “Nous avons redécou- vert en quelque sorte une partie des collections méditerranéennes. Nous les voyons sous un nouveau jour ajou- te-t-il. La collection qu’on va vrai-

Noëmi Daucé et Emmanuel Guigon dans les actuelles réserves du Musée qui seront transformées après travaux en surface d’exposition.

stabiliser afin d’éviter que leur état ne se dégrade un peu plus. Écailles, craquelures, cadre abîmé, il faut soi- gner les petits bobos. Méliné Miguirditchian est restaura- trice de peintures sur toile. “Je contrô- le plusieurs petites choses. Avec une lumière rasante, je vérifie qu’il n’y a pas de soulèvement de la couche pic- turale. Là où je constate ce genre d’anomalie, j’applique un papier de chanvre avec une colle spéciale sur la zone de soulèvement pour la mainte-

teurs, dont deux sont détachés du centre régional de restauration des œuvres d’art de Vesoul. Tous sont spécialisés en conservation préventive. Leur mission : vérifier l’état de santé de tous les tableaux avant le futur déménagement programmé au premier semestre 2014. Quel que soit le dia- gnostic, il ne s’agit pas d’engager une restaura- tion lourde de ces œuvres qui ne sont pas desti- nées à être exposées dans l’immédiat, mais de les

où l’on peignait principalement sur du chêne. On retrouve encore de la peinture sur panneaux au XIX ème et au XX ème ” précise Juliette. Le Musée des Beaux-Arts a en réserve un certain nombre d’œuvres peintes sur du bois. Le problème avec ce maté- riau est qu’il travaille. La restauratrice peste en découvrant le dos d’un de ces tableaux dont les panneaux ont été renforcés au mépris des règles dumétier. “C’est un parquetage mal fait qui empêche le tableau de vivre. Le système de renfort en chê- ne est inepte et contraire au comportement du bois.” Elle trouvera une solution. Ce chantier d’expertise qui a débuté en avril s’achèvera en novembre. L’occasion de compléter l’inventaire. “Toutes les œuvres sont prises en pho- to sous toutes les coutures. On dispose désormais d’une base de données complète et claire sur la col- lection” remarque Sophie Bernard. Une fois toi- lettés, ces tableaux, y compris les grands formats, quitteront le Musée pour être déposés dans les nouvelles réserves extérieures au bâtiment, plus spacieuses et mieux aménagées. Ils y seront conser- vés dans de bonnes conditions. T.C. Le Musée des Beaux-arts compte 2 200 tableaux (1 700 en réserve peinture, 250 exposés, une trentaine de tableaux roulés grand format, et le reste en réserve Horlogerie). Ils ont été peints entre le XIV ème et le XX ème siècle.

Peinture sur bois.

nir” explique-t-elle. Les tableaux sont dépoussié- rés, face et revers, le châssis est contrôlé, le cadre déposé. En cas de déchirure, “on met un panse- ment.” Le traitement ne sera pas différent pour les tableaux qui sont depuis longtemps “à l’infirmerie” au fond de la réserve. “Ils sont encras- sés, très fragiles. C’est pour cette raison que nous les conservons à plat. Dans leur état, ils ne peu- vent pas être accrochés” explique Sophie Bernard, conservateur en charge de la collection des pein- tures. Les 250 tableaux exposés au Musée seront eux aussi vérifiés dans le cadre de cette opération. Juliette Mertens travaille sur la table à côté de Méliné. Sa spécialité n’est pas la peinture. “Moi, je m’occupe du bois des tableaux sur bois.” En France, ils sont une dizaine d’experts dans ce domaine. On l’oublie parfois, mais ce matériau a longtemps servi de support aux peintres “jusqu’au XVI ème siècle en Italie et début du XVII ème en Flandres

Méliné Miguirditchian est restauratrice de peinture sur toile. Elle vérifie l’état de santé des tableaux et procède aux réparations succinctes mais nécessaires.

Cette peau peinte est attribuée au groupe des Quapaw.

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